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Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

vendredi 24 février 2012


Rapport annuel sur les lieux de privation de liberté
Le contrôleur général pointe les insuffisances de l'offre de soins en psychiatrie

22.02.12 - 16:59 - HOSPIMEDIA 
Jean-Marie Delarue a rendu publiques ce mercredi ses nouvelles recommandations pour le respect des droits des personnes privées de liberté, dont celles hospitalisées sans consentement. Suite à la visite d'une quinzaine de CH en 2011, le rapport met l'accent sur les déséquilibres de l'offre de soins en psychiatrie.
Selon le rapport annuel d'activité diffusé ce mercredi*, l'équipe du Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), Jean-Marie Delarue, a visité 39 structures de santé, dont six Centres hospitaliers spécialisés (CHS), huit hôpitaux dotés de services psychiatriques, ou encore une Unité pour malades difficiles (UMD). Le rapport détaille notamment les suites données en 2011 à certaines de ses visites, comme celles effectuées à l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police de Paris ou au CH Sainte-Marie de Nice (lire notre brève du 12/05/2011). Ces visites offrent au CGLPL et à son équipe de 30 contrôleurs l'occasion de faire un état des lieux des problématiques liées à la prise en charge psychiatrique sans consentement.

Des droits "mis en péril" par le manque de professionnels en psychiatrie
Les difficultés de fonctionnement de certains établissements en raison de vacances d’emploi de soignants ou de "recrutements difficiles" de médecins liés à la démographie médicale, créant "un déséquilibre réel entre les besoins de l'hôpital public et le nombre de psychiatres qui y travaillent", sont pointées par le rapporteur. "Si le psychiatre chef de service hospitalier (...) ne peut consacrer qu'une journée et demie par semaine à ce service, compte tenu de ses autres charges, comment se feront les investigations nécessaires qui pourraient conduire à la mainlevée d'une hospitalisation sans consentement ?", s'inquiète le CGLPL. Il évoque "des unités psychiatriques fonctionnant sans psychiatre sur place", avec la "bonne volonté des soignants et même, cela a été vu, des aide-soignants", "des confrères venant le samedi signer les documents propres aux procédures de soins sans consentement, sans guère d'examen des malades". Le nombre insuffisant d'experts psychiatres judiciaires est également mis en évidence. Le rapporteur relève ainsi des délais de six mois pour qu'une personne détenue obtienne une permission de sortir ou une libération conditionnelle, subordonnée à une ou deux expertises. Ainsi, les droits fondamentaux "sont mis en péril" par ces "déséquilibres dans l'offre de soins psychiatriques", est-il conclu.

Limitations des droits proportionnées à l'état des personnes
Le rapport recense une série d'autres critiques adressées aux établissements de santé. L'accueil des enfants en pédopsychiatrie, "là du moins où il y a hospitalisation complète, est souvent inadapté en raison de moyens limités", est-il noté. "Des unités comme le CIAPA [Centre interhospitalier d'accueil permanent pour adolescents, NDLR], à Paris, font figure d'exception. Dans un établissement, il a été découvert des enfants hébergés dans une unité de déficients mentaux", indique-t-il. Concernant l'information des patients sur leurs droits, notamment celui d'un recours contre une hospitalisation, il pointe des insuffisances pouvant être palliées par "des changements simples et peu coûteux". Il met également en garde contre "les pratiques résultant souvent de consignes préfectorales, de mettre en isolement de manière systématique, et pendant toute la durée de leur séjour, les détenus admis en soins psychiatriques sans leur consentement".
Le CGLPL plaide pour une proportionnalité des mesures à la nécessité des soins requis. "Dans des établissements visités, toutes les personnes hospitalisées sans consentement sont astreintes au port du pyjama durant toute la durée de leur séjour. Ces pratiques, si elles ne sont pas adaptées à l’état du malade, sont constitutives d’un traitement pouvant être qualifié de dégradant", souligne-t-il, ajoutant que les limites générales à la liberté d'accès à des espaces extérieurs doivent faire la place à "des examens des situations individuelles et à des mesures proportionnées à l’état des personnes".
Le rapporteur a constaté des atteintes à l'intimité des personnes (intrusions dans les correspondances, visites des familles dans des locaux inadéquats, chambres doubles ou triples sans séparation entre les lits, chambres et meubles ne pouvant être fermées à l'initiative des malades, générant des "sentiments d’insécurité") et des difficultés tenant à la "sur-occupation" de lits. Au sujet de la traçabilité du recours à la contention dans les établissements de santé, il rappelle "à nouveau fermement" l'une de ses recommandations relatives au CH Esquirol de Limoges (Haute-Vienne) publiées au Journal officiel du 2 juillet 2009.

