vendredi 25 décembre 2009





SANTE MENTALE

Quelles sont les alternatives aux chambres d'isolement ?
Publié le mardi 22 décembre 2009

PROPOS RECUEILLIS PAR MARIE GOUDESEUNE > region@nordeclair.fr


Jeudi dernier s'est tenue une demi-journée sur le soin, le droit et l'isolement à l'EPSM d'Armentières.

Thierry Danel, directeur de la Fédération régionale de recherche en santé mentale (F2RSM), explique comment médecins, administratifs et patients ont réfléchi à des alternatives à l'isolement.

À quoi sert la Fédération régionale de recherche en santé mentale, dont vous êtes le directeur ?

C'est un groupement d'intérêt public qui réunit les trente établissements de la région qui ont une activité en matière de santé mentale. Nous avons quatre grandes missions : notre Observatoire régional de santé mentale répertorie les données générales sur les troubles de la population, la consommation de soins, de médicaments, etc.
Ensuite, nous apportons une aide méthodologique aux établissements adhérents dans leurs protocoles de recherche. Nous faisons en sorte également de valoriser la région pour retenir les médecins, par le biais de rencontres et d'une vision positive de ce qui s'y fait. Enfin, nous partageons nos pratiques : les gens qui ont des activités de soins peuvent, via la fédération, partager leurs expériences et leurs questionnements.

Jeudi dernier s'est tenue une demi-journée d'échanges à l'EPSM d'Armentières sur le soin, le droit et l'isolement. Pourquoi ce colloque ?

Nous organisons des demi-journées de façon trimestrielle, dans toute la région et qui réunissent à chaque fois entre 50 et 80 personnes sur des thèmes d'actualité de la Fédération. Cette fois, elle a porté sur l'isolement et la contention dans les services de psychiatrie. Ce thème a été discuté entre différents médecins, directeurs d'hôpitaux, administratifs, la société civile aussi, un bâtonnier de l'Ordre des avocats ou encore un architecte.

Quel bilan et quels effets pratiques tirez-vous de cette demi-journée ?

Ce qui en ressort, c'est que nous voulons mettre ce problème de l'isolement à la discussion des professionnels de santé, des patients, de la société civile, et non pas l'occulter. Voir quelles sont les alternatives, s'il faut encore ou non des chambres d'isolement dans tous les services de psychiatrie, quelles mesures peuvent être prises.
Par exemple, faut-il mettre en place des lieux d'apaisement plutôt que d'isolement ? Les caméras ne sont-elles pas une violation de la dignité, de la liberté, de l'intimité des gens ? Que penser des « hôpitaux prisons » qui gardent des prisonniers ayant des troubles mentaux ? Nous constatons aussi que la construction d'une nouvelle architecture avec des conditions de lumières et de positionnement particulier peuvent avoir une grande influence sur la violence et, du coup, diminuer l'isolement.w ''

''Faut-il mettre en place des lieux d'apaisement plutôt que d'isolement ? Les caméras ne sont-elles pas une violation de l'intimité des gens ? Que penser des « hôpitaux prisons » ?



La Baule et sa région ACTUALITÉ Loire-Atlantique
lundi 21 décembre 2009


Hôpital psy de Blain : « Une philosophie du soin »












Des patients travaillent au tri du linge sale dans la buanderie.
Photo : Archives du Centre hospitalier spécialisé de Blain

Le centre hospitalier spécialisé de Blain aura 50 ans en 2010 et intégrera de nouveaux locaux d'ici 2011. Un livre revient sur l'histoire peu commune de l'« hôpital-village ».

Trois questions à Philippe Dossal, coordinateur de l'ouvrage « Pont-Piétin, un hôpital-village ».

Pourquoi un livre sur l'hôpital-village ?

L'hôpital de Pont-Piétin a été créé ex-nihilo à la fin des années 50. Dans le département, la capacité n'était pas suffisante pour accueillir les « malades mentaux ». Il n'y avait que Saint-Jacques, à Nantes. C'était la fin des asiles : on voulait socialiser les gens dans un microcosme fonctionnant en autarcie. Quelques hôpitaux-villages sont alors construits en France, dont Blain. Aujourd'hui, le concept est obsolète. Les neuroleptiques ont modifié la donne : depuis les années 70-80, on remet les malades dans la cité. À Blain, on est passé de près de 1 000 malades à 100 ou 200. Le lieu se reconstruit comme un hôpital classique, des pavillons sont détruits. D'ici 2011, ce sera un autre établissement. Des cadres ont voulu fixer cette aventure de la psychiatrie en train de se fermer.
Photos, témoignages, presse... comment retracer 50 ans de l'hôpital ?

