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Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

jeudi 21 octobre 2021

« Le travail de la commission Sauvé est à poursuivre dans l’ensemble des secteurs de la société »

Entretien avec Thierry Baubet, Pr de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’Université Paris 13, membre de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Eglise, dite « Commission Sauvé ».

WUD : Peut-être pouvons-nous d’abord rappeler la genèse de cette Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Eglise (CIASE) ?

Thierry Baubet : La genèse, c’est l’affaire Preynat / Barbarin [Bernard Preynat est ce prêtre condamné en 2020 pour agression sexuelle d’enfants entre 1972 et 1991 ; Philippe Barbarin est l’ex-archevêque de Lyon, condamné en 2019 pour ne pas avoir dénoncé ces abus sexuels, puis relaxé en 2020, NDLR], provoquée par la naissance d’une prise de parole de victimes, avec la création de l’association « La parole libérée » (je vous conseille l’excellent film de François Ozon, « Grâce à Dieu », pour découvrir son histoire). C’est cette association qui a contraint, d'une certaine manière, l'Église à faire un point sur la situation. La Conférence des évêques de France (Cef) et la Conférence des religieux et religieuses de France (Corref) ont alors donné une lettre de mission à Jean-Marc Sauvé, dans laquelle il lui était demandé de composer une commission pour faire la lumière sur l'ampleur des violences sexuelles commises au sein de l'Église sur des mineurs depuis les années 1950.

WUD : C’est Jean-Marc Sauvé qui vous a demandé d’en faire partie ?

T.B. : J'ai été approché directement par le président, oui. Il avait toute latitude pour composer sa commission. Il a fait appel à moi au titre de mes connaissances sur les questions de traumatisme psychique des victimes.

WUD : Plusieurs médecins faisaient partie de la CIASE, notamment Florence Thibaut, qui a beaucoup travaillé sur les prédateurs sexuels…

T.B. : Tout à fait. Et nous pouvons également citer Sadek Beloucif, qui apportait une compétence sur l’éthique.

WUD : Comment le groupe s'est-il mis au travail ?

T.B. : Nous avons commencé par nous rencontrer lors de journées plénières, ces réunions mensuelles de travail. Étaient invités à ces journées différents experts, et en premier lieu les représentants des associations de victimes, mais également des personnes qui avaient publié des recherches sur ces questions. Le premier temps consistait à nous fabriquer une culture commune, à prendre connaissance des travaux réalisés, en France et à l’étranger. Nous avons ensuite écouté les points de vue des théologiens, des magistrats. Ce fut un premier temps d’échange, avec nos regards décalés. Et puis nous avons pu, après cette première phase, élaborer une méthodologie qui devait nous permettre de répondre aux questions qui nous étaient posées, et qui étaient assez précises.

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Marseille : le débat sur la fin de vie relancé après la mort d'une sexagénaire tuée par son mari à l'hôpital nord

Publié le 20/10/2021

Dans la nuit de mardi à mercredi, un homme de 71 ans a tué sa femme de 69 ans à l'hôpital nord de Marseille avant de se suicider. Dans une lettre, il explique les raisons de son geste : son épouse était en phase terminale de la maladie de Charcot.

Les coups de feu ont retenti aux alentours de 3h du matin, dans les couloirs de l'hôpital Nord, à Marseille. Alertée, la police a découvert sur place le corps d'une femme de 69 ans allongée dans son lit, morte d'une balle dans la tête, et le corps d'un homme de 71 ans, une balle dans la bouche. Un pistolet automatique a également été retrouvé.

L'homme a tué sa femme avant de retourner l'arme contre lui, rapporte Stéphane Berdah, chef de service à l'hôpital Nord, confirmant une information France Bleu. 

Cette dernière venait de sortir de réanimation après une chirurgie lourde, explique Stéphane Berdah. Son mari était présent à ses côtés, du fait de cette intervention. En raison de la crise sanitaire, les accompagnements sont strictement encadrés. La situation de cette femme permettait une exception. 

"Personne n'est fouillé à l'entrée de l'hôpital, c'était un drame inévitable qui a beaucoup traumatisé les soignants", ajoute le chef de service. 

Dans une lettre retrouvée sur les lieux, l'homme explique son acte. Son épouse était atteinte de la maladie de Charcot en phase terminale. Devant l'évolution de cette maladie chronique grave, le couple aurait alors passé un engagement. 

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« J’avais l’impression d’être face à un robot » : le difficile dialogue entre victimes de violences sexuelles et forces de l’ordre


 



Par  et   Publié le 20 octobre 2021

Depuis plusieurs semaines, sur les réseaux sociaux, se multiplient des témoignages mettant en lumière le vécu souvent douloureux des dépôts de plainte dans les commissariats.

« Revenez lundi, là on n’a personne pour vous recevoir. » C’est ainsi qu’a été accueillie la première fois Blanche (le prénom a été changé), un vendredi d’avril 2020, quand elle a enfin « trouvé le courage » de pousser la porte du commissariat de sa ville, en région parisienne. « J’étais en procédure de divorce avec monsieur, après vingt ans de vie commune et de violences, et il n’arrêtait pas de me harceler pour empêcher la séparation, raconte cette mère de deux enfants. J’avais très très peur d’aller porter plainte parce que j’avais peur de lui, et des conséquences, mais l’association d’aide aux victimes qui m’accompagnait m’avait encouragée à le faire. »

Manifestation à l occasion de la journée internationale des droits des femmes. Le slogan afiché fait référence au sentiment de ne pas être écouté qu’ont certaines femmes en déposant plainte pour viol ou violence. À Paris, le 8 mars 2021.

mercredi 20 octobre 2021

«Un enfant, ça dit tout et n’importe quoi» : que sait-on de cet appel d’une mère à la brigade des mineurs ?

par Elsa de La Roche Saint-André et Anaïs Condomines   publié le 19 octobre 2021 

Un enregistrement, publié par Karl Zéro sur les réseaux sociaux, illustre une mauvaise prise en charge par la brigade des mineurs. La préfecture de police de Paris indique qu’une saisine administrative de l’IGPN a été demandée. 
Question posée sur Twitter, le 13 octobre.

Le document est édifiant. Le 11 octobre, sur Twitter, l’animateur télé Karl Zéro diffuse un enregistrement, présenté comme une conversation entre un agent de «la brigade des mineurs» et une mère en détresse. Cette dernière «a besoin d’aide et de conseils au sujet de sa fille» qui lui a «parlé de choses à caractère sexuel qui se passent quand elle est chez son père». Les faits tels qu’ils sont énoncés sont graves et permettent de soupçonner des violences sexuelles sur l’enfant.

Après la crise, encore la crise : la Pitié-Salpêtrière à bout de souffle

Par  et Julie Balagué  (Photos)  Publié le 20 octobre 2021

Dans cet immense hôpital parisien, des chambres restent vides faute de personnel. Les départs se multiplient, sur fond d’épuisement généralisé, et la prise en charge des patients est dégradée.

En cette fin d’après-midi de septembre, un arc-en-ciel s’étire dans le ciel orageux, au-dessus des toits gris de Paris. Depuis la terrasse du bâtiment Eole, inauguré il y a deux ans, l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière a des airs de carte postale. Des jardins arborés d’où émergent le dôme d’une magnifique chapelle, des édifices classés du XVIIsiècle et, à l’horizon, le Sacré-Cœur et le Panthéon. Depuis ce vaisseau amiral de la médecine française, on aperçoit aussi les livres ouverts de la bibliothèque François-Mitterrand et les nouvelles tours Duo, de l’architecte Jean Nouvel, qui dominent le 13arrondissement.