Opposition au renforcement de la sécurisation des établissements
Abordant la loi du 5 juillet 2011 sur les soins sans consentement en psychiatrie, et plus précisément le contrôle des hospitalisations par les Juges des libertés et de la détention (JLD), le contrôleur indique que "les visites d'établissement vont porter une grande attention aux conditions dans lesquelles les audiences dans les 15 jours qui suivent l'admission sont organisées et vécues". Il a déploré que "les contrôles prévus par la loi ne sont pas toujours exercés. (...) Des Commissions départementales des hospitalisations psychiatriques (CDHP) ne sont pas toujours réunies, en raison de difficultés à nommer les personnes qui doivent les composer." Reprenant son avis sur les audiences par visioconférence (lire notre brève du 09/11/2011), Jean-Marie Delarue rappelle sa préférence pour la tenue d'audiences à l'hôpital en présence du juge : "Il est certain que la seule solution qui préserve à la fois les droits des malades et leur équilibre réside dans l'installation de salles dans les hôpitaux où se tiendront les audiences".
Enfin, évoquant le contexte du renforcement des mesures de sécurité dans les établissements, le contrôleur s'oppose aux conclusions d'un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur l'analyse des accidents en psychiatrie (lire notre article du 31/05/2011) recommandant l'accentuation de telles mesures. Le contrôleur a relevé "dans une étude qu'il a faite sur plusieurs centaines de fugues des établissements hospitaliers, qu'un nombre exactement équivalent d'entre elles se produisait depuis les unités "fermées" et dans les unités ouvertes". Il est préférable, souligne-t-il, "de mettre l'accent sur la manière humaine avec laquelle ces patients sont traités et de renforcer leurs activités, que d'ajouter des serrures et des cartes d'accès".
Caroline Cordier
* Ce rapport est disponible aux éditions Dalloz et sera téléchargeable sur le site du CGLPL le 4 avril prochain. Dans l'attente de cette mise en ligne, retrouvez le dossier de presse.
Soins en détention : le contrôleur préconise des conventions entre CPAM et établissements pénitentiaires
Comme les précédentes années (lire notre article du 29/10/2010), le contrôleur général Jean-Marie Delarue s'est penché sur les difficultés à accéder aux soins pour les personnes incarcérées. Il souligne qu'en Haute-Garonne "une convention entre l'administration pénitentiaire et la [Caisse primaire d'assurance maladie] CPAM a été signée pour centraliser les dossiers des personnes détenues et disposer d’une cellule de travail unique qui regroupe toutes les demandes d'affiliation" et estime qu'une "telle approche pourrait être généralisée".
"Formés à la problématique des soins en détention, ces agents de la Sécurité sociale peuvent ainsi faciliter les démarches et accélérer l'ouverture des droits" souligne le contrôleur, qui souhaite qu'en vue de cette généralisation soit rédigée "conjointement par les ministères de la Santé et de la Justice une convention type relative à la protection sociale des personnes détenues afin d'améliorer la continuité des soins avant, pendant et après l'incarcération". Il recommande également qu’une circulaire précise les "critères de prise en charge [des] dépassements d'honoraires afin que leurs taux soient harmonisés entre les établissements" pénitentiaires.
C.C.







Jean-Marie Delarue dénonce les abus du travail en prison

LEMONDE | 22.02.12

Les équipes du contrôleur général des lieux de privation de liberté ont, depuis 2007, passé "près de quatre ans et demi en prison, six ans en garde à vue et un an en psychiatrie" : elles disposent aujourd'hui d'un solide recul sur la vie pénitentiaire. Jean-Marie Delarue devait présenter, mercredi 22 février, son rapport annuel, qui comporte notamment une analyse fine du travail en prison, après avoir dépouillé plus de 1 500 bulletins de paie de détenus. Pour le contrôleur général, le mot même de "travail" engendre de la confusion, tant les conditions du travail en prison sont éloignées de celles du dehors.