Les auteurs ont des regards différents : un assistant social, des cadres soignants et administratifs. Dans les archives de l'établissement, on a débusqué un lot de photos, des notes de service. Elles montrent l'établissement dans les années 60, quand il s'agissait d'un village, avec son garage, sa coiffeuse, sa banque. Des souvenirs émouvants sont remontés : lors de bals thérapeutiques, malades et médecins dansaient ensemble. À l'époque, il n'y avait pas de personnel hospitalier, les malades faisaient le ménage. Certains possédaient même la clé des pavillons ! Jusqu'à 40 malades travaillaient à la ferme, ils gagnaient un pécule. Cela a disparu avec l'allocation adulte handicapé.

Tout n'était pas rose, on parle de douches à la chaîne dans les pavillons...

Il ne s'agit pas de dire que tout était merveilleux. Hommes et femmes étaient séparés, on les dépossédait de leurs vêtements personnels. Mais Blain était en progrès par rapport à la psychiatrie d'alors : à Saint-Jacques, il y avait des dortoirs de 30 à 40 personnes. À Blain, ils étaient 6. L'implantation a été accueillie paradoxalement par la population, aussi. Il y avait de la peur, de la fascination, mais cela apportait du travail. C'est encore la plus grosse entreprise de Blain : 600 fiches de paie ! Les auteurs sont un peu nostalgiques d'une certaine forme d'humanité du soin, comme ces étés où ils partaient en camping avec les malades.

Recueilli par Clémence HOLLEVILLE.

« Pont-Piétin, un hôpital-village » aux éditions Siloë. 18 €. Auteurs : Paul Ablin, Christian Joulan, Thierry Joutard, Jean Leray, Françoise Maurier, Isabelle de Saint Sulpice et Philippe Dossal.



L’HUMANITÉ DES DÉBATS

Que devient l’Appel des appels ? TABLE RONDE

AVEC : BARBARA CASSIN, PHILOLOGUE ET PHILOSOPHE ; ROLAND GORI, PSYCHANALYSTE, TOUS DEUX COAUTEURSDE L’APPEL DES APPELS (*).

Le livre que vous avez piloté avec le sociologue Christian Laval paraît presque un an après le lancement de l’Appel des appels, le 14 janvier dernier. Quel est son but ?

ROLAND GORI. C’est une nouvelle étape. Il explique le pourquoi et le comment de l’émergence du mouvement grâce à un choix de textes assez complets et significatifs. Après l’appel fondateur, qui a été signé par près de 80 000 personnes, il fallait archiver un certain nombre de choses qui ont été dites et partagées, et établir une base commune pour la suite, car il n’est pas question d’en rester là. Nous n’avons pas fait cela pour nous donner bonne conscience. On voit bien que tous les secteurs recensés, que l’on peut caractériser comme ce qui concerne « l’humanité dans l’homme », médecine, psychologie, justice, enseignement, philosophie, information, culture, travail social, sont confrontés à des réformes qui tendent à les transformer en instruments d’un pouvoir politique qui traite l’homme en instrument. Nous avons affaire à des normalisateurs, des normalisateurs d’individus et de populations. Ces métiers qui, dans les phases antérieures du capitalisme, pouvaient se considérer comme préservés, dans leur activité, d’une idéologie des valeurs marchandes, se voient décomposés, recomposés, selon les critères de l’homme-marchandise. C’est une véritable « financiarisation » de l’humain. C’est d’autant plus déplorable que le milieu d’où ont émergé ces valeurs, le milieu financier, est un milieu en crise, un milieu toxique pour l’humanité.

Revient sans cesse, dans le livre, l’expression « coeur de métier ». Qu’entendez-vous par là ?