« Plus grand hôpital d’Europe », « ville dans la ville », comme on le dit souvent, avec ses allées et ses rues, la Pitié-Salpêtrière est une mosaïque architecturale où les vieilles pierres côtoient les façades grisâtres des années 1970-1980 et le verre étincelant des constructions contemporaines. Debout face au panorama, dans son pyjama bleu, Alexandre Demoule, chef du service de réanimation médicale, désigne son ancien bureau, dans l’aile Montyon. « La peinture s’écaillait, les faux plafonds me tombaient dessus », se souvient-il. Il l’a quitté juste à temps pour accueillir les premiers malades du Covid-19.

Les rues dans l’enceinte de hopital de la Pitié-Salpétrière, à Paris, le 7 septembre 2021.

« Ces enfants n’ont pas choisi de partir en Syrie, ils sont innocents » : l’appel de 175 parlementaires

Publié le 04 octobre 2021

TRIBUNE

Dans une tribune au « Monde », des élus français appellent au rapatriement « immédiat », au nom de « l’impératif humanitaire », des quelque 200 enfants français détenus dans les camps du nord-est de la Syrie, et à celui de leurs mères, pour des raisons sécuritaires.

Des détenus des proches de personnes soupçonnées d’appartenir à l’Etat islamique, au camp Roj, près de Derik (Syrie), le 28 mars 2021.


Dans les camps de Roj et d’Al-Hol du nord-est de la Syrie survivent, depuis plus de deux ans, deux cents enfants français et leurs mères détenus arbitrairement. Les conditions sanitaires indignes dans lesquelles ces enfants sont maintenus sont renseignées depuis longtemps par de nombreux observateurs et ONG.

Comment l’imagerie révolutionne la biologie

 par Sebastián Escalón  19.10.2021

À l’occasion du lancement de l’Année de la biologie, le neurobiologiste Daniel Choquet nous explique comment les progrès en imagerie contribuent à l'explosion actuelle des connaissances en sciences du vivant. 

Peut-on dire que, grâce aux progrès des technologies d’imagerie, les sciences du vivant sont entrées dans une nouvelle ère ?

Daniel Choquet1. Tout à fait. L'imagerie fait partie du panel de méthodes révolutionnaires qui sont en train de faire exploser les connaissances en biologie. Il y a une phrase du biologiste Sydney Brenner que j’aime citer : « Les progrès de la science dépendent des nouvelles techniques, des nouvelles découvertes et des nouvelles idées, probablement dans cet ordre-là ». Ceci est particulièrement vrai en biologie : voir de nouvelles choses nous permet de nous poser de nouvelles questions. Grâce aux nouvelles technologies d’imagerie, nos capacités d'investigation se sont démultipliées.

Quels sont les jalons de cette révolution de l’imagerie ?

D. C. L’imagerie a une longue histoire puisque les premiers microscopes datent de la fin du XVIe siècle. Mais on peut dater cette nouvelle révolution aux années 1980, avec l’utilisation en biologie des protéines fluorescentes. Celles-ci permettent de marquer des protéines et d’étudier ainsi les mécanismes et les processus à l’œuvre dans les cellules. Un autre jalon est le développement de la microscopie confocale et multiphoton qui permettent d’obtenir des images en trois dimensions d’échantillons de tissus. Un autre grand moment est l’apparition des microscopes à super-résolution à partir de 2006, grâce auxquels on peut obtenir des images d’objets d’une taille au-dessous de 250 nanomètres dans des tissus vivants et en train de fonctionner.

   Caroline MEDIONI / IBV / MICA / CNRS Photothèqu

Cerveau vivant de drosophile observé au microscope à deux photons. En rouge, les axones d’une sous-population de neurones des corps pédonculés (marqueur membranaire fluorescent myr-Tomato), situés dans la partie centrale du cerveau, qui font partie du circuit olfactif et sont impliqués dans les processus de mémorisation.


À quels objets et processus ces nouvelles techniques nous donnent-elles accès ?

D. C. Je prends comme exemple mes cellules favorites, les neurones. Le corps cellulaire d’un neurone fait autour de 20 microns. Il est donc à la portée des microscopes conventionnels limités par la diffraction à une résolution d’environ un quart de micron. C’est d’ailleurs à la fin du XIXe siècle que Ramón y Cajal a découvert que le cerveau n’était pas une masse gélatineuse, mais qu’il était composé de cellules individuelles.

"La microscopie super-résolution,  permet d’observer non seulement les synapses en action, mais aussi les protéines individuelles à l’origine du signal nerveux."

Quant aux synapses, la connexion entre deux neurones, celles-ci font typiquement un micron. Là, on se rapproche des limites de la microscopie classique. Impossible d’obtenir ainsi une grande précision de mesure ou de décoder leur complexité d’organisation. La microscopie super-résolution, qui atteint une résolution d’un centième de micron, permet d’observer non seulement les synapses en action, mais aussi les protéines individuelles à l’origine du signal nerveux.

Avec ces techniques, on peut étudier leur dynamique lorsque les neurones sont en train de communiquer. Par exemple, mon équipe a montré que les récepteurs synaptiques ne sont pas fixes sur la membrane, mais se déplacent constamment.

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"Ecrits d'Art Brut" au Musée Tinguely à Bâle


19 octobre 2021 

SUISSE

 Une oeuvre du Bernois Adolf Wölfli présentée au Musée Tinguely à Bâle dans le cadre de l'exposition "Ecrits d'Art Brut - Langages et pensées sauvages". Musée Tinguely Bâle sda-ats

Ce contenu a été publié le 19 octobre 2021 - 16:05

(Keystone-ATS)

Le Musée Tinguely à Bâle consacre une exposition à l'art brut. "Ecrits d'Art Brut - Langages et pensées sauvages" présente de jeudi jusqu'au 23 janvier des "tableaux écrits" de treize artistes internationaux.

Jean Tinguely était fasciné par l'art brut, a indiqué mardi le musée. Les lettres d'amour ou de rage, poèmes, prières, messages érotiques, plaidoyers, journaux intimes et récits utopiques exposés ont été réalisés par des artistes marginaux, isolés ou exclus qui ignorent qu'ils évoluent dans les sphères de l'art.

Les oeuvres ont été créées à huis clos pour la plupart dans le secret et le silence. Ces "écrits d'art brut" sont des signes, des calligraphies étranges, parfois gravés dans la pierre, brodés sur des tissus ou peints sur des murs. Ils sont souvent accompagnés de peintures et de dessins, explique le musée.

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À l'hôpital, la poésie pour soigner autrement

Laure Dasinieres — 

Le Théâtre de la Ville et l'AP-HP ont mis en place les «consultations poétiques», destinées à offrir une parenthèse aux patients et aux soignants.

«D’une manière générale, l’art ouvre une porte de l’inconscient.» | Marco Verch via Flickr CC License by
«D’une manière générale, l’art ouvre une porte de l’inconscient.» | Marco Verch via Flickr CC License by

Tout commence en juin 2020, alors que les visites hospitalières sont encore fortement restreintes par l'épidémie de Covid-19. À l'initiative d'Emmanuel Demarcy-Mota, directeur du Théâtre de la Ville, à Paris, des consultations poétiques réalisées par téléphone sont alors proposées (en français et dans cinq autres langues) aux patients et aux soignants des services de neurochirurgie, neurologie, soins de suite et réadaptation de l'Hôpital de la Pitié Salpêtrière. Les acteurs et actrices de cette Troupe de l'imaginaire ont été préalablement formés à intervenir en milieu hospitalier et des médecins sont mobilisés: la docteure Carine Karachi, neurochirurgienne, le docteur David Grabli, neurologue et la docteure Sophie Dupont, cheffe de service soins de suite et réadaptation.

Sur la base des résultats positifs obtenus, et dans le cadre d'un partenariat finalisé par une convention signée en juillet 2020 entre l'AP-HP et le théâtre du Châtelet, il a été convenu d'étendre les actions à sept hôpitaux de l'AP-HP.