Combien de détenus travaillent en prison ?
Nous sommes en désaccord avec l'administration pénitentiaire, d'abord sur le nombre de personnes employées. Nous, nous disons qu'on ne peut pas compterles gens qui relèvent de la formation professionnelle, ni ceux qui sont en placement extérieur. Ils sont certes écroués, mais ont une activité pour laquelle la pénitentiaire n'est pour rien. Le taux de 39 % de détenus au travail que nous donne l'administration nous paraît être plutôt de l'ordre de 28 %. Ce n'est pas glorieux.
De plus, parmi ces gens "classés", c'est-à-dire comptabilisés comme ayant un travail, certains n'en ont pas : l'offre de travail est extrêmement variable d'un mois à l'autre. Vous pouvez avoir 50 postes de travail et, le mois d'après, 30. On ne va pas évidemment déclasser des gens. Ils le restent, mais ils ne sont plus conviés à l'atelier.
Enfin, ceux qui sont inscrits ne travaillent pas régulièrement. Au dehors, on se débrouille pour caser les aléas de la vie dans la vie privée et pas dans la vie professionnelle. Les détenus, eux, ne le peuvent pas. Ce n'est pas eux qui fixent leur rendez-vous à l'hôpital ou au parloir. Ainsi un employeur, en détention, ne peut pas compter sur tout le monde. On inscrit comme devant venir à l'atelier un nombre supérieur au nombre de postes à pourvoir, puisque certains ne viendront pas. On fait parfois venir 10 à 15 % de plus. Ces gens sont bien classés, mais n'ont pas pour autant un travail régulier.
Et puis il y a des types de travail qui ne sont pas comptabilisés. J'ai vu dans un centre de détention des "auxiliaires d'auxiliaires", des détenus qui venaientseconder les auxiliaires en titre pour la distribution des repas. Ils n'étaient pas rémunérés.
Quels sont les types de métiers, en détention ?
C'est du non-qualifiant massivement, sauf quelques ateliers privilégiés, extrêmement minoritaires. La masse du travail est formée d'emplois peu qualifiés, de conditionnement, d'emballage, etc. Il existe aussi du travail en cellule. J'ai vu des gens lors d'une visite de nuit, il faisait chaud, ils étaient torse nu en train d'assembler de petites agrafes, au milieu de la nuit. Le travail en détention peut donner lieu à des abus, en termes d'horaires, d'hygiène ou de règles de sécurité. Il y a des fabrications de chaussures dans certains établissements pour le personnel pénitentiaire ; on a là des vapeurs de traitement du cuir pas très saines, à mon avis. Personne n'a jamais regardé ça de près.
Et le travail est rare ?
Le travail est un bien rare, et il y a compétition pour s'arracher le peu qui existe. L'administration comme les opérateurs privés sont libres de leur choix. Et quand quelqu'un se comporte mal ou ne produit pas ce qu'on attend de lui, il est déclassé d'un trait de plume. Le déclassement peut être une mesure disciplinaire, il y a des cas où il ne l'est pas, et cela induit un comportement de soumission.
Un jour, parce qu'on était là, ordre avait été donné aux auxiliaires de nettoyer les murs. Je leur dis : "Vous faites ça, d'habitude ?" Ils ont rigolé, ils m'ont dit : "Non, ce n'est pas prévu dans notre engagement de travail", ce petit papier qu'a accordé la loi pénitentiaire. Mais si on le dit, on se fait virer immédiatement. D'une certaine manière, il y a des relents de XIXe siècle dans l'administration pénitentiaire.
Quel est le niveau de salaire ?
La loi pénitentiaire de 2009 a institué une sorte de salaire minimum, le SMR, salaire minimum de référence, variable selon les tâches, et fixé entre 20 % et 45 % du smic. Ces planchers de salaire sont en réalité des plafonds. Tout l'enjeu du travail des détenus, c'est péniblement d'y parvenir. Il y a d'ailleurs un jeu un peu trouble de l'administration pénitentiaire qui, tous les ans, détermine le montant du SMR en fonction de l'évolution du smic. Elle a fait une petite erreur de calcul au départ, et en 2011, au lieu de payer 4,05 euros de l'heure, elle a trouvé 4,03. Deux centimes... Mais quand vous gagnez 70 euros par mois, ce n'est pas insignifiant.
Ensuite, les détenus sont rémunérés à la pièce, à un prix en général assez dérisoire. Il faut ensuite transformer ce montant de productivité à la pièce en salaire horaire. Les gens n'y comprennent rien. Le lien entre le nombre de pièces produites et le montant horaire n'est pas explicité. Il y a encore les gens qui sont au-dessous de la production requise, et globalement, beaucoup sont très en deçà du SMR.
Dans un centre de détention, sur 340 détenus au travail, plutôt dans des ateliers assez qualifiés donc tirant plutôt les salaires vers le haut, 38 % étaient en dessous du SMR. Dans une maison d'arrêt, sur 218 personnes au travail, il n'y en avait que 11 au-dessus du salaire minimum. De surcroît, dans les maisons d'arrêt, il y a des gens qui bougent, et donc qui ne travaillent qu'une partie du mois.
Les sommes effectivement perçues sont faibles ?
Quand on regarde les bulletins de salaire, on est absolument saisi. Vous avez des gens avec 4,52 euros dans le mois, d'autres 7 ou 15 euros. Même chez ceux qui travaillent au maximum souhaitable, il y a des variations qu'ils ne se comprennent pas bien d'un mois sur l'autre. Le salaire d'un auxiliaire tourne autour de 180 euros, ça tombe à peu près régulièrement, mais pour un travailleur de production, ça peut être entre zéro et 450 euros. Les très, très hauts salaires, rarissimes, sont de 800 euros.
Il résulte de tout cela une espèce d'aléa dans la perception des revenus : vous ne pouvez rien prévoir, parce que vous ne savez pas à l'avance ce que vous allez gagner. Même quand vous avez décroché la timbale du travail, vous êtes dans un état d'incertitude rare. Les conséquences sont multiples. Le travail est un enjeu, il crée des rivalités et on sait très bien que, dans certains ateliers, certains empochent la production d'autrui. Se greffent sur le travail tous les rapports de force de la détention.
Au fond, lorsqu'on parle de travail en prison, on se trompe. Il faudrait inventer un autre mot. Le travail pénitentiaire n'a pas les attributs habituels du travail. C'est autre chose. C'est de l'occupation, disent des détenus. Le mot travail crée, en tout cas, de la confusion.
Propos recueillis par Franck Johannès

