Les données de la littérature font ressortir que, lors des épidémies, les périodes de confinement ont nécessairement un impact psychologique négatif considérable qui peut parfois être ressenti des mois, voire des années plus tard.
Ce constat incite à prendre des mesures immédiates pour en minimiser les conséquences.
Les personnes ayant des antécédents psychiatriques et les personnels de santé exposés puis confinés sont plus à risque de troubles psychologiques ultérieurs et justifient la mise en place d’interventions de soutien précoces.
Les différents facteurs de stress ont d’autant plus d’impact qu’ils sont vécus sur une plus longue durée. Celle-ci doit donc être limitée au strict minimum.
Christian Lehmann est écrivain et médecin dans les Yvelines. Pour «Libération», il tient la chronique quotidienne d'une société sous cloche à l'heure du coronavirus.
Vous êtes confinés. Le temps s’écoule avec une infinie lenteur. Les soignants courent. Ceux qui affrontent la vague, comme ceux qui ont eu la chance de pouvoir se préparer, en structurant une ligne de défense avec les moyens du bord. On est sur le pont tout le temps, même quand on ne voit pas de malades. On s’informe de la progression de l’épidémie, on reçoit les messages des copains en fonction du taux de remplissage des urgences, des lits, des réa. De temps en temps, on est saisi par le tweet ou le message retransmis d’une infirmière de nuit bossant avec 39°C dans un service submergé, dans l’incapacité de s’arrêter parce que les effectifs tombent comme des mouches. On prend le temps de relire, on visualise un moment la situation sur place puis on revient à sa propre organisation locale, on empile d’autres sacs de sable.
Parent pauvre de la médecine et enfant terrible des sciences sociales, la psychiatrie se trouve, une fois de plus, à la ramasse. En période de crise, comme durant l'actuelle pandémie de Covid-19, le manque de moyens y est d'autant plus criant.
(Jean-Marc Claus) – En psychiatrie, qu’avons nous pour, en période de pandémie, protéger tant l’humain soigné que l’humain soignant ? Même pas suffisamment de masques en… papier ! Comme s’en indignait le directeur de l’EPSAN, dans un article des Dernières Nouvelles d’Alsace publié le 22 mars 2020 , les livraisons de masques ne sont plus assurées depuis trois semaines et cela, en dépit des relances faites à l’Agence Régionale de Santé dont dépend l’établissement. Une entreprise a fait un don de 1000 modèles FFP2 (périmés), ce qui permet de tenir… une journée. Actuellement, toujours selon les dires de Daniel Karol rapportées par les DNA, l’EPSAN compte plus de membres du personnel touchés que de patients. Bien sûr, il ne s’agit là que des individus ayant été testés. Or, les tests n’étant pas plus, ici qu’ailleurs sur le territoire, pratiqués à grande échelle, ces informations demeurent bien relatives.
Plusieurs personnels hospitaliers, interviewés par France 3 Centre Val de Loire, avaient précédemment tiré la sonnette d’alarme. Oui, il va y avoir des morts en psychiatrie, et même beaucoup de morts. Mais qui s’en soucie ? Ces patients et les soignants qui les accompagnent, durant de nombreuses années pour certains, sont-ils des Unterbürger ? Je m’interdis d’employer un autre mot commençant aussi par Unter, vocable qui a fait florès en Allemagne, dans les années 1930, mais il me brûle les lèvres. En psychiatrie, qu’il y ait administration de traitements psychotropes ou non, l’outil de travail c’est l’humain, essentiellement l’humain. Point de plateaux techniques ultra-sophistiqués, point d’outils diagnostics hyper-modernes : l’humain, rien que l’humain. Et qu’avons nous pour, en période de pandémie, protéger tant l’humain soigné que l’humain soignant ? Même pas suffisamment de masques en… papier ! Cela n’est pas le fait d’une administration localement incompétente et imprévoyante, comme on l’entend de ci, de là. L’incompétence et l’imprévoyance sont à rechercher au sommet du système, non à sa base.
La crise extraordinaire que nous vivons avec le coronavirus met au grand jour la crise ordinaire de l’hôpital public. Après la vente de l'hôpital Hôtel-Dieu au privé, Yann Diener nous parle aujourd'hui du mépris des gouvernements successifs pour les personnels soignants, qu'ils cherchent à évincer à tout prix.