C'est ainsi que depuis décembre 2020, le Théâtre de la Ville a développé une expérience pilote de consultations poétiques, musicales et dansées en présentiel à l'Hôpital Charles-Foix (AP-HP) à Ivry-sur-Seine en collaboration avec la docteure Amina Lahlou, cheffe du département de soins de longue durée et ses équipes. Plusieurs fois par semaine, les artistes de la Troupe de l'Imaginaire interviennent auprès des patients et des soignants de plusieurs services: neurologie, soins de suite et de réadaptation, soins de longue durée et psychiatrie.

Les artistes proposent des consultations «au chevet» dans les chambres, en groupe dans des lieux de vie, ou à distance en visioconférence, mais aussi des petites formes théâtrales et musicales. Toutes ces actions artistiques ont été établies en dialogue avec les soignants, et adaptées aux pathologies de chaque patient.

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Lorsque Françoise paraît

Pendant tout le mois d’octobre, retrouvez les comédiens à l’issue du spectacle pour un bord plateau les jeudis et samedis.

D’où vient la pensée de Françoise Dolto ? Une pensée qui nous parait si commune aujourd’hui, si évidente – bien que toujours décriée par certains – mais qui a représenté un tel bouleversement dans les mœurs, une véritable révolution quant au regard que les adultes portaient sur les enfants.

Elle qui y a consacré toute sa vie, il est donc difficile de croire que sa propre enfance soit si peu connue.

Qui est cette petite fille née en 1908 ?

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Psycyclette 2021

 2 juillet 2021

Du 6 au 13 septembre 2021, l’Unafam organise la 7e édition de Psycyclette. Psycyclette, c’est une randonnée cyclotouriste de plus de 1000 km contre les idées reçues et un défi audacieux : traverser la France à vélo en faisant participer des personnes vivant avec des troubles psychiques, des soignants, des bénévoles de l’Unafam et des cyclotouristes avertis. Plus de 100 « psycyclistes » iront à la rencontre des habitants de chaque ville traversée, afin de parler de leur initiative et de briser les tabous sur les maladies psychiques à travers des manifestations festives.

« Qu’on soit un citoyen vivant avec des troubles psychiques ou non, qu’on soit un soignant ou non, un sportif ou non, ce qui a de l’importance, c’est qu’on vit cette aventure humaine ensemble. Avec Psycyclette, on déstigmatise les troubles psychiques aux quatre coins de la France. Ce qui est marquant, ce sont les sourires tellement fiers de tous à l’arrivée et l’énorme solidarité entre les participants. On voit bien que le lien est réel, qu’il est là, qu’il est possible. » - Marie-Jeanne Richard, Présidente de l’Unafam