Élections 2012
"Génération HPST" en appelle aux présidentiables pour "sauver" l'hôpital public

23.02.12 - 10:58 - HOSPIMEDIA 
Dans un appel* lancé ce 22 février, Jacques Touzard, directeur d'hôpital, et le Dr Gérard Kierzek, médecin-urgentiste, convient au nom de la "génération HPST" les candidats à l'élection présidentielle à se presser, au nom de la préservation du "made in France", au chevet de l'hôpital public pour enrayer "le mouvement de privatisation (…) et la bureaucratisation croissante" qui le menacent. S'ils savent gré à la loi HPST d'avoir eu "le courage de reposer le débat" de la planification sanitaire en France et aux ARS de donner "une ligne directrice" au système de soins, les deux signataires estiment toutefois qu'"il y a urgence à repenser l'hôpital".
La gouvernance hospitalière est ainsi dans leur collimateur, déplorant qu'elle soit passée "de l'autorégulation mandarinale dont notre génération n'hérite que de la dette, à une autocratie managériale insupportable et souvent contre-productive". De fait, il importe, à leurs yeux, de "réinsuffler la pensée médicale et humaniste dans le management hospitalier". Par ailleurs, le directeur et le praticien réaffirment leur opposition à tout partage des missions de service public avec le secteur lucratif comme à la convergence tarifaire publique-privée.
T.Q.
* Le texte de l'appel en ligne sur le site Nouvelobs.com