L’hôpital public a vu son budget baisser d’année en année. Au mépris des besoins du terrain, des établissements sont vendus au privé, des services d’urgence et des maternités sont fermés. Le plus gros poste budgétaire étant ce qu’on appelle la masse salariale, on gèle les salaires, et les départs à la retraite ne sont pas remplacés. Résultat : rien qu’à Paris, en 2019, 900 lits d’hôpitaux sont fermés faute de personnel pour y accueillir des patients. Et pour les salariés qu’on ne peut pas faire partir à la retraite, on fait tout pour les dégoûter, on applique le lean management, le dégraissage, qui a fait ses preuves chez Toyota : on les humilie, on change les infirmières de service tous les deux jours, on monte les personnels les uns contre les autres, on jette de l’huile sur le feu des rivalités de carrière, autant de moyens pour pousser les médecins comme les aides-soignants vers la sortie, par la porte ou par la fenêtre.
C'est un dossier exceptionnel que propose « Le Quotidien » en donnant la parole à six anciens ministres de la Santé. Avec des portefeuilles aux périmètres différents, tous ont dû anticiper, affronter ou tirer les leçons de crises sanitaires (canicule, H1N1, SRAS, Sida, etc.). Leur regard sur la pandémie de Covid-19 et sa gestion gouvernementale est donc singulier et utile.
Marisol Touraine, Roselyne Bachelot, le Dr Élisabeth Hubert, le Dr Philippe Douste-Blazy le Pr Jean-François Mattei et Claude Evin : en période de « guerre », aucun n'accable la stratégie actuelle et plusieurs saluent les choix et le ton de l'exécutif ; mais, à petites touches ou à traits plus marqués, ils pointent des carences françaises et dysfonctionnements logistiques (équipements de protection, tests, capacité d'anticipation) et souhaitent que toutes les leçons soient tirées demain pour le système de santé français. Y compris avec une commission d'enquête parlementaire.
Certains y vont déjà de leurs recommandations : créer une Europe sanitaire, élaborer un plan quinquennal pour se préparer aux nouveaux risques ou encore réhabiliter l'EPRUS (établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires), dissous en 2016...
Coronavirus à Paris. La maternité de la Pitié-Salpêtrière lance des vidéos YouTube pour informer les femmes enceintes
Pour faire face à l’inquiétude des futures mamans et répondre à leurs questions, la maternité de la Pitié-Salpêtrière à Paris a décidé de mettre en ligne des vidéos sur YouTube. Deux gynécologues-obstétriciens y abordent les interrogations liées à la grossesse, à l’accouchement et au post-partum, en cette période d’épidémie
Entretien |Le confinement qui nous est infligé nous donne une leçon d'humilité, nous incite à la remise en cause et nous rappelle notre fragilité. Mais ce repli sur soi ne doit pas nous couper des autres, de nos aînés, nous dit le philosophe. Nous devons entretenir le lien fondamental qui nous unit.
Dans le huis-clos que nous impose ces journées d’isolement, nous sommes confrontés à nous-même. Notre vie habituellement débordante d’activités se fige.
Saisissons ce moment, propose Roger-Pol Droit, pour réfléchir et repenser notre rapport à la vie quitte à plonger dans un ennui qui sera, au bout du compte, salutaire.
Roger-Pol Droit est philosophe, écrivain et journaliste. Chroniqueur pour le journal Le Monde dans la rubrique "Livres", il vient de publier Monsieur je ne vous aime point (Ed. Albin Michel). Ce roman retrace une histoire d’amitié manquée entre les deux grands penseurs que sont Voltaire et Rousseau.
Cette épidémie de Covid-19 nous amène à repenser notre mode de vie. En confinement, nous sommes placés dans une situation inédite de notre existence qui apparaît comme un grand saut dans l’inconnu. Qu’est-ce que cette nouvelle séquence dit de nous ?
Elle dit de nous que nous n’arrêtions pas de bouger d’abord dans nos têtes. Que nous n’arrêtions pas de nous divertir, de nous occuper à l’écran, avec des jeux vidéo, avec des séries. Mais je crois qu’avec ce bouleversement de la vie quotidienne, des déplacements, cela change aussi nos cartes mentales. Autrement dit, c’est une sorte d’expérience philosophique absolument gigantesque où notre vie quotidienne change. Mais cela nous oblige à réfléchir à des choses que, d’habitude, nous ne voulions pas voir : le hasard qui peut tout bouleverser, la vulnérabilité de nos vies et de nos corps, le rapport étrange que nous avons entre notre solitude dans le confinement et la solidarité. Tout ça aussi doit faire réfléchir. Il y a énormément de choses qui sont en train de bouger dans les têtes alors que nous ne bougeons plus dans la réalité.