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« Les clientes disent tout, leurs vies, leurs chagrins, leurs histoires » : la France dans le miroir des salons de coiffure FRAGMENTS DE FRANCE Le pays dans le miroir des salons de coiffure, le premier des 100 reportages du « Monde » à six mois de l’élection présidentielle. « Je ne vous ai pas vue vendredi dernier », répète Mélina Le Roy en frottant doucement une petite serviette contre les cheveux mouillés de sa cliente. « Un enterrement », répond Josiane en s’abandonnant entre les mains de la coiffeuse qui applique maintenant un baume « protecteur » sur sa chevelure. Mélina poursuit : « C’était qui ? » La cliente hausse les épaules, l’histoire n’est vraiment pas palpitante : une très vieille dame de 92 ans, du côté de sa belle-famille. Pas de quoi concurrencer le sujet de conversation précédent : le mystère de l’annulation de la Foire aux haricots ce week-end, alors qu’une fête foraine s’installe dans les rues d’Arpajon, dans l’Essonne. Josiane Grenou vient se faire coiffer par Mélina tous les vendredis, à 11 heures. Un shampoing et un brushing : vingt-huit minutes, 10 euros. Toutes les six semaines, elle fait « reprendre » son blond vénitien et sa coupe. Tous les trois mois, sa permanente. « Je n’aime pas changer de crémerie »,explique-t-elle. Ni d’emploi du temps. Pas besoin d’agenda pour se souvenir que les troisièmes lundis du mois, c’est pédicure manucure à l’institut de beauté de Juvisy-sur-Orge, le mardi, boucherie, le mercredi, boulangerie, et ainsi de suite jusqu’au vendredi, où elle roule jusqu’à Arpajon pour son brushing chez Rital-Coiff. Des habitudes qui la « maintiennent ». Josiane Grenou, une fidèle de Rital-Coiff, à Arpajon (Essonne), le 17 septembre 2021. Josiane Grenou, une fidèle de Rital-Coiff, à Arpajon (Essonne), le 17 septembre 2021. A « 69 ans et demi », Josiane n’a pas l’intention de se laisser aller (« C’est pas bon pour le moral ») et elle sent que ça lui fait du bien de parler avec Mélina, de « confier à quelqu’un ces moments qu’on rit et ces moments qu’on pleure ». Depuis la mort de son mari, en 2016, elle se sent très seule, un vide que rien ne comble. « Quarante-sept ans de mariage… vous imaginez ? » Quarante-sept ans à attendre ce moment où son mari, cheminot, rentrait pour passer à table. Quarante-sept ans à préparer de généreux repas, à faire tourner des lessives, sans arrêt, à écouter les bavardages des uns et des autres, à se laisser porter par le calendrier des vacances, des rentrées scolaires, des rendez-vous chez le dentiste et des jours fériés. Une vie dévouée aux autres. Josiane a commencé à travailler à 14 ans. A l’usine, puis à l’hôpital, comme aide-soignante. A 27 ans, elle était déjà mère de trois filles. Quand sa dernière s’est mise à pleurer parce qu’elle rentrait trop tard le soir, Josiane a décidé de devenir famille d’accueil – une charge qui lui a absorbé beaucoup de son temps et de son énergie, ce que ses filles, aujourd’hui âgées de 50 ans, 46 ans et 42 ans lui ont récemment reproché. Depuis 2016 donc, ses soirées sont terriblement solitaires et ses journées organisées autour de ses rendez-vous chez les commerçants. Avec Mélina, c’est une aventure qui dure depuis dix ans. Même pendant la maladie de son mari – une tumeur fulgurante au cerveau –, elle n’a pas cessé de venir. Elle en a raconté, des malheurs. « On se connaît bien, maintenant. » Mélina, qui n’interrompt jamais ses clientes, hoche la tête, l’air grave et entendu, pendant que Josiane confie : « A un moment donné, je ne voulais plus venir, mais je me suis boostée. » Elle répète : « Faut pas se laisser aller. » La petite entreprise qui ne connaît pas la crise D’après les statistiques de la profession, ce vendredi, quelque 900 000 Français sont chez leur coiffeur, comme Josiane. Deuxième commerce de proximité en France, après les buralistes, selon les données de l’Union nationale des entreprises de coiffure, le salon de coiffure ne fait pas partie des enseignes qui tirent leur rideau. Le nombre d’établissements augmente même doucement (+ 2 % en 2020) et les jeunes apprentis en coiffure n’ont jamais été aussi nombreux. Pas un quartier, pas un village de montagne, pas un centre commercial qui ne compte son salon. Dans ce lieu où l’on se laisse totalement aller, parfois entre les mains d’un inconnu (le plus souvent « une inconnue », 90 % des coiffeurs sont des femmes), il n’est pas question que de cheveux. On se raconte, on se tient au courant des dernières nouvelles du coin, on partage son opinion sur l’état du pays. On retrouve un peu, dans les salons d’aujourd’hui, ce qu’on trouvait au bistrot dans les années 1950 : de l’intimité et de l’écoute. A sa coiffeuse, Josiane raconte tout, même les soirées mensuelles au casino, en Belgique ou à Trouville. Elle joue des « petites sommes ». Mélina rigole : « Elle ne va pas vous dire la vérité. » Pour ses cheveux, en revanche, elle reste sage : Josiane les porte courts depuis son mariage. Une coupe pratique, fonctionnelle. Et même s’il lui venait l’envie d’une extravagance, Mélina est intraitable. « Je reste dans le classique », affirme la coiffeuse. Pas son truc de consentir aux lubies des clientes. « D’abord, parce que je n’aime pas. » Ensuite, parce qu’elle sait que « les clientes cèdent à leurs émotions ». Mélina Le Roy, propriétaire d’un salon de coiffure à Arpajon (Essonne), le 17 septembre 2021. Mélina Le Roy, propriétaire d’un salon de coiffure à Arpajon (Essonne), le 17 septembre 2021. A l’aide de son peigne à trois dents, Mélina crêpe les cheveux fins de Josiane comme un nuage avant de les asperger de laque. « Et voilà ! » Avant de passer à la caisse, Josiane attrape le peigne pour replacer les mèches comme elle aime. A côté d’elle, une cliente tatouée et silencieuse s’ennuie pendant la pose de sa couleur, un auburn « qui pète ». « Vous servez le café ? », suggère sèchement Mélina à la toute jeune fille qui se tient immobile près de l’affichette « Le salon décline toute responsabilité pour vos boucles d’oreilles ». L’apprentie accourt avec un minuscule gobelet fumant. Elle s’appelle Stacy Le Gall et elle a 17 ans. Habituellement, elle travaille dans le Rital-Coiff d’Etampes, un petit salon qui appartient à la nièce de Mélina, et elle ne s’arrête jamais : il y a toujours des cheveux à balayer sous un siège ou un shampoing à rincer. Ici, elle n’ose rien exécuter avant le signal de la patronne. Les bonnes recrues ne courent pas les rues Stacy aurait voulu dessiner, elle a un « petit talent » pour ça, on lui a même dit qu’elle avait le niveau pour aller en école d’art, mais les examens d’entrée lui ont semblé trop difficiles. Elle a choisi la coiffure, qu’elle apprend à la Faculté des métiers de l’Essonne, où elle est inscrite en CAP. Sa mère n’a pas pu aller au bout du sien. « Elle était enceinte de moi et a eu des problèmes avec ma grand-mère. » A 42 ans, elle fait de la mise en rayon au Super U et il lui arrive de s’occuper des mèches de ses collègues. C’est comme ça que Stacy a pensé à ce métier et c’est aussi pour ça qu’elle ne veut pas d’enfants tout de suite. Plus tard, la jeune fille voudrait ouvrir son propre salon, où elle fera aussi de l’esthétique. En voyant passer des lycéens devant la vitrine, Stacy commente leurs coupes : « C’est vraiment pas mon truc, les cheveux bleus et roses, ça va pas à tout le monde. » Les siens, bruns, sont attachés en queue-de-cheval. Une jeune cliente du salon Tchip Coiffure, à Cosne-Cours-sur-Loire (Nièvre), le 21 septembre 2021. Une jeune cliente du salon Tchip Coiffure, à Cosne-Cours-sur-Loire (Nièvre), le 21 septembre 2021. Le poste diffuse Céline Dion et Claude François. Ça fait fredonner les clientes sous leur masque. Le salon est plein, presque trop, et l’ambiance concentrée. Une fille, la tête renversée dans le bac à shampoing, crie qu’elle doit repartir vite. La dernière fois, c’était rapide, c’est même pour ça qu’elle est là : elle ne vient ni parler ni se faire du bien, elle veut juste un brushing express. Mélina a affiché une annonce sur la porte : « Notre salon est à la recherche d’une coiffeuse. » Idéalement, elles devraient être trois, mais les bonnes recrues ne courent pas les rues. Mélina est exigeante, elle le sait, mais c’est comme ça qu’elle a appris. Elle a commencé à l’âge de 8 ans, dans le « tout petit salon »que tenait sa cousine, à Naples. A l’époque, les parents ne voyaient pas d’objection à ce que leurs enfants travaillent après l’école. Ils étaient sept frères et sœurs et « c’était la dèche ». Après les cours, elle montait sur un tabouret pour faire les shampoings. Sa