Suite aux (très) nombreuses demandes d'informations reçues ces dernières semaines par RESILIENCE, au sujet du processus de désinscription à l'ordre infirmier, nous vous informons que :

cette demande de désinscription doit être adressée directement à votre cdoi (celui où vous êtes inscrit actuellement si changement entre temps), en lettre recommandée avec accusé de réception, sur papier libre, en indiquant votre numéro d'ordre afin de faciliter les formalités à un ordre toujours plus cafouilleux,

Lire la suite ici

DÉMOCRATIE SANITAIRE – L’espérance de vie au fil de la ligne du RER B

Le site Rue89 a interrogé le professeur en aménagement sanitaire Emmanuel Vigneron qui a réalisé une carte plutôt saisissante. Intitulée "La ville, la vie, la mort dans Paris et ses banlieues au long du RER B", elle présente les différents indices comparatifs de mortalité* selon que vous habitiez à Saint-Rémy-les-Chevreuse, Port Royal, La Plaine-Saint-Denis et autant de stations de la ligne B du RER.
Et surprise, l'espérance de vie peut varier du simple au double alors que la ligne ne parcourt que 70 km. Ainsi, explique l'auteur de la carte, "en moins d'un quart d'heure de trajet, le risque de mourir une année donnée augmente ainsi de 82 % entre les arrondissements les plus aisés de Paris et le quartier du Stade de France".
"C'est l'effet ZUS", explique le chercheur à Rue89. "Il a été démontré que le simple fait d'habiter dans une zone urbaine sensible – une fois qu'on a neutralisé les effets d'âge, de sexe et de classe sociale – a des effets pathogènes. Ils sont liés à mille choses : au cadre de vie, au stress, à la pollution éventuelle, au fait qu'il n'y a pas d'offre de santé suffisante dans ces zones-là".
Parallèlement, M. Vigneron a mis en évidence le nombre de médecins libéraux installés dans les villes jalonnant la ligne B du RER. Si le quartier du Luxembourg à Paris compte 20,3 médecins généralistes pour 10 000 habitants, ils ne sont plus que 5,9, toujours pour 10 000 habitants à La Courneuve et Aubervilliers. La différence est encore plus forte concernant les médecins spécialistes. Ils sont 68,5 pour 10 000 dans la "commune de station" du Luxembourg contre 1,6 pour La Courneuve et Aubervilliers. Et le chercheur d'appeler de ses vœux une "démocratie sanitaire"...
Pour avoir une illustration concrète des difficultés que rencontrent les personnels soignants comme les habitants de la Courneuve, vous pouvez lire le dernier post du blog Urbains sensibles, intitulé "Au centre de santé, on soigne selon les besoins, pas les moyens".
* L'indice comparatif de mortalité est le rapport entre le nombre de décès observés dans le département et le nombre de décès attendus. Ce dernier chiffre est calculé en appliquant à la population du département les taux de mortalité nationaux par âge et sexe.

jeudi 23 février 2012


L’Etat reconnaît son erreur sur les médiateurs de santé (ou pairs-aidants) en psychiatrie