BARBARA CASSIN
. De l’extérieur du métier que nous exerçons, on peut croire que ces réformes, après tout, ne sont pas si mal que ça. Par exemple, dans mon domaine – je suis chercheuse au CNRS –, on dit qu’elles s’inspirent du modèle anglo-saxon, qui ne serait pas moins efficace qu’un autre… Mais de l’intérieur, c’est-à-dire du coeur de notre métier, on peut expliquer pourquoi c’est une catastrophe. D’où, d’ailleurs, l’ampleur du livre, les intervenants ayant des coeurs de métier différents. Moi, j’ai besoin qu’on m’explique en quoi, dans les hôpitaux, la tarification à l’acte est nocive, sinon je ne suis pas sûre de comprendre. Ensuite, en évoquant notre coeur de métier, on voit bien que nous ne sommes pas atteints de corporatisme, nous n’en restons pas aux statuts. C’est si vrai que nous rencontrons le même type de problèmes, que l’on retrouve d’ailleurs à France Télécom, à La Poste…

Pouvez-vous décrire ce qui, très exactement, est menacé dans votre coeur de métier personnel ?


BARBARA CASSIN. Bien sûr. Je travaille sur des textes grecs anciens. On peut se demander à quoi cela sert. Eh bien, cela sert à nous donner des outils, des concepts qui nous permettent de comprendre ce qui se passe aujourd’hui. Par exemple, qui nous permettent de disséquer un discours du président de la République. Comparer un discours de Barack Obama à celui de Nicolas Sarkozy relève d’une longue culture. Mon métier de chercheuse porte sur la philosophie grecque, qui traite de la naissance du politique. Les sciences sociales, les sciences humaines, appellent des recherches longues, lourdes, cela ne se fait pas avec un coup d’ANR (Agence nationale de la recherche), programme à trois-quatre ans. Les seuls critères que l’on veut nous imposer sont l’évaluation et la performance. Pour un chercheur, c’est le facteur H, le nombre d’articles publiés dans des revues classées, le plus souvent de langue anglaise, pondéré par le nombre de citations faites de ces articles, quel que soit le contenu. Toujours la politique du chiffre ! Mais, à ce compte-là, Faurisson, le négationniste, est supérieur à Lévi-Strauss, bien que la cote de ce dernier, depuis sa disparition, ait remonté… Le comble est que les réformes qui nous frappent sont en retard d’une guerre. On veut nous faire imiter un monde anglo-saxon quand des chercheurs de ce monde-là admirent l’intérêt, l’intelligence de notre CNRS, et n’en sont plus à ce type de classement.

Roland Gori, votre coeur de métier est différent, qu’en est-il ?


ROLAND GORI. Hormis le travail universitaire, comme psychothérapeute, je soigne des patients qui éprouvent des souffrances psychiques et sociales. Et on est, de plus en plus, face à des contraintes, des normes qui s’imposent toujours davantage comme des exigences qui « calibrent » les existences. On s’excite sur les conditions d’accès au métier de psychothérapeute, sur les diplômes académiques, sans s’interroger sur ce qu’est un psy, sur son éthique, sa finalité et sa pratique. On le normalise sans s’interroger sur le sens de son acte professionnel. L’ouvrier est devenu un prolétaire quand son savoir et son savoir-faire sont passés dans la machine. Nous ne voulons pas que notre savoir et notre savoir-faire passent dans la machine de l’évaluation, qui est un dispositif de dévaluation. Les professionnels de l’Appel des appels sont des gens qui sont sur la bicyclette de leur métier, qui pédalent, et auxquels on dit de s’y prendre autrement. Un beau jour, ils en ont marre, ils relèvent la tête et se demandent : la route sur laquelle je suis, est-ce bien la route sur laquelle je me suis engagé ? Ils ne sont pas seuls, ils regardent à gauche, à droite, et ils voient des copains qui, dans leurs secteurs, sont aussi en train de lever la tête, de se poser la question de la direction vers lesquelles on les invite à pédaler… Je suis frappé de voir que, dans la police, on fonctionne au quotient d’infractions, on privilégie ainsi le plus facile, les petits délits, les prostituées, les étrangers, les jeunes des cités. De façon générale, il faut s’adapter au milieu des normes qu’on impose, et non transformer grâce à son métier, par le soin, l’information, l’éducation, les individus et les populations que l’on était censé devoir prendre en charge.