cousine lui a appris sur le tas, sans douceur, « tout ce qu’il faut faire ». Elle lui a transmis le plus « important » : l’accueil de la cliente. « Vous avez vu qui se passe dans les écoles ? » Une famille débarque justement. Elles sont quatre femmes agglutinées devant le comptoir, dont la présence rétrécit brutalement le salon : la grand-mère, sa nièce et ses deux petites filles. La petite dernière, Chaines, a oublié son masque, Stacy lui en fournit un. Mélina, ravie de les revoir, devine qu’elles sont là pour un mariage. « Il y a beaucoup de mariages chez les Gitans », explique Sophie Renard, la grand-mère. Et comme pour chaque grande occasion depuis vingt ans, elle conduit ici les filles de la famille. « Il me reste quelques années à être jolie, après c’est mort », dit-elle sans rire. Pour la cérémonie de son neveu, 20 ans, qui épouse ce soir une jeune femme « de la communauté », 18 ans, elle pense à un « petit brushing » tout simple. Sa nièce opte pour une coiffure plus sophistiquée et les petites veulent changer de tête. Pendant que l’une d’elles prend place sur un fauteuil, Sophie se plonge dans son smartphone. A Rital-Coiff, comme dans beaucoup de salons, il y a longtemps que la pile de magazines people a disparu, victime des smartphones et enterrée pour de bon par le Covid-19. Les deux petites-filles de Sophie Renard, Dolcy (à gauche) et Chaines (à droite), au côté de leur tante, le 21 septembre 2021. Les deux petites-filles de Sophie Renard, Dolcy (à gauche) et Chaines (à droite), au côté de leur tante, le 21 septembre 2021. A 57 ans, Sophie est six fois grand-mère. Elle a deux filles de 40 et 38 ans qu’elle a élevées avec son mari ramoneur. « Je me suis toujours occupée des autres », dit-elle. Comme « beaucoup de Gitans », elle vit à Saint-Germain-lès-Arpajon, entourée de toute sa famille. Dans leur petit jardin, ils ont garé une caravane pour pouvoir partir dès que l’envie les en prend. Ils ne vont pas forcément loin et pas assez souvent à son goût, car il « faut bien faire les marchés ». Ses petites-filles donnent un coup de main sur les stands, mais elles arrêteront aussitôt qu’elles auront une famille : « Les femmes sont là pour s’occuper des enfants. C’est ça, notre boulot. » Dolcy acquiesce. Chaines ne dit rien. Elles ont 18 et 12 ans. Elles aussi épouseront des garçons de la communauté. « Même si maintenant, on se mélange », précise leur grand-mère. Aucune n’est scolarisée. « Elles suivent des cours par correspondance, justifie Sophie. Les Gitans ne mettent pas les enfants à l’école. Vous avez vu ce qui se passe dans les écoles ? On préfère les avoir chez nous. On écoute que ça aux infos, la drogue, le harcèlement. » La nièce de Sophie Renard, chez Rital-Coiff, à Arpajon (Essonne), le 21 septembre 2021. La nièce de Sophie Renard, chez Rital-Coiff, à Arpajon (Essonne), le 21 septembre 2021. Face au miroir, Sophie parle du Covid-19 et de l’énorme fatigue qu’elle a ressentie quand elle est tombée malade, en mai 2021. Elle n’est pas vaccinée : « On ne sait pas ce qu’il y a dedans. » Aucune des coiffeuses ne donne son avis. Josiane, qui lit Le Parisien sur son smartphone, coupe court à son monologue : « Ras-le-bol, que ça finisse tout ça et puis c’est tout. » Elle préfère enchaîner sur les projets du week-end. Elle va en Normandie avec Marcel, un ami qui aime bien pêcher. Elle a hâte. Un brushing pour rien Dolcy est prête. Sophie trouve jolies ses boucles blondes en cascade. C’est au tour de Chaines. Mélina taille ses longs cheveux bruns en carré. Une fois le brushing terminé, Chaines réclame du gel. Elle veut le « slicked back hair » des filles sur Instagram, les cheveux plaqués en arrière. Un peu comme celui de la cliente qui vient d’arriver, une jeune femme blonde moulée dans un jogging vert sapin, les cheveux retenus par un bandeau de la même couleur. Mélina, dépitée, tente de négocier : « C’est dommage. Ça ne servait à rien le brushing. Ça va faire effet mouillé. » C’est exactement ça que veut l’adolescente. Sa grand-mère intervient : « Mélina, faites-lui ce qu’elle veut. » Pendant qu’Axelle Red se demande comment rester femme, Mélina plaque les cheveux de Chaines contre son crâne en répétant : « Ça ne servait à rien, ce brushing. » Chaines, 12 ans, réclame l’effet mouillé des filles sur Instagram, et tant pis si ça ne plaît pas à la coiffeuse, à Arpajon (Essonne), le 17 septembre 2021. Chaines, 12 ans, réclame l’effet mouillé des filles sur Instagram, et tant pis si ça ne plaît pas à la coiffeuse, à Arpajon (Essonne), le 17 septembre 2021. Au bout de quelques minutes, Mélina repose l’imposant pot de gel vert fluo. La gamine, qui a l’air de sortir de la piscine, affiche un grand sourire. Josiane, qui n’est pas partie, commente maintenant à voix haute : « Ah bah, elle n’est pas aussi jolie qu’avec le brushing. Elle a les cheveux tout collés. »Bon, il est bientôt midi trente : c’est l’heure de son marché, comme toutes les semaines. Mais aujourd’hui, elle va acheter un poulet, parce que « la paella tous les vendredis, ça suffit ». « J’aime Arpajon, c’est une petite ville agréable. C’était une ville d’artisanat. Maintenant, on est passé des commerces de qualité aux kebabs. Vous comprenez ce que je veux dire ? » – Mélina Le Roy, coiffeuse Mélina sort vapoter. Elle tire vigoureusement sur l’appareil électronique. De sa voix rauque de grande fumeuse, elle explique qu’elle a arrêté il y a peu. « Si moi j’ai arrêté, tout le monde peut le faire. » Combien de cigarettes quotidiennes fumait-elle ? Elle pouffe. En observant ses clientes à travers la vitrine, elle dit : « C’est quelque chose de magnifique, ce métier. Mais c’est très difficile. » A 60 ans, elle ne se voit pas déjà retraitée, comme son mari, qui a longtemps travaillé chez EDF. Même si ça flingue les pieds, les articulations, les repas (elle déjeune en dix minutes d’une salade de pâtes et de galettes de riz) et la vie de famille (elle a deux fils et deux petites-filles), elle est fière de ne jamais fermer, même l’été. Quand Mélina a ouvert Rital-Coiff, en 1994, il n’y avait pas autant de salons à Arpajon. Aujourd’hui, tout le monde la connaît dans le quartier. A chaque passante, Mélina demande et donne des nouvelles. Une dame aux cheveux blancs lui propose de lui rapporter une demi-pastèque du marché. « J’aime Arpajon, c’est une petite ville agréable. C’était une ville d’artisanat. Maintenant, on est passé des commerces de qualité aux kebabs. Vous comprenez ce que je veux dire ? » A l’intérieur, Chaines a déjà ruiné sa coupe mouillée et ses barrettes vont de travers. Soupir de Mélina, redoublé lorsqu’elle aperçoit Dolcy défaire sa coiffure. Un coiffeur pour mille habitants C’est qu’il « y a des choses qu’on ne peut pas dire devant les clientes », comme le résume une autre coiffeuse, installée dans la Nièvre, à 200 kilomètres de là. Entre les odeurs sucrées des shampoings, les fleurs séchées rose vif, les pots de crème pastel et la voix chantante de Cindy Vigier, L’Instant Beauté a tout du cocon feutré où il fait bon se pelotonner. Un peu à l’écart de la grande avenue commerçante de Cosne-Cours-sur-Loire, le salon est à quelques mètres d’un autre coiffeur, qui a choisi de se distinguer par un énorme peigne qui surmonte son entrée. L’Instant Beauté est signalé par l’enseigne rotative bleu-blanc-rouge des barbiers américains, puisque Cindy est aussi barbière. Pour cette « petite grande ville » de la rive nord de la Loire, 10 300 habitants, les Pages jaunes indiquent dix-sept salons de coiffure… En France, on compte en moyenne un coiffeur pour mille habitants. « C’est beaucoup, c’est vrai,remarque la coiffeuse. Je ne me l’explique pas. Mais chacun reste fidèle à son salon. » Cindy Vigier, gérante de l’Instant beauté, à Cosne-Cours-sur-Loire (Nièvre), le 21 septembre 2021. Cindy Vigier, gérante de l’Instant beauté, à Cosne-Cours-sur-Loire (Nièvre), le 21 septembre 2021. Ici, les clientes ont des prénoms, des maris, des enfants qui vont dans la même école que ceux des coiffeurs et des coiffeuses. Elles ont aussi un métier. C’est la caissière qui profite de la pause, entre midi et deux, pour venir rafraîchir une coupe, ou la postière du bout de la rue qui profite d’une RTT. Ce jeudi, Cindy s’occupe de la maîtresse d’école des CP-CE1, Mélanie Doitrand. Elle veut absolument changer de couleur avant son accouchement. Pendant sa première grossesse, Mélanie s’était installée chez ses parents, à la campagne. Une coiffeuse était venue à domicile avant l’accouchement. Ça avait été un massacre. « C’est pas les coiffeurs de Cosne, là-bas », dit-elle. Pas question de refaire la même