Le secteur de la psychiatrie, fortement mobilisé contre les effets secondaires de la crise du Covid-19, se plaignait du manque de directives nationales. Le ministère sort enfin des recommandations spécifiques et met en place une cellule de crise.
Dans un communiqué daté du 20 mars, une vingtaine d'acteurs du domaine de la psychiatrie a demandé à ce que les directives nationales intègrent "les enjeux particuliers auxquels sont confrontés patients, proches et professionnels au regard des vulnérabilités propres aux troubles psychiques et qu'elles prennent en compte les fortes contraintes relatives à la maladie mentale et au handicap psychique". Une fiche ministérielle (à télécharger ci-dessous) vient d'être rendue publique afin d'établir des recommandations spécifiquement pour ce secteur.
En pleine crise sanitaire du Covid-19, les professionnels de la psychiatrie s'organisent afin de prévenir les risques de décompensation psychiques et les urgences psychiatriques. Ils tentent de poursuivre les soins, tout en "réduisant la voilure".
Le secteur de la psychiatrie se prépare afin de chercher à prévenir de possibles problèmes d'engorgement des urgences pour cause de déclenchement ou de décompensation de problèmes psychiatriques (voir l'encadré). Interrogé par Hospimedia, le Dr Christian Müller, président de la Conférence des commissions médicales d'établissements de CH spécialisés (CHS) en psychiatrie, martèle : "La pathologie mentale ne disparaît pas avec le Covid-19 !" C'est pourquoi le secteur se mobilise afin de pouvoir continuer à répondre aux besoins de tous: "Ce qui est absolument central dans notre démarche a été de bien garder une première ligne d'activité ambulatoire pour éviter que les services d'urgence soient saturés". En effet, "les établissements publics de santé mentale(EPSM) sont aussi amenés à se mobiliser en soutien des établissements MCO(psychiatrie aux urgences, psychiatrie de liaison, mise à disposition de lits, activation des cellules d'urgence médico-psychologique(CUMP) à destination des professionnels engagés et de l'entourage des patients...)", détaille un communiqué de la conférence.
Pour être bien utilisés, les outils numériques doivent être compris des prescripteurs. Le projet e-santé mentale a permis de constater les freins qui existent. Mais les feuilles de route santé mentale et numérique devraient y remédier en partie.
Dernier round pour le projet e-santé mentale, e-Men (lire notre article), ce 6 mars avec, pour l'occasion, une quatrième et dernière conférence organisée symboliquement au ministère des Solidarités et de la Santé. Une conférence qui s'est penchée sur la question de la formation des acteurs aux dispositifs numériques mais aussi celle des usagers. Un sujet complexe qui n'en est qu'à ses débuts, a indiqué en introduction Anna-Paulina Ewalds-Mulliez, chargée de mission projet e-Men à l'Organisation mondiale de la santé (OMS) pour la recherche et la formation en santé mentale (CCOMS).
La Direction générale de la cohésion sociale a mis en place une cellule de gestion de crise dès fin février. Cette nouvelle organisation temporaire risque fort d'avoir des conséquences à long terme sur le fonctionnement de l'institution.
La Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) est en plein cœur de la gestion de la crise sanitaire du Covid-19. Lors d'une interview accordée à Hospimedia, Virginie Lasserre, sa directrice générale, indique que l'institution a mis en place "dès fin février" une cellule de crise, distincte de la cellule de crise nationale de la Direction générale de la santé (DGS) mais "en étroite collaboration". "Nous sommes véritablement interconnectés", a-t-elle déclaré. Ce passage "en mode gestion de crise" se traduit par une mobilisation de "presque toute la DGCS, sachant que nous sommes tous en télétravail". L'idée est de permettre un dialogue à deux sens : "nous faisons des points très réguliers pour informer les acteurs de terrain sur l'évolution épidémique nationale mais aussi, bien sûr, prendre en compte toutes les difficultés qu'eux font remonter". En plus de la trentaine de fiches consignes, réalisées avec la DGS, la DGCS met en place des foires aux questions. Bref "nous essayons de développer tous les outils pour accompagner nos filières métiers". Concrètement, "la cellule de crise veut dire que nous avons mis en place une boîte fonctionnelle", explique la directrice générale, ce qui signifie "beaucoup moins de liens hiérarchiques et des permanences le week-end". En termes d'outils, comme pour bon nombre de structures, "nous découvrons que nous pouvons aussi travailler chez nous, parfois en étant même plus efficace".