Barbara Cassin, vous parlez, s’agissant de l’Appel des appels, d’un « nous » considérable et d’un « nous » raisonnable…

BARBARA CASSIN. Notre « nous » est considérable par son ampleur, mais aussi parce qu’il va falloir nous considérer. Si nous disons ce qui ne va pas, si nous faisons suffisamment de bruit, cela devient un coût pour les pouvoirs publics. Les hurlements sont un coût, avec l’accent circonflexe, ça coûte des voix, des votes. Par exemple, dans le texte remis aux préfets, concernant cette histoire d’identité nationale, il y avait cette phrase dégoulinante de présupposés : « Comment éviter l’arrivée sur notre territoire d’étrangers en situation irrégulière, aux conditions de vie précaires, génératrices de désordres divers (travail clandestin, délinquance) et entretenant, dans une partie de la population, la suspicion vis-à-vis de l’ensemble des étrangers ? » Cette phrase a, depuis, disparu. Je l’avais moi-même dénoncée notamment à la radio. Le « nous » raisonnable, c’est le nous du bon sens, c’est le nous de la sagesse. Il est hors du sens commun d’accepter des recettes, des normes de performance, d’évaluation, de concurrence, qui ont failli. Aux réformes calamiteuses du gouvernement qui conduisent au saccage des métiers et de leurs valeurs, nous opposons la sagesse. À la déraison, nous opposons la raison.

Cette sagesse est-elle aussi une manière d’en appeler à l’opinion ?

BARBARA CASSIN. Absolument, c’est le B.A.BA. Ce « nous » raisonnable que nous appelons exprime le désir partagé d’un grand nous national et supranational qui soit opposable au pseudo-nous gouvernemental.

Qu’est-ce qui peut faire en sorte que l’Appel des appels n’en reste pas à une indignation et à un enthousiasme momentanés ?

ROLAND GORI
. Pérenniser le mouvement tient d’abord à la pertinence de son analyse. Je ne le dirai pas de cette façon qui peut paraître immodeste si ce n’était une a n a l y s e collective. On passe de pétitions qui é t a i e n t des réact i o n s à d e s réformes aberrantes ou douloureuses à autre chose qui recrée du lien social, du lien entre les générations, et qui est véritablement cette « fraternité » dont nous parlons dans l’ouvrage.

BARBARA CASSIN. Notre mouvement est récent, bien sûr il peut s’essouffler, mais sa chance est qu’il est absolument ouvert. Il est ouvert à tout le monde, sans marque de fabrique, ou sans autre marque de fabrique que lui-même. Il n’impose pas, il accueille. Son gage de pérennité réside dans ces caractéristiques. Je dirais même que, si l’agression cesse, tant mieux, le mouvement aura produit une meilleure conscience. Mais pour l’instant, on en est loin, il y a sans cesse un nouveau Scud…

Comment expliquez-vous que cela se produise aujourd’hui ?

ROLAND GORI. Il est vrai que c’est maintenant que les choses sortent. Pour tenter de comprendre, il faut remonter aux années 1980. Dans mon secteur, que je crois connaître, c’est le moment où l’on ne demande plus à la psychiatrie de guérir la névrose, de soulager la psychose, de permettre aux gens de s’épanouir dans leur vérité. On demande à la psychiatrie de recenser les anomalies, de repérer les comportements, et finalement d’identifier les populations à risques que l’on contrôle, dépiste, sécurise sans les soigner dans une société de surveillance généralisée. Je dirais, pour conclure sur ce point, que chaque société a les pathologies qu’elle mérite et la psychiatrie qui lui convient. Cette métamorphose est celle des métiers, mais aussi celle du droit des citoyens, du rapport qu’ils ont avec la cité. Cela a correspondu, aussi, il faut bien le dire, à la conversion du Parti socialiste à l’économie libérale et à ses normes au milieu des années 1980. Nous sommes encore dans cette métamorphose que les réformes veulent durcir et institutionnaliser. Il y a encore, à l’université, des collègues qui marchent à l’évaluation et à la performance et se transforment en « tyranneaux » d’eux-mêmes et des autres.

Ces changements de valeurs n’étaient-ils pas aussi promus dans des sphères de la société ?

ROLAND GORI. Il y a toujours, dans une civilisation donnée, des tyranneaux. Des gens ont adhéré à ces nouvelles valeurs de compétition soit parce qu’ils y croyaient, et ils ont le droit d’y croire, pris parfois dans le rêve états-unien, soit par opportunisme, par cynisme. Et là, c’est grave !

BARBARA CASSIN. Bénie soit la crise, si l’on peut dire, qui a montré l’inanité de ces critères.

Comment envisagez-vous la suite ?

ROLAND GORI. Des idées ont circulé, des comités locaux se sont créés. Je souhaite que la parution du livre donne une nouvelle impulsion aux rencontres. À l’échelle de l’Europe, je viens de me rendre en Suisse, en Belgique, où l’on est intéressé par notre mouvement. L’affaire ne doit pas rester franco-française, car le problème se pose partout. Nous pourrions envisager des états généraux de l’Europe des métiers. Mais nous devons également nous tourner vers l’opinion, vers les partis politiques. C’est pour cela que j’ai accepté toutes les invitations qui nous ont été adressées.