bêtise. « Ici, Cindy est la meilleure. »Mélanie l’a rencontrée à Elegance Coiffure, dans le « centre-village », et elle l’a suivie quand elle a repris L’Instant Beauté, il y a cinq ans. C’est dans ce salon que Cindy, la « meilleure » coiffeuse de Cosne, a fait son stage de 3e et son apprentissage. Quand le patron, M. Lefort, a pris sa retraite, c’est à elle qu’il a naturellement proposé de reprendre le commerce. D’autant que Cindy, dont la mère est elle-même employée de Duo Coiffure, l’un des plus vieux salons de Cosne, a suivi le parcours d’excellence de la coiffure : championne de France dans la catégorie « coiffure mariées » et membre de l’équipe de France des coiffeurs. La fable du ministre et du nouvel hôpital Mélanie, l’institutrice, a, elle, grandi du côté de Clamecy, dans un tout petit village. Elle a suivi son mari forestier à Cosne, pour le travail. Ça lui va, c’est une ville « assez dynamique » où on « trouve tout ». Elle a même accouché de sa première à Cosne. Elle a trouvé ça « trop bien ». Mais trois ans après, pour la deuxième, elle a dû aller à Gien, à plus de quarante-cinq minutes de chez elle – les manifs n’ont pas permis d’éviter la fermeture de la maternité. Aujourd’hui, elle se réjouit de la grande nouvelle : l’ouverture d’un hôpital à Cosne, vers l’autoroute. Au printemps, le premier ministre est venu en personne remettre 45 millions d’euros pour sa construction. « Il y a des clientes, tu ne peux pas les empêcher de parler [politique], mais il ne faut pas répondre… Dessange, ils en ont perdu une comme ça. Donc, moi, si une cliente me saoule, je garde le sourire. » – Cindy Vigier, coiffeuse A côté, une dame venue « faire sa couleur » n’est pas convaincue par la fable du ministre et du nouvel hôpital : « Pourquoi détruire ce qui marche pour refaire ? C’est un gaspillage phénoménal de ressources et d’argent. » Micheline Mjirda sait de quoi elle parle. Elle est infirmière. Elle travaille à l’hôpital de Nevers, où elle a rencontré son mari, un médecin tunisien, au milieu des années 1990. A 56 ans, Micheline Mjirda rêve de prendre sa retraite. En attendant, elle passe des heures plongée dans ses jolis carnets, perfectionnant des collages : « Je m’éclate au scrapbooking ». Elle parle d’une toute petite voix, un peu par timidité et aussi parce qu’elle se sent faible. Elle est en arrêt maladie depuis 2016. Elle a repris le travail en 2019, mais le taux anormalement bas de ses globules blanc l’a renvoyée à la maison. Micheline n’était pas revenue chez Cindy depuis fin avril. Elle vient sans plaisir : avant un rendez-vous, elle stresse parce qu’elle a peur de ne pas aimer sa tête en sortant du salon. « Attention, je ne veux pas de cancans » Cindy lâche ses ciseaux pour passer un coup de fil. Un client qui n’arrive pas. « Mon Simooon, tu m’as oubliée »,commence-t-elle gaiement au téléphone avant de prendre des nouvelles de l’absent. Elle propose des dates, Simon est difficile : « Tututut, après la chasse, ça ira ? Vendredi, 13 heures alors. » La grande brune de 35 ans virevolte dans son salon vide. Il n’y a que deux clientes ce jeudi matin. Ça ne l’inquiète pas, son vendredi promet d’être surchargé, car, depuis le printemps, son employée est en arrêt maladie pour un pied cassé. En cinq ans, le salon n’a jamais désempli. Même après le confinement : « Ils sont tous revenus se libérer de leurs émotions. C’était assez fou… On sent qu’on fait vraiment du bien aux gens. » En les coiffant mais pas seulement, en leur offrant la possibilité de « couper », de s’extraire du quotidien pour une heure ou deux. Chez Tchip Coiffure, à Cosne-Cours-sur-Loire (Nièvre), le 21 septembre 2021. Chez Tchip Coiffure, à Cosne-Cours-sur-Loire (Nièvre), le 21 septembre 2021. « Mais attention, chez moi, les filles sont prévenues le premier jour : je ne veux pas de cancans, décrit-elle. Parce que les clientes disent tout, elles racontent leur vie, leurs chagrins, leurs histoires… » Il arrive que ce soit réciproque : certains clients de Cindy connaissent tout de sa vie. A tel point que quand elle s’est séparée de son compagnon, tout le monde savait que la coiffeuse était célibataire. « On est venu me rapporter que certains hommes avaient dit : “La chasse est ouverte”… Classe, hein ? Depuis, j’ai rencontré quelqu’un : la chasse est fermée. » Pour ne pas être catalogués comme les premiers pourvoyeurs de ragots de la ville, les coiffeurs doivent « apprendre à se taire et à garder tout ça », explique Cindy. La même prudence s’impose quand les clients se piquent de politique. « Ça, vraiment, j’essaye d’éviter, parce que ça peut… Les gens ne sont jamais d’accord. Il y a des clientes, tu ne peux pas les empêcher de parler, mais il ne faut pas répondre… Dessange, ils en ont perdu une comme ça. Donc, moi, si une cliente me saoule, je garde le sourire et quand je vais derrière, je soupire. Je le dis aux filles : tu gardes le sourire, que ça te plaise ou pas. » Pour avoir travaillé à Toulouse et à Paris, Cindy sait que« même pour une grande petite ville », Cosne n’a rien à voir. « Les Parisiennes, elles ne parlent pas beaucoup, elles se font coiffer point barre », conclut-elle, avant de nuancer : « Ça dépend un peu des quartiers. » « Pièces de musée » A Montmartre, quelques salons de quartier perpétuent ce côté village en plein Paris. Au pied de la butte, rue de Dunkerque, dans le 9e arrondissement, Paule René a installé son salon de coiffure « afro, antillaise et européenne pour hommes, dames et enfants » il y a trente-cinq ans. Le décor n’a pas changé depuis. Les casques chauffants qui surmontent les fauteuils en skaï rouge, les bacs aux élégants carreaux de faïence blanche, les bigoudis en mousse aux couleurs de justaucorps d’aérobic, la pile de magazines qu’on ne trouve plus nulle part, l’énorme flacon d’eau de Cologne au vétiver de Berdoues… Paule a tout refait elle-même en arrivant. « C’était vraiment une écurie, une porcherie, se souvient-elle.Mais je voulais absolument être dans cette rue. » Dans sa blouse rose pâle, elle exhibe ses « pièces de musée » (tondeuse mécanique, fer à lisser, peigne en bois) dont elle se sert toujours. Totalement passionnée, elle a longtemps consacré son temps à sculpter des coiffes et des bijoux avec les chutes des cheveux coupés de ses clientes. Des objets spectaculaires en forme de colibri, de baleine ou de mangouste, avec lesquels des mannequins défilaient deux fois par an pour un show qu’elle organisait avenue d’Iéna, dans le 16e arrondissement de Paris. Elle en a gardé des albums photo épais. Le salon de Paule René, dans le 9e arrondissement de Paris, le 28 septembre 2021. Le salon de Paule René, dans le 9e arrondissement de Paris, le 28 septembre 2021. A côté des affiches représentant des marchandes antillaises de mabi, cette boisson à base d’écorce de bois, Paule a accroché ses nombreux diplômes américains. Elle a dû traverser l’Atlantique pour apprendre à mieux coiffer les cheveux afro. « En France, on ne m’a rien appris de la coiffure sur les cheveux crépus et frisés, dit-elle. Je suis allée à Londres pour ça et aux Etats-Unis, où ils ont un enseignement très pratique. » Elle a employé jusqu’à quatre personnes. « Il n’y avait pas beaucoup de coiffeurs afro. Maintenant, il y en a aussi en banlieue. Les clients préfèrent aller près de chez eux. » Aujourd’hui, elle travaille seule. Sans regrets. « Comme ça, tout le monde profite du calme et de la sérénité. » Paule ne veut pas dire son âge. Elle accepte de donner un indice : elle était à l’école de coiffure en 1964. Elle ne veut pas non plus révéler la signification du mystérieux « Lom Na Va » inscrit sur ses cartes de visite disposées dans un panier sur son comptoir : « Je peux juste vous dire que ça parle d’amour. » « Venir ici, c’est comme faire une bonne thérapie. Je m’occupe de mes clients, je les aide à aller mieux et sans même leur donner de médicaments. » – Paule René, coiffeuse Marie-Chantale rit avec beaucoup de tendresse en l’écoutant faire des mystères. Cliente depuis des années, elle accompagne sa fille venue faire un défrisage. L’adolescente, aux yeux maquillés de bleu turquoise, scrolle sur son smartphone pendant que sa mère bavarde avec Paule. « J’ai vraiment envie de couper les pointes », tente la coiffeuse en appliquant une crème épaisse. Sursaut de la jeune fille : « Non ! » Sa mère lui fait observer que Paule « coupe merveilleusement les cheveux, surtout ceux des hommes »,mais ça ne marche pas. A propos d’hommes, Paule a un nouveau client : un commerçant chinois du quartier qui vient tous les mois. La première fois, il était très ému, « presque aux larmes ». Elle