Dès lundi, l’hôpital psychiatrique devrait ouvrir une unité dédiée aux personnes atteintes du Covid-19. L’établissement va aussi s’impliquer dans le travail d’écoute.
L’hôpital de Prémontré prêt à faire face aux cas de Covid-19.
L
’établissement public de santé mentale départemental (EPSMD) de Prémontré a beau être au cœur de la forêt de Saint-Gobain, il n’échappe évidemment pas à la crise sanitaire. En cette fin de semaine, quatre patients de l’hôpital étaient en cours d’isolement car probablement touchés par le Covid-19. Une dizaine de membres du personnel – à Prémontré ou dans ses antennes axonaises – présentaient également les symptômes du coronavirus.
Comme les autres établissements de santé, l’EPSMD a donc choisi de mettre en place une organisation dont l’objectif est « zéro Covid-19 » dans les unités de proximité qui accueillent ses patients. Dès le début de semaine prochaine, dans le cadre d’une collaboration avec l’hôpital de Laon, une unité d’accueil des patients potentiellement contaminés devrait donc être opérationnelle.
« Cela représente 17 lits, avec cabinet de toilettes indépendant pour chaque chambre », précise le Dr Brahim Zazgad, psychiatre au sein de l’hôpital. C’est sur la base du volontariat qu’une équipe d’une petite vingtaine de personnes (médecins et soignants) – dont le médecin salue l’engagement – s’est constituée. Des médecins de Prémontré sont aussi directement intégrés au travail de la Cellule d’urgence médico-psychiatrique (CUMP), structure rattachée au Samu 02. Dans le contexte de crise, elle a vocation à assurer un travail d’écoute, auprès des personnels de santé en première ligne dans la lutte contre le Covid-19 comme de la population de façon plus générale.
Le Dr Zazgad s’attend d’ailleurs à voir, dans les prochaines semaines, une augmentation des chocs post-traumatiques liés au confinement. « Il ne faudra pas attendre pour agir, car ces troubles pourront devenir chroniques », juge le psychiatre, qui craint tout autant une poussée des addictions à l’alcool ou aux produits stupéfiants. « On cherche toujours des remèdes à nos angoisses », pointe le praticien.
Partout en Europe, devenue en quelques semaines l’épicentre de la pandémie de Covid-19, les restrictions se multiplient. Interdiction de rassemblement, circulation soumise à autorisation, déplacements limités, utilisation de drones pour traquer les contrevenants, collecte de données de géolocalisation, lois d’exception : l’état d’urgence sanitaire décrété dans plusieurs Etats membres de l’Union européenne (UE) met à rude épreuve les libertés fondamentales au cœur des démocraties européennes.
Les mesures radicales prises en Chine, comme l’utilisation de la reconnaissance faciale pour faire respecter le confinement, ont aujourd’hui leurs adeptes sur le continent.
D’autres, défenseurs des droits humains et parlementaires, s’inquiètent de l’utilisation massive et inédite des technologies modernes. Dans une tribune, parue le 20 mars dans le Financial Times, intitulée « Le monde après le coronavirus », l’historien israélien Yuval Noah Harari soulignait ainsi : « Des décisions qui, en temps normal, prendraient des années de tergiversations sont actées en quelques heures. Des technologies immatures, et même dangereuses, sont utilisées, car les risques de ne rien faire sont plus grands. »
Anne Giersch, directrice du laboratoire Neuropsychologie cognitive et physiopathologie de la schizophrénie à Strasbourg, mène une étude auprès de volontaires sains, pour explorer les effets positifs et négatifs du confinement, notamment sur la santé mentale.
[Cette étude ne recrute plus de volontaires.]
Le confinement est une expérience exceptionnelle qui n’est pas sans conséquences. Plusieurs facteurs peuvent changer la façon dont nous réagissons à cette situation, positivement ou négativement.Une méta-analyse qui vient de paraître dans le Lancetmontre que cette expérience peut, par exemple, avoir un impact psychologique délétère, avec des troubles de l’humeur, des confusions, voire un syndrome de stress post-traumatique. Le risque d’apparition de ces manifestations augmente avec la durée d’isolement, mais aussi avec d’autres facteurs comme les conditions de logement, la perte de revenus, l’absence d’information, ou encore l’ennui. Pour explorer ces différentes associations dans le contexte actuel en France, Anne Giersch, directrice du laboratoireNeuropsychologie cognitive et physiopathologie de la schizophrénie*, vient de lancer une enquête en population générale.