23 Février 2012 Par guy Baillon
L’Etat reconnaît son erreur sur les médiateurs de  santé (ou pairs-aidants) en psychiatrie
Félicitons les syndicats infirmiers d'avoir démasqué ce projet pervers
Comme nous l’apprend le communiqué du syndicat d’agents de la fonction publique hospitalière, de ce jour. Espérons qu’ils n’en resteront pas là. Nous ne pouvons que féliciter les syndicats infirmiers de s'être ainsi révoltés contre ce projet pervers et d'avoir obtenu sa suspension. il faut absolument faire disparaître définitivement ce projet de pairs-aidants, cachés sous le terme de ‘médiateurs de santé’.
J'avais dénoncé ce projet dès sa naissance en 2008 dans 2 livres : "Les usagers au secours de la psychiatrie", Erès, 2009 (p 258 et 388) et "Quel accueil pour la folie" Champs social 2011, (p 277 à 288) ensuite dans des articles de Médiapart (conte de la folie)
Nous savions précisément que la FNAPSY avait été entrainée dans la démarche d'évaluation de ce projet contre son gré, et que les promoteurs du projet voulaient en fait se servir d'elle comme caution !!!
Enfin elle est libérée ! Bravo
Le point hard de la perversion des psychiatres promoteurs était de faire croire à quelques usagers que leur expérience "vécue" de la maladie était un "plus" qui les élevait à un niveau de savoir meilleur que celui des soignants, ceci en s'appuyant sur la théorie conçue aux USA de « l'empowerment, » le fameux 'rétablissement' venant prendre la place de la guérison et les plaçant soit disant à un niveau supérieur aux autres malades et aux soignants ; si les canadiens se sont sentis un moment satisfaits d’une telle idéologie pseudo philosophique, c’est parce que leur culture est en fait loin de la nôtre, mais très proche de celle des USA, eux dramatiquement bouleversés par la fermeture du jour au lendemain en 1965 de 500.000 lits de psychiatrie sans compensation en ville, d’où la révolte des usagers soutenus par leurs proches ; laissons nos amis canadiens en paix ; d’ailleurs ils sont devenus très critiques sur ce projet, prêts à l’annuler car eux savent annuler les mauvais projets.
Les promoteurs français ont eu la prétention d’affirmer que ces super-pairs-aidants étant rémunérés (par les hôpitaux ) allaient 'faire le ménage' des 'mauvais services de psychiatrie' et remettre sur les rails les 'soignants de mauvaise qualité'. Incroyable mais vrai ! Pour cela ils seraient recrutés, formés, suivis, rémunérés, félicités !
Devant de telles promesses les usagers se trouvaient ainsi pris dans des filets dont ils ne pouvaient se sortir eux –mêmes.
Ils étaient d’autant plus ‘pris’ dans ces filets que les promoteurs du projet recrutaient eux-mêmes parmi la foule des malades, les heureux élus, les bons pairs, les bons malades ! « qu’est ce qu’être un bon malade » ? fruit d’un recrutement totalement arbitraire, fait du prince.
D'ailleurs les promoteurs étaient assez ‘bien introduits’ eux-mêmes pour convaincre l'HAS et obtenir d’elle une subvention considérable pour mener à bien la formation actuelle !
Pourtant ce projet est très grave, car il touche d’abord les quelques usagers 'enrôlés' qui vont se trouver coincés comme les malheureux "bons malades" de si triste mémoire que nous avons connus dans l'asile ; ensuite il va entrainer un discrédit sur la profession de soignants, ceux-ci ne pouvant plus être évalués que par des ex-malades à qui on donne un pouvoir et une responsabilité du type des RG ou de l’inquisition.
Confusion des rôles stupéfiante !
N’y a-t-il pas là une grave faute sur le plan éthique, qui devrait être poursuivie !
