samedi 12 septembre 2009

Editorial
samedi 12 septembre 2009

La peine de mort n'a pas été abolie en France...

Ce titre peut étonner. Pourtant, c'est bel et bien la réalité. En effet, « le suicide tue plus dans les prisons que la peine de mort ne l'a jamais fait » (1). La dernière exécution capitale a eu lieu en 1977. Depuis, c'est au moins 3 000 morts par suicide que l'on peut recenser dans les prisons. Ainsi, des êtres humains placés sous la responsabilité et donc, en principe, sous la protection de l'État, se donnent la mort et que fait-on ? Des rapports et des rapports sur les prisons, sans que les choses changent en profondeur. À l'évidence, c'est le système carcéral lui-même qui est en cause.

Ne plus disposer ni de son temps ni de son espace, la promiscuité, l'impossible intimité, la soumission constante, la difficulté de prendre des initiatives, la rareté des contacts avec l'extérieur, avec la famille, l'indigence des relations entre personnes, l'ennui, la frustration, la violence, les trafics, les hiérarchies parallèles, les caïds, les braqueurs, les pointeurs, tout cela est à l'origine de certains des suicides, des automutilations, des dépressions, des agressions. À cette situation désastreuse, s'ajoute la souffrance des familles qui devraient pourtant être mises en situation d'aider le détenu. S'y ajoute aussi la souffrance des personnels, fatigués, lassés d'exercer leur métier dans des conditions fragiles... Voilà ce qu'écrit Jean-Marie Delarue, contrôleur général des lieux privatifs de liberté (1).

Tout cela est aggravé par la surpopulation dans les prisons et ce n'est pas en en construisant toujours plus que les choses changeront au fond. Espérons que ces nouvelles prisons ne reproduiront pas l'existant en plus froid, en plus neutre, en plus déshumanisé. Il faut repenser ces lieux pour qu'il soit possible d'y redonner un sens de la punition. Or, punir c'est vouloir corriger, c'est donc tout faire pour relever celui qui est tombé au lieu de l'enfoncer davantage.

Le contraire de la dignité proclamée

Il est reconnu que bon nombre de détenus relèvent de la psychiatrie. Pour eux (et pour beaucoup d'autres), la prison n'a aucun sens, dit le sénateur Jean-René Lecerf, rapporteur du projet de loi pénitentiaire. « Les prisons sont pleines mais vides de sens », ajoute le professeur de philosophie Emmanuel Jaffelin.

La prison, telle qu'elle est, ne permet pas aux prisonniers « de se sentir des hommes qui comptent encore et restent debout », écrit la psychiatre Catherine Paulet, présidente des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire (1).

La conclusion de ces analyses et de ces constatations est claire pour Jean-Marie Delarue : « La prison ne peut être davantage cette mort lente qu'a dénoncée, il y a peu, un groupe de détenus. Elle doit se transformer par un ensemble de mesures qui lui permettront d'assurer les deux missions qui lui sont assignées depuis 1945 : la punition certes... mais aussi 'la réinsertion', c'est-à-dire le retour consenti, encouragé, soutenu, à une vie sociale acceptée et partagée. » (1)

Dans la semaine qui vient, le Parlement, une fois de plus, va débattre de cette grave question. Cette fois-ci, sortira-t-on enfin des chemins battus et rebattus ? Va-t-on enfin abandonner notre hypocrisie qui consiste, en ce domaine, à proférer des bonnes paroles, à faire des voeux en l'air, à proclamer les droits de l'homme, à abolir la peine de mort officiellement pour la voir se pratiquer sournoisement ? Va-t-on enfin cesser de tolérer qu'en prison, ce soit tout le contraire de la dignité proclamée ?

(1) Emmanuel Jaffelin, Le Monde, 5 septembre 2009.
François Régis Hutin

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