raconte avec de l’excitation dans la voix : « Je lui ai réglé un problème d’épi qu’il traînait depuis toujours. Le secret, c’est de couper dans le sens de l’épi. Bref, il était heureux. » La coiffeuse philosophe Au fond du salon, un vieux poste de radio diffuse les informations en continu. Un bourdonnement discret qui ne recouvre pas ses conversations avec ses clientes. « Venir ici, c’est comme faire une bonne thérapie. Je m’occupe de mes clients, je les aide à aller mieux et sans même leur donner de médicaments, dit-elle. Ça n’est pas quelque chose qui s’apprend, on ne peut pas se forcer à bien écouter l’autre. » Le patron de Maurice Coiff-Air, dans le 20e arrondissement de Paris, le 28 septembre 2021. Le patron de Maurice Coiff-Air, dans le 20e arrondissement de Paris, le 28 septembre 2021. Elle n’a pas de truc, sinon transmettre ce qui lui fait du bien. Et à elle, ce qui lui fait du bien, c’est de ne pas se charger inutilement. Première règle de vie : ne pas laisser un problème s’enliser. Devant ses clients, Paule a sermonné un habitant du quartier qui, plusieurs fois, a « oublié » de ramasser les crottes de son chien. A l’indélicat en « costume de président-directeur général », Paule a hurlé « Monsieur ! Capri c’est fini ! Vous ramassez tout ça, et maintenant ! ». Il s’est exécuté, les clients du salon ont rigolé et Paule s’est débarrassée du problème. Deuxième règle : « Il faut se libérer de ce qu’on porte », donc parler. Une fois qu’un petit secret est exprimé, il pèse déjà moins lourd. Dernière règle, la principale : « Ma philosophie, c’est que la seconde qui vient ne m’appartient pas. » En pratique, il s’agit de ne pas se triturer les méninges pour quelque chose qui n’a pas encore eu lieu. A ses clientes qui arrivent épuisées par l’hypothétique avenir assombri de leur petit cancre, Paule dit toujours : « On va laisser les soucis dehors. » Elle n’est pas là pour attiser une tension, mais pour adoucir l’existence des autres. La devanture d’un salon de coiffure du 18e arrondissement de Paris, le 25 septembre 2021. La devanture d’un salon de coiffure du 18e arrondissement de Paris, le 25 septembre 2021. « Ah, voilà Maïté ! » Le temps que Maïté jette son sac dans un coin et se laisse tomber dans un fauteuil, Paule a disparu. « Elle me prépare un thé », explique la cliente, fidèle depuis vingt ans à la rue de Dunkerque. A 69 ans, elle en paraît vingt de moins. Sa peau est lisse, son corps menu et musclé : « Je n’y suis pour rien, on est comme ça chez nous, on ne vieillit pas ! » La voix de la coiffeuse retentit depuis l’arrière-boutique : « Il n’y a pas de gâteau aujourd’hui ! J’avais trop mal au bras pour faire du pudding. » ` « J’ai peur des pieds » Peut-être parce que ce métier demeure peu valorisé socialement et que le mot coiffeuse est encore trop souvent synonyme d’écervelée, Manon Benoît, 23 ans, précise qu’au collège, elle était « très bonne élève ». Même ses parents lui ont demandé de « bien réfléchir ». Elle a bien réfléchi : c’est ça qu’elle voulait faire dans la vie. Elle a signé son contrat à peine quelques semaines après avoir obtenu son CAP au lycée professionnel Guy-Debeyre, à Dunkerque. « Ça a rassuré mes parents : c’est un métier où il y a toujours du travail. » Elle travaille quatre jours par semaine chez Nouvel’ Hair Création, à Bray-Dunes (Nord), à 15 kilomètres de Dunkerque. Le village est joli, le salon à 50 mètres de la plage et l’été, il est plein à craquer. En cette mi-septembre, la saison touristique touche à sa fin et le rythme est de nouveau « très tranquille »pour les cinq salons du village. Sauf les week-ends, quand les Belges et les Lillois occupent leur résidence secondaire. Alors, c’est un peu plus intense. Manon Benoît et Sandra Danielczyk, du salon Nouvel’Hair Création, à Bray-Dunes (Nord), le 23 septembre 2021. Manon Benoît et Sandra Danielczyk, du salon Nouvel’Hair Création, à Bray-Dunes (Nord), le 23 septembre 2021. Ce que préfère faire Manon, ce sont les chignons. Elle n’aime pas du tout les pédicures – « J’ai peur des pieds » –, mais rien ne l’y oblige, en général, c’est Sandra qui s’y colle. Sandra Danielczyk, la patronne, a 42 ans. Elle a ouvert le salon il y a treize ans. Elle a tout de suite voulu proposer des soins esthétiques. Comme elle n’avait pas de place pour installer une cabine, elle a dû renoncer aux soins et aux épilations, mais elle propose des manucures pédicures et des maquillages : ça marche du tonnerre, dit-elle. « Je suis une personne qui embellit. Et mon métier ne sera jamais remplacé par une machine. » – Sandra Danielczyk, coiffeuse Lorsque les touristes désertent cette station balnéaire populaire, les clientes sont des femmes au foyer, des employées, des retraitées, beaucoup. Toutes parviennent à dégager un petit budget « soins ». C’est parfois un sacrifice, mais ça n’est jamais superflu, estime Sandra : « Elles ne viennent pas pour ça, mais ça leur fait du bien au moral de parler et d’être chouchoutées. » Elle a grandi à Bray-Dunes, qui n’a pas beaucoup changé depuis son enfance, et elle y a toujours vécu. Petite, elle ne se rendait pas compte de « sa chance ». La plage, le grand air, les dunes, un « paradis pour les enfants ». Puis, après ses études d’esthétique, « la vie a fait » qu’elle est allée travailler dans une usine de chocolat de l’autre côté de la frontière, à quinze minutes du village. Dans le salon de Jérôme Levas, à Téteghem (Nord), le 23 septembre 2021. Dans le salon de Jérôme Levas, à Téteghem (Nord), le 23 septembre 2021. Un jour, elle en a eu marre de « faire le robot ». C’est comme ça qu’elle est revenue au monde de la beauté. « C’est pas un héritage familial, la coiffure, précise-t-elle. Mon père était ouvrier tuyauteur soudeur chez Cegelec et ma mère ne travaillait pas. » Elle est fière et soulagée d’en avoir fini avec le travail à la chaîne. « Je suis une personne qui embellit. Et mon métier ne sera jamais remplacé par une machine. » Les cheveux, c’est la santé Elle conçoit son métier comme une activité de soin. « J’ai beaucoup de petites mamies. Je m’attache à elles. C’est dur quand j’en perds une. Je ne fais pas de domicile, mais pour elles, oui. C’est un service que je rends. En ce moment, j’en ai une qui s’est cassé la hanche. Elle venait toutes les semaines pour son brushing. Je vais chez elle. Sans ça, elle sombre dans le cafard. » Les sujets de conversation sont les mêmes qu’ailleurs : la météo, le Covid-19, les enfants, les petits-enfants, le Covid-19, le mari… « Et les cheveux, bien sûr, souligne Sandra. Or quand on parle de cheveux, on parle de santé. » Elle décèle à la sécheresse d’une chevelure ou à des racines longtemps laissées à l’abandon que ça ne va pas très bien. Elle adapte ses gestes à l’état psychique qu’elle devine, prolongeant un massage ou proposant un changement un peu plus audacieux que « couper les pointes ». Depuis le confinement, elle note que beaucoup de femmes « s’acceptent au naturel » : elles se sont habituées à leurs cheveux gris ou longs. Chez Profil Coiffure, dans le 6e arrondissement de Paris, le 25 septembre 2021. Chez Profil Coiffure, dans le 6e arrondissement de Paris, le 25 septembre 2021. Une femme aux yeux bridés d’Inuit et au corps très frêle sous sa doudoune blanche passe le seuil du salon et, sans dire un mot, s’installe sur un fauteuil. Manon s’approche. Elle sait ce qu’il faut faire : elle passe son crâne à la tondeuse. La cliente se lève et enfile avec lenteur une cape transparente. Elle reviendra « pour la même chose » le mercredi 20 octobre. « Avec vous, Manon », chuchote-t-elle. C’est une scène silencieuse. « On est tenues par le secret professionnel, dit Sandra. On sait des choses qu’on ne devrait pas savoir et on a le devoir de ne rien répéter. » Et pour 2022 ? Josiane Grenou et Mélina Le Roy ne savent pas encore pour qui elles vont voter. Leur préoccupation ? Le pouvoir d’achat et la fiscalité. « Allez à la pompe, suggère Josiane. Et vous verrez, vous arrivez à 70 euros. Tout augmente. » Mélina abonde : « Marre d’être des vaches à lait. » Micheline Mjirda a toujours voté. Elle se déplacera en 2022 même si elle trouve que les infos sont anxiogènes : « Les médias ne racontent pas assez ce qui se fait de bien alors forcément, ça tire tout le monde vers le bas. » Les propositions des candidats sur les retraites et les politiques de santé publique peuvent la faire changer d’intention de vote. Cindy Vigier et Mélanie Doitrand ne s’intéressent « absolument pas » à la politique. « On verra en temps voulu », dit l’institutrice. Sandra Danielczyk espère que la campagne portera sur l’écologie et l’éducation.