La plus grande diffusion doit être faite à ce combat et à sa réussite, car n’oublions pas que ce projet fait partie intégrante du Plan de Santé Mentale de janvier, qui comme la loi du 5-7-2011 méprise 50 ans de pratique psychiatrie de secteur, méprisait les équipes et d'abord des générations d’infirmiers, et traite comme de futurs délinquants les malades-usagers, sans respect de l'homme.
Il faudra aller plus loin même si les infirmiers ne se sentent pas encore directement concernés : il faut combattre aussi le projet " d'aidants- familiaux" en psychiatrie demandé par quelques dirigeants de l'UNAFAM (autre projet soutenu aussi dans le Plan de santé mentale de janvier), mais pas par la majorité des familles. L'Etat veut ainsi remplacer les soignants par les familles et les rémunérer selon les mêmes idées et avec les mêmes moyens que les médiateurs de santé !!!
Mais attention, le communiqué des ministères précise qu’il ne s’agit là que d’une « suspension » de l’expérience et que la formation des 30 pairs-aidants recrutés se continue ! En fait ces ministères sont très contents de l’approche des élections, espérant que l’expérimentation sera oubliée dans le vacarme de leur défaite électorale ! Leur responsabilité est lourde : comment l’Etat va-t-il en quelques semaines trouver des mesures faisant oublier leurs engagements auprès de ces 30 personnes ainsi dupées, entrainées dans un statut qui n’existera jamais ?
De toute façon si cette erreur commence à être reconnue, cela veut dire que les ministères commencent à s’inquiéter de l’outrance des mesures qu’ils ont prises à l’égard de la psychiatrie, et surtout des malades usagers : les traiter par la loi comme des délinquants auxquels sont promis comme seuls traitements des lavages de cerveau (réduisant le traitement psychiatrique à la chimie sans consentement) et des menaces avec le comportementalisme (l’enfermement comme mesure d’intimidation est bien l’extrême exemple de mesure comportementaliste).
Cela veut dire aussi que l’Etat commence à s’inquiéter de son propre mépris à l’égard des professions soignantes.
Cela fait beaucoup de mécontents à l’approche des élections.
Ceci étant soyons prudents, car la gauche n’a pas tenu toujours ses promesses en psychiatrie : n’oublions pas que le Bureau de la psychiatrie qui était attentif à l’application de la politique de secteur, ainsi que la Commission des Maladies Mentales qui élaborait avec des ‘sages’ de toutes les professions l’évolution de cette politique, ont été fermées sous un gouvernement socialiste en 1990. La politique de secteur a été abandonnée dès cette année-là. Pire, nous avons vu il y a peu des députés de gauche soutenir un laboratoire anti psychiatrique comme Fondamental ne jurant que par les gênes dans le soin et voulant écarter la psychanalyse, et d’autres députés de gauche acceptant de soutenir le projet de loi interdisant la même psychanalyse !
Donc à tous les candidats, futurs élus, demandons l’abrogation de la loi du 5-7-2011 ; l’annulation du Plan de Santé Mentale de janvier qui soutient ces deux projets de pairs-, et mères-aidants (les familles), et la promesse d’un débat national autour de la folie, la non condamnation de celle-ci, le respect et la dignité de l’homme, grâce à un grand projet de psychiatrie reprenant l’application de la politique de secteur et des mesures soutenant le handicap psychique, complémentaires l’un à l’autre. Enfin un projet respectueux de l’homme.
Alors à l’approche des élections nous retrouvons l’espoir !