À l’annonce des mesures de confinement en France, le 16 mars dernier, elle a décidé de monter dans l’urgence une étude pour étudier ses effets sur la santé mentale et psychique. Avec son équipe, elle a élaboré un protocole de recherche comprenant un questionnaire, puis elle a saisi le comité d’éthique de l’université de Strasbourg qui l’a validé en un temps record. Dans les heures qui ont suivi, ce questionnaire a été envoyé par mail à plus de cent personnes qui ont donné leur consentement écrit, uniquement des adultes. "Il était important d’aller vite pour capter ce moment extrêmement particulier des premiers jours du confinement, ce changement brutal des habitudes et de l’organisation, l’état d’esprit des individus", explique Anne Giersch.
26.03.2020 Bonjour à tou.te.s ! Cette semaine est particulière, comme les précédentes, et probablement les suivantes. On ne va pas parler dans cette infolettre de lectures post-apocalyptique-virus (mais une prochaine fois ?). On va parler santé mentale. Parce que depuis le début de cette période de confinement, on ne va pas se mentir, c'est difficile. Même en étant quelqu'un.e de casanier.e, ne pas sortir, c'est compliqué.
Alors oui, ça laisse du temps pour la lecture (et pour plein d'autres choses), mais rester seul.e avec soi-même, pas toujours évident à gérer. Dans cette nouvelle infolettre, focus sur des lectures avec pour thème commun la santé mentale.
Cette liste est évidemment non-exhaustive et nous serions ravis d'avoir vos retours et vos recommandations ! Nous avons également regroupé quelques ressources en bas de mail si vous voulez d'autres lectures. Pour que notre santé mentale ne soit plus un tabou. Prenez soin de vous, de vos proches, et restez chez vous un maximum (si vous le pouvez). Force aux personnels qui sont là pour nous et continuent à travailler durant cette période.
Mirion Malle — C’est comme ça que je disparais
Dans sa première BD de fiction, Mirion Malle nous raconte l’histoire de Clara, jeune autrice de poésie et attachée de presse pour une maison d’édition. La vie quotidienne est compliquée, intense, et bien souvent, beaucoup trop dure pour elle. Clara s’isole avec sa dépression, n’arrive pas à en parler et se sent vide. Un récit d’une beauté rare, comme on en voit trop peu. Une BD absolument précieuse sur le sujet de la dépression, et qui laisse entrevoir, un peu malgré tout, un petit rayon de soleil.
Dans une tribune au « Monde », le sociologue Ivan Sainsaulieu décrit les dynamiques de l’engagement du personnel soignant des hôpitaux, qui font face à l’épidémie malgré le manque de moyens, entre exigence professionnelle, ambiance de travail collective et contrainte productiviste.
Ivan Sainsaulieu Sociologue Publié le 27 mars 2020
Tribune. Malgré l’indigence des autorités, incapables de fournir à temps des lits et des masques au lieu de beaux discours ; malgré la menace de la maladie, et la fatigue accumulée antérieurement du fait d’un travail notoirement sous pression ; malgré les démissions, le turnover, le manque d’infirmiers, voire de médecins, les personnels hospitaliers font face. Avec notre soutien admiratif.
Ont-ils le choix ? Oui et non. Dans sept enquêtes sur les relations de travail à l’hôpital, j’ai pu appréhender les dynamiques de l’engagement au travail, au cours de centaines d’entretiens. D’un côté, c’est leur travail et leur devoir à la fois, puisque leur travail consiste à prendre soin d’autrui soit directement, pour les soignants, soit indirectement, au moyen des supports logistiques, administratifs et techniques. Et, d’un autre côté, ce n’est pas parce que l’on est un agent hospitalier qu’on ne peut pas avoir de faiblesses, vouloir parfois se faire tout petit et laisser passer son tour.
Internée volontaire depuis les années 70 dans un hôpital psychiatrique de son pays, la prolifique artiste japonaise nonagénaire a bousculé les codes de l’avant-garde à New York où elle vécut durant seize ans. Avant de devenir une star mondialement adulée.
Yayoi Kusama dans son atelier en août 2012.Photo AP. Itsuo Inouye
En 1957, s’échappant du conservatisme et d’une famille qui bridait sa vocation d’artiste, appelée par les sirènes de l’avant-garde, Yayoi Kusama part tenter sa chance à New York. Elle y fera son trou. Mais, seize ans après son arrivée, elle revient à la case départ à Tokyo où, un peu de son plein gré, elle prend ses appartements à l’hôpital psychiatrique de Seiwa, situé dans le quartier de Shinjuku, une institution progressiste qui accepte les internements volontaires.