Daniel Le Scornet, dans le livre, évoque une éventuelle rencontre avec les centrales syndicales.

ROLAND GORI
. Il y a eu avec elles une réunion publique et une réunion privée. Les syndicats nous ont dit : l’évaluation que vous dénoncez, nous la subissons depuis longtemps. Donc, l’idée est venue : pourquoi ne pas partager, lors d’un colloque d’une journée, nos expériences, nos analyses ? Daniel Le Scornet a avancé l’échéance du printemps 2010. Pourquoi pas ? Car après tout, les évaluations dans nos secteurs, c’est l’équivalent du contre-maître avec son chronomètre dans les chaînes de production du « passé ».

Comment vous situez-vous sur le terrain politique, sachant que la période à venir va être celle des élections régionales et des débats qu’elles vont susciter ?

ROLAND GORI. L’Appel des appels est un mouvement, pas un périmètre bien défini qui permettrait des alliances, des mots d’ordre, des consignes de vote. Il a un côté un peu nébuleux qui fait sa force et sa limite. Après, à titre personnel, chacun s’engage comme il veut. Il existe évidemment des affinités électives à partir des combats que nous menons. Pour ma part, chaque fois que j’ai été invité à faire connaître nos analyses, nos commentaires, et que j’ai été, d’une certaine façon, le porte-parole du collectif, j’ai répondu aux sollicitations. J’ai été invité par Daniel Cohn-Bendit, par Manuel Valls avec Serge Portelli, par le Parti communiste à la Fête de l’Humanité, par le Front de gauche, Alain Krivine, lors des rencontres récentes de Pétrarque, cet été a dit que le NPA nous soutenait aussi. Pour le dire très simplement, c’est au Front de gauche que j’ai trouvé le plus d’écoute. C’est comme ça, je ne vois pas pourquoi il faudrait, au nom d’une neutralité de façade, s’en cacher. Mais cela peut être différent pour d’autres. Lorsque je me suis rendu à la Mutualité, à l’invitation du Front de gauche, des « appelants » des Bouches-du- Rhône, où je réside, m’ont envoyé des mails qui se résumaient à ceci : alors, si l’Appel des appels doit se terminer comme ça ! Je sais que des « appelants » sont réticents à l’intervention sur le terrain politique.
Personnellement, cette intervention ne me gêne pas, à condition de ne pas s’approprier le travail collectif et de bien préciser que l’intervention relève du choix de chacun pour la défense des valeurs de tous.

BARBARA CASSIN. Moi, je dirais d’abord que l’Appel n’est pas de droite. Ce que ce n’est pas, c’est clair. Ce que c’est, politiquement, c’est autre chose, c’est autre chose pour de vraies raisons. La résistance à ce dont nous ne voulons pas est notre trait d’union. Il est extrêmement précieux. Je suis de ceux qui pensent que la résistance est une très bonne forme d’engagement politique. À partir de là, chacun peut avoir le point d’ancrage qu’il souhaite.

Une chose frappe à la lecture du livre, concernant la contestation des valeurs et du système, c’est sa radicalité politique…

BARBARA CASSIN. Cette radicalité que vous avez ressentie, elle existe. Au fond, c’est presque un miroir, c’est le retour à l’envoyeur. Les discours de Sarkozy, accompagnant les actes, sont des discours dont la violence est la marque de cette société dont nous ne voulons pas. La force de notre « non » est à la mesure de la force de l’imposition. C’est d’ailleurs pourquoi les éditeurs et les directeurs de collection, Alain Badiou et moi-même, nous avons tenu à publier les extraits significatifs des propos de Sarkozy.

ROLAND GORI. Ce que propose Nicolas Sarkozy ne tient pas qu’à lui. Serge Portelli a raison de parler de sarkozysme sans Sarkozy. Au sujet de la radicalité, on peut citer Marx : « Être radical, c’est prendre les choses à la racine. » Si on prend les choses à la racine, il y a énormément de choses à faire. Nous y sommes prêts.