Ni rituel psychanalytique ni réductionnisme génétique !

Point de vue | LEMONDE | 22.02.12 |
par Yehezkel Ben-Ari, neurobiologiste, Nouchine Hadjikhani, neuroscientifique et Eric Lemonnier, pédopsychiatre

Les débats homériques en cours sur les causes de l'autisme laissent perplexe toute personne un tant soit peu informée sur la réalité de cette maladie. Des conflits idéologiques, forts éloignés de la réalité médicale et biologique, semblentfleurir particulièrement dans l'autisme. Il convient de rappeler quelques faits qui ne sont pas contestables.

1. L'autisme est une maladie précoce qui prend naissance le plus souvent pendant la grossesse. On trouve plus de neurones dans certaines régions cérébrales des enfants autistes. La prolifération cellulaire ayant lieu exclusivement in utero chez l'homme, cette preuve ne peut être contestée. L'autisme est une maladie du développement cérébral avec la formation très tôt de réseaux neuronaux aberrants qui rendent difficile la communication des enfants autistes dès leur plus jeune âge.
2. L'autisme a parfois une origine génétique, mais l'environnement joue un rôle crucial. On a pu identifier des mutations génétiques dont l'expression chez l'animal cause des malformations et un "comportement autistique". Ces mutations, qui ont un impact sur la formation de connexions entre cellules nerveuses, entraînent dans le cerveau de l'embryon un cercle vicieux avec des effets délétères sur les régions atteintes.
3. Des études épidémiologiques montrent une bonne dizaine de facteurs de type environnementaux ayant un rapport avec l'autisme. Ainsi, une étude danoise des corrélations entre autisme et complications à la naissance montre plus de soixante facteurs périnataux liés à l'autisme, y compris une présentation anormale du bébé lors de la naissance, des complications de type ombilicale/placentaire, une détresse foetale, une lésion ou un trauma néonatal, une naissance multiple, une hémorragie maternelle, une naissance en été, un faible poids à la naissance, une petite taille pour l'âge gestationnel, une malformation congénitale, des difficultés de nutrition, une anémie néonatale, une incompatibilité ABO (les trois groupes sanguins) ou de type rhésus.
La probabilité d'avoir un enfant autiste augmente de façon significative quand deux facteurs sont réunis. Des toxiques tels que les métaux lourds et les pesticides ont aussi une incidence sur l'expression de la maladie. En résumé, l'autisme est une maladie développementale multifactorielle.
4. Une malformation cérébrale est un phénomène "biologique" qui ne nage pas dans l'éther et ne se guérit pas avec des mots. Parler de la responsabilité de la mère et de vouloir guérir les rapports avec son enfant fait fi de cette réalité biologique. Par exemple, l'ocytocine - une hormone libérée pendant la naissance et l'allaitement joue un rôle certain dans l'attachement mère-enfant. Imaginons que cette hormone marche moins bien chez une mère et son enfant ; va-t-on l'accuser d'en être responsable et va-t-on guérir ce rapport difficile avec des mots ou plutôt avec l'hormone déficiente ? Il faudrait rappeler que même les aspects affectifs qu'affectionnent les psychanalystes ont par essence un substratumbiologique. La prétention des psychanalystes de guérir cette maladie avec des séances de psychanalyse ne tient pas, car on ne peut pas ignorer la biologie. Le manque de fondement scientifique de cette branche et le fait qu'elle s'affranchit du minimum de preuves statistiques auxquelles sont astreints tous ceux qui veulent développer des traitements est inacceptable.
De plus, non seulement les preuves d'une quelconque amélioration sont toujours attendues, mais de plus la méthode provoque des dégâts en culpabilisant les mères et en faisant prendre du retard à l'enfant pendant que celui-ci est privé d'une éducation qui pourrait l'aider à se développer. A l'autre extrême, le réductionnisme génétique procède d'une simplification abusive qui, tout en dédouanant les mères de leurs responsabilités, ne tient pas compte des facteurs environnementaux.
On a pu identifier des centaines de mutations associées à l'autisme, dont plusieurs sont aussi à l'origine d'autres maladies neurologiques. Il y a donc plusieurs gènes pour une même maladie et plusieurs maladies pour un même gène montrant la difficulté du diagnostic et rendant une thérapie génique illusoire. Cette double OPA sur une maladie et des parents dont le courage mérite plus de respect et d'admiration n'a pas lieu d'être. Cette maladie et son traitement posent un problème redoutable aux chercheurs, qui doit être abordé avec pragmatisme et sérieux. Les parents rapportent souvent avoir vécu la prise en charge de leur enfant comme une épreuve, d'une part par la culpabilisation maternelle qu'elle engendre, mais surtout en proposant une hiérarchie des priorités, souvent sansprendre en compte les objectifs essentiels d'autonomie et d'intégration. Les parents ont souvent à juste titre le sentiment d'être dépossédés de leur fonction parentale, incapables qu'ils seraient de faire des choix pour leur enfant.
Il faut avoir le courage de dire que cette maladie ne va pas être guérie au sens où on l'entend avec une aspirine. Des méthodes différentes peuvent permettred'améliorer le quotidien des parents, tant mieux, c'est déjà cela ! La guéguerre entre droite et gauche n'a pas lieu d'être ici, marier la gauche avec la psychanalyse est aussi simpliste que prétendre que les approches comportementales sont de droite. Commençons par comprendre comment se construisent ces réseaux aberrants, comment réduire leurs effets nocifs sur les réseaux voisins et, surtout, comment arriver à réduire tout cela le plus tôt possible, et on aura avancé.
Cessons de promettre la guérison miraculeuse à partir d'un gène ou d'une molécule qui effacera les séquelles des malformations développementales. C'est en bloquant ces activités aberrantes avec des outils pharmacologiques que les promesses les plus sérieuses sont en cours de développement. En attendant, une approche à la carte sans menu fixe et sans hégémonie s'impose, mais elle doit être basée sur des méthodes qui ont fait leurs preuves.
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Yehezkel Ben-Ari, neurobiologiste, président de l'association Vaincre l'autisme ;Nouchine Hadjikhani, neuroscientifique, membre du conseil scientifique deVaincre l'autisme et Eric Lemonnier, pédopsychiatre au CHU Brest