Aujourd’hui âgée de 91 ans, la plasticienne est passée depuis belle lurette au rang de star mondiale, tant sa notoriété et son allure de fée ensorcelante, cheveux rouges, mine fermée et robe assortie à ses motifs bourgeonnants, ont dépassé le champ de l’art contemporain. Mais la «princesse des petits pois» est toujours pensionnaire de cet asile, profitant à plein de la vie réglée comme du papier à musique qu’elle s’est autoprescrite et de la proximité de son atelier qu’elle a aménagé de l’autre côté de la rue.
C’est un joli documentaire que propose France 2 ce mardi 31 mars. La réalisatrice Judith Grumbach a posé sa caméra dans des classes de primaire, de collège, de lycée, à la recherche de ce qui et de ceux qui, à l’école, permettent aux élèves de grandir, ni plus ni moins. Si « Devenir grand » n’est pas juste un film de plus sur l’école, c’est parce qu’il parvient à saisir l’essentiel de ce qui s’y joue : la relation élève / professeur.
Il y a Amélie, instit à Langon dans une classe de CE2/CM1, qui pose les bases de son atelier philo, fondé sur les questions que se posent les élèves, Yann par exemple : « Est-ce qu’à un moment je vais grandir ? Est-ce qu’à un moment j’arrêterai de faire des bêtises ? Je ne sais pas moi, c’est quelque chose, je me questionne ». Connais-toi toi-même, Socrate s’invite en classe, chacun doit réfléchir à lui, à ses talents par exemple.
Après avoir cherché des synonymes de « penser », les élèves doivent réfléchir en petits groupes à « ce qui vous pose problème à l’école ». La coopération, bien perçue par les élèves comme Hind : « Tu réfléchis mieux en groupe ; j’aime bien faire les projets parce que ça m’ouvre la tête et après je réfléchis mieux ».
Bientôt les élèves interrogeront le monde, leur monde : « Comment l’école s’est créée ? », « pourquoi la galanterie existe ? », « pourquoi tous les adultes n’ont pas la même somme d’argent ? »… Il faudra, dans la quête de réponses, apprendre le regard critique, vérifier ses sources sur Internet.
Dans une scène assez forte, un « conseil de coopération » où tous sont assis par terre, Amélie revient sur une de ces journées entre gris clair et gris foncé que connaissent tous les enseignants ; après avoir écouté les élèves, elle leur dit sans fard ses difficultés lors de cette journée, la responsabilité de chacun, la nécessité de faire groupe et de trouver des solutions ensemble. « Je peux accepter de me montrer vulnérable, car ça fait quelques années que j’ai compris ce qui fonctionne bien dans ma classe. Et notamment le fait d’être complètement sincère avec eux, complètement authentique. C’est en se montrant comme on est réellement qu’on crée le plus de lien avec ces classes ».
Devenir grand, quand on a 8, 9 ans à l’école, c’est aussi porter un regard sur ce qu’on a vécu, individuellement et en groupe, en tirer des enseignements et tracer des perspectives pour le futur.
Il y a cette classe de 6ème, à Perpignan, et son prof principal d’EPS, Olivier, qui travaille d’emblée sur la manière de s’adresser aux autres, de demander de l’aide, d’établir une vraie relation entre pairs qui permette les conditions de l’entraide. Grandir, être autonome, c’est paradoxalement savoir à qui s’adresser et comment.
On sent ici qu’il est parfois difficile de motiver les élèves, de les entrainer, de susciter l’émulation. Le travail de Nathalie la prof de français, de Julien le prof de maths, tourne autour de ça : aider les élèves à porter un regard sur leur travail, à réfléchir sur ce qu’ils ont appris et comment, pour donner du sens à l’école et aux apprentissages. Pas évident dans un contexte social où la mixité est absente. On sent chez Youssra une colère prête à exploser – et Olivier réfléchit avec elle à ce qui fait qu’elle perturbe la classe – chez Inès et son sweater « Cherche pas j’ai raison » une timidité qui la bride – et Olivier doit mettre en valeur avec elle ce qui, dans son livret, est encourageant.
Point d’orgue, la scène où Magalie, CPE, répond aux questions de Youssra et Inès et leur dit pourquoi elle a choisi ce collège, revient notamment sur les difficultés avec Youssra, les heures passées avec elle, le conseil de discipline évité de peu, les progrès, enfin, faits, qui valent « tout l’or du monde ».