TABLE RONDE RÉALISÉE PAR CHARLES SILVESTRE

(*) L’Appel des appels. Pour une insurrection des consciences, sous la direction de Roland Gori, Barbara Cassin, Christian Laval, Éditions Mille et Une Nuits. 19 euros.-






Entretien avec Bernard Golse

[dimanche 20 décembre 2009]











Le Professeur Bernard Golse, pédopsychiatre et psychanalyste à l’hôpital Necker Enfants-Malades, a répondu aux questions de Marie Bonnet lors d’un entretien concernant Freud et la psychanalyse d’enfants.

A écouter en cliquant sur le lien suivant :
http://www.nonfiction.fr/article-3018-entretien_avec_bernard_golse.htm

Qu’est-ce que Freud penserait de la pratique de la psychanalyse d’enfants aujourd’hui ?
Qu’est ce qu’être freudien aujourd’hui en tant que praticien ?
Comment Freud a-t-il créé les conditions de la psychanalyse pour enfants ?
Qu’a-t-il retiré de l’observation directe de ses petits-enfants ?
Quels sont les développements actuels de la recherche en psychopathologie de l’enfant qui pourraient remettre en cause ou poursuivre les découvertes de Freud ?
Les explications sexuelles de troubles psychiques de l’enfant sont-elles exagérées dans l’œuvre de Freud ?
De quelle manière l’approche de Lacan dans sa relecture de Freud est-elle opératoire en psychanalyse de l’enfant ?
Pourquoi au fond emmener son enfant chez le psychanalyste ?

Autant de questions auxquelles répond Bernard Golse en exclusivité pour ce dossier événement de nonfiction.

Retrouvez sur le site de Psynem l'actualité de la recherche en psychanalyse et en psychiatrie du bébé et de l'enfant de l'Hôpital Necker enfants malades.

La prise de son et la réalisation sonore de cet entretien ont été assurés par David Christoffel. Vous pouvez retrouver le travail de David Christoffel sur deux sites : Les discrets et son site personnel



















Critique
La paranoïa comme un des beaux-arts
LE MONDE | 14.12.09 |

Dans l'exposition collective "Chasing Napoleon" du Palais de Tokyo, à Paris, l'oeuvre affolante de Paul Laffoley se fiche comme un coup de poing. Le personnage à lui seul vaut le détour : persuadé d'avoir été enlevé par les extraterrestres, ce septuagénaire américain garderait dans le secret de son cerveau un métal inconnu sur Terre. Pis, il se serait ensuite fait greffer une patte de lion.

Ces anecdotes éclairent d'un jour rocambolesque les toiles qu'il a réalisées au long de sa vie, selon une méthode obsessionnelle : sur des formats carrés se heurtent ovnis et philosophes grecs, ying yang et signes astrologiques, dans des compositions évoquant les mandalas psychédéliques autant que les tableaux d'un savant fou.

Ce pittoresque artiste occulte le reste de l'exposition - intitulée "Chasing Napoleon" en hommage aux fantasmes des aliénés ? Dans chaque salle sont présentés des abris où se protéger du bruit et de la fureur du monde, où s'épargner la folie - ou mieux y plonger.

La cachette souterraine où se lovait Saddam Hussein a été reconstruite par Christoph Büchel. La cabane du terroriste Unabomber a été reconstituée par Robert Kusmirovski. D'autres maisons, hantées celles-là d'un sens du confort bien plus sagement domestique, ont été répertoriées en Islande par Dieter Roth, qui en livre la litanie diapositive.

Quant à Micol Assaël, elle propose de s'enfermer dans un bureau de goulag sibérien frigorifié. Seule échappée à cet ensemble qui fait de la paranoïa un des beaux-arts, les chants d'oiseaux qui envahissent la verrière du palais. Apparemment anodins, ils s'avèrent eux aussi profondément schizophrènes : ils ont été recréés par l'artiste Hannah Rickards à partir de l'enregistrement d'oiseaux de chair et de plumes, qu'elle a ensuite ralenti. De ce matériau, elle a fait une partition, qu'elle a elle-même chantée avant de l'accélérer. Ainsi se perpétue la longue marche du Palais vers la quatrième dimension.

"Chasing Napoleon". Palais de Tokyo, 13, avenue du Président-Wilson, Paris-16e. M° Iéna. Tél. : 01-47-23-54-01. Sur Internet : Palaisdetokyo.com. Tous les jours sauf lundi de midi à minuit. Prix : 6 euros et 4,5 euros. Jusqu'au 17 janvier.

Emmanuelle Lequeux
Article paru dans l'édition du 15.12.09