Par  et Yann Stofer  (Photos)  Publié le 17 octobre 2021



FRAGMENTS DE FRANCE
Le pays dans le miroir des salons de coiffure, le premier des 100 reportages du « Monde » à six mois de l’élection présidentielle.

« Je ne vous ai pas vue vendredi dernier », répète Mélina Le Roy en frottant doucement une petite serviette contre les cheveux mouillés de sa cliente. « Un enterrement », répond Josiane en s’abandonnant entre les mains de la coiffeuse qui applique maintenant un baume « protecteur » sur sa chevelure. Mélina poursuit : « C’était qui ? » La cliente hausse les épaules, l’histoire n’est vraiment pas palpitante : une très vieille dame de 92 ans, du côté de sa belle-famille. Pas de quoi concurrencer le sujet de conversation précédent : le mystère de l’annulation de la Foire aux haricots ce week-end, alors qu’une fête foraine s’installe dans les rues d’Arpajon, dans l’Essonne.

Josiane Grenou vient se faire coiffer par Mélina tous les vendredis, à 11 heures. Un shampoing et un brushing : vingt-huit minutes, 10 euros. Toutes les six semaines, elle fait « reprendre » son blond vénitien et sa coupe. Tous les trois mois, sa permanente. « Je n’aime pas changer de crémerie »,explique-t-elle. Ni d’emploi du temps. Pas besoin d’agenda pour se souvenir que les troisièmes lundis du mois, c’est pédicure manucure à l’institut de beauté de Juvisy-sur-Orge, le mardi, boucherie, le mercredi, boulangerie, et ainsi de suite jusqu’au vendredi, où elle roule jusqu’à Arpajon pour son brushing chez Rital-Coiff. Des habitudes qui la « maintiennent ».
Josiane Grenou, une fidèle de Rital-Coiff, à Arpajon (Essonne), le 17 septembre 2021.

Inégalités scolaires : « Il semble non seulement essentiel mais inévitable que les politiques s’en emparent »


 



Propos recueillis par    Publié le 19 octobre 2021

Pour la sociologue de l’éducation Barbara Fouquet-Chauprade, l’école a besoin de « politiques d’envergure qui dépassent le temps du quinquennat » pour réduire les inégalités scolaires.

Barbara Fouquet-Chauprade est sociologue de l’éducation et maître d’enseignement et de recherche à l’université de Genève. Elle coprésidera à la mi-novembre, à Paris, avec d’autres chercheurs, une conférence de comparaison internationale sur la gouvernance des politiques éducatives organisée par le Centre national d’étude des systèmes scolaires (Cnesco). Elle interroge la « complexité » à faire campagne pour une école plus juste, moins inégalitaire.

Consultations psy : la part des complémentaires connue


 


VICTOR NOIRET   18/10/2021

Le gouvernement a précisé, mardi 12 octobre, les contours de la prise en charge du forfait des consultations psychologiques.

En clôture des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie fin septembre, le président de la République Emmanuel Macron avait annoncé le remboursement d’un forfait de huit consultations chez le psychologue par l’Assurance maladie sans préciser le rôle des organismes complémentaires (OCAM).

Leur place dans le financement est désormais clarifiée grâce à une note du ministère des Solidarités et de la Santé parue le 12 octobre dernier. Un ticket modérateur de 40% sera appliqué sur le tarif des séances. Et ce dernier sera pris en charge par les OCAM dans le cadre du contrat responsable.

La note indique, en outre, la durée des consultations : 55 minutes pour la première, afin de réaliser un bilan initial, et 40 minutes pour les suivantes. Le tarif de la première séance s’élèvera à 40 euros pour la première et 30 euros pour les suivantes. Le remboursement des séances n’aura lieu que si elles sont prescrites par un médecin traitant.

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LGBTQIAP PMA pour toutes : quand l’hôpital discrimine les lesbiennes et les femmes célibataires


 


par Marie-Lys Lubrano  publié le 18 octobre 2021

Les décrets d’application de la loi, votée fin juin, ont enfin été pris. Fin de l’histoire ? Non : des femmes célibataires et en couple lesbien racontent à quel point elles se heurtent à des refus de la part des services de PMA, qui, débordés, prétextent des limites d’âge inexistantes, invoquent de futurs décrets fantaisistes ou leur refusent l’accès à des listes d’attente.

Après bien des lenteurs, les décrets d’application de la loi ouvrant la procréation médicalement assistée (PMA) à toutes les femmes ont été pris fin septembre. Mais des femmes célibataires et en couple lesbien se voient toujours refuser l’accès à ce droit. Elles ont pourtant fait les choses dans les règles, et appelé un service PMA ou un Centre d’étude et de conservation des ovocytes et du sperme (Cecos) : il faut en effet obtenir l’accord du service hospitalier et s’inscrire sur la liste d’attente du Cecos afin de recevoir un don. Cette attente peut être très longue du fait de la pénurie de donneurs en France. Seulement, aujourd’hui, des dizaines de femmes racontent n’avoir même pas été autorisées à s’inscrire sur cette liste.

Les garçonnes étaient-elles les premières féministes ?

LE 19/10/2021

À retrouver dans l'émission

SANS OSER LE DEMANDER

par Matthieu Garrigou-Lagrange

De Colette à Georges Sand en passant par Marlène Dietrich, la garçonne incarne un mode de vie qui s'accompagne d'un style qui émancipe la femme des codes traditionnels de la séduction. La "femme en pantalon" symbolise alors la contestation du rôle social assigné aux femmes. 

L'actrice Marlène Dietrich, pendant le tournage du film "Morocco" de Joseph von Steinberg, 1930.
L'actrice Marlène Dietrich, pendant le tournage du film "Morocco" de Joseph von Steinberg, 1930. Crédits :  Getty

Matthieu Garrigou-Lagrange s'entretient avec Christine Bard, enseignante d'histoire contemporaine à l'Université d'Angers et spécialiste de l'histoire des femmes, du genre et du féminisme, et notamment auteure de Les garçonnes: modes et fantasmes des années folles, publié en 1998 et réédité en 2021 aux éditions Autrement. 

Utiliser les codes du masculin pour émanciper la femme

La garçonne nous apparaît comme un symbole d’émancipation et de liberté. Cette attitude à laquelle correspond une mode bien précise façonne l'image d'une femme "rebelle" qui brave les représentations traditionnelles. Cela ne va pas sans quelques contradictions. À la fois hyper-féminine le soir et androgyne le jour, la garçonne remet en question le genre bien avant les gender studies. La silhouette féminine change : les jambes se découvrent jusqu’aux genoux, les gaines remplacent les corsets et l'on valorise davantage la petite poitrine.

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