blogspot counter

Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

lundi 19 décembre 2011


La psychanalyse dans la série télé américaine

D'abord mis à l'écart, le psychiatre s'affirme de plus en plus aujourd'hui. Retour (non exhaustif) sur quand la série télé américaine passe en analyse.

Par Julien MUNOZ - publié le 15 mars 2011
Flic, avocat, médecin, politicien, journaliste… autant de professions qui ont trouvé maintes et vastes représentations à travers la petite lucarne. Si celles-ci ont toujours bénéficié d’une large couverture dans le cadre de la fiction, celle du psychothérapeute et de la psychanalyse en général est en revanche une figure encore jeune dans le paysage audiovisuel ayant attendue son heure pour s’imposer et qui tend aujourd’hui à devenir un incontournable dans le monde de la série télé. Ne serions-nous pas tous en train de suivre une thérapie sans le savoir ? 

Première approche

Difficile de préciser dans quel programme ou de quand date exactement la première apparition d’un « médecin de la tête » dans un feuilleton. Probablement depuis les débuts de la télévision mais on peut être sûr qu’il ne s’agissait pas d’un rôle d’importance, ni moteur de l’intrigue. Avant les années 70, rares sont les possibilités pour le psy de voir son métier mis sur le devant de la scène autrement que dans une fonction occasionnelle ou secondaire dans le meilleur des cas. L’arrivée sur CBS de The Bob Newhart Show (1972-1978) sera l’une des exceptions qui confirment la règle puisque la sitcom se focalise justement sur le quotidien d’un psychologue (Robert Hartley incarné par l’acteur Bob Newhart) devant jongler entre sa vie de famille et ses obligations professionnelles.

les_soprano_1

Presque vingt plus tard, Billy Cristal crée Sessions qui, le temps de six épisodes, suit les entretiens entre un avocat quadragénaire et le docteur Bookman (Elliot Gould), elle aussi mettant sur la table les problèmes de la middle classe américaine sous le prisme de la comédie avec un soupçon de gravité en plus. Un mélange dont s’inspireront plusieurs confrères par la suite parmi lesquels la populaire Ally McBeal (1997-2002). Au-delà de son amusant dispositif consistant à matérialiser à l’écran les pensées retorses d’une avocate allumée (Calista Flockhart), David E. Kelley aura fortement contribué à décoincer l’image du psychanalyste, notamment grâce au docteur Tracey Clark (Tracey Ullman) et à ses pratiques peu conventionnelles. Mis progressivement en confiance par le biais de l’humour et de l’autodérision, le téléspectateur s’avère enfin prêt à passer un nouveau cap. La représentation du psychothérapeute aussi.

Promotion canapé
           
La série qui a tout changé, à laquelle il est impossible de ne pas se référer, c’est bien évidemment Les Soprano(1999-2007) et le Dr. Jennifer Melfi (Lorraine Bracco) chargée de consoler la conscience torturée d’un parrain du New Jersey.  Hormis l’engouement critique et public pour la brillante plongée du drama de David Chase dans le monde de la mafia, celui-ci aura suscité l’admiration pour le réalisme et l’indéfectible sérieux avec lequel il traite les séances de thérapie (noyau spirituel du show), et sa description de la relation intime qui peut se nouer entre le malade et son praticien. L’identification avec des personnages aux comportements complexes et aux blessures profondes sera tel qu’en 2001,  Lorraine Brasco sera l’invitée d’honneur d’un congrès américain de psychanalystes afin de discourir sur le transfert affectif et identificatoire ayant lieu des deux côtés de la barrière fictionnelle. Comme tout véritable phénomène culturel, Les Soprano suscitera bien des vocations parmi la concurrence qui recycle à toutes les sauces le protagoniste du psy : The Trouble with NormalTell Me You Love MeState of MindHead CaseHuffMental… et Web Therapy et ses séances accélérées par internet. En une décennie, on ne compte déjà plus les tentatives du petit écran de nous faire allonger sur le divan, or aucune ne s’y est prise comme En Analyse.

In Treatment

Adapté d’un programme israélien d’Hagai Levi (BeTipul), In Treatment en VO constitue sans doute l’expérience qui se rapproche le plus d’une psychanalyse suivie :  la série ne se contente pas de narrer le métier du Dr. Paul Weston (Gabriel Byrne) mais bel et bien de procéder à ce fameux « transfert » via une mise en place narrative au plus près de la réalité du traitement thérapeutique et repoussant les limites de la fidélisation du public. Diffusé tous les jours de la semaine, En Analyse octroie une journée donnée à chacun des quatre patients réguliers de Weston qui se confiera lui-même le dernier jour à un autre collègue pour mieux faire le point sur son travail et ses propres failles en tant qu’individu. Ainsi pour l’auditeur fidèle prêt à s’immerger dans des récits basé sur une inaction scénique et des échanges verbaux abordant un riche canevas de problèmes sociaux (qui pourront être les siens), l’ouvrage est un bon moyen de mettre en perspective son vécu sans se ruiner. Les consultations télévisées ne manqueront pas à l’avenir, car malgré une audience faiblarde, En analyse perdure et se décline déjà dans plusieurs autres pays du globe. Une version française est même en gestation.

C’est grave docteur ?

Comment expliquer une telle prolifération ? Il y a déjà la démocratisation croissante de la psychiatrie durant les années 90.  Difficile également de ne pas faire un parallèle avec l’âge d’or de la série télé qui au tournant du siècle nouveau a permis au psychiatre de devenir une espèce d’emblème de cette nouvelle production chargée de héros ne sachant plus trop où donner de la tête : violents (Jack Bauer de 24 heures chrono) névrotiques (la famille Fisher de Six Feet Under), psychopathes (Dexter), schizophrènes (United States of Tara), toxicomanes (Nurse Jackie), troubles de l’identité sexuelle (Max dans The L Word)… le diagnostic est long dans cet éventail de fenêtres ouvertes sur une société moderne se questionnant sur ses propres démons. Analyser et comprendre est justement le premier pas vers la guérison… ou d’une possible prévention.

Dexter saison 4

On ne s’étonnera donc pas de voir les professionnels du comportement humain devenir des alliés précieux des forces de police (de New York Unité Spéciale à Lie to Me, en passant par Esprits Criminels). Inévitables, les psychologues de la télé se sont même infiltrés dans d’autres domaines tout aussi spirituels (Sœur Peter Marie deOz). Cet amalgame entre médecine et religion on le retrouve dans quelques scènes de Nurse Jackie lorsque son anti héroïne vient s’allonger sur les bancs d’une chapelle moins pour se confesser ses fautes à un ami dans le secret que pour se confier à une oreille silencieuse. Le schéma est identique pour le proxénète Al Swearengen (Deadwood) qui prenait fréquemment l’habitude de l’autoréflexion en compagnie d’une de ses filles en plein travail. Les voies de la psychanalyse sont décidément impénétrables.

En analyse : Interview du créateur Hagai Levi

In Treatment (En analyse) est l'adaptation d'une série née en Israël et intitulée Be Tipul. On la doit au créateur et scénariste Hagai Levi. Interview.

Par  - publié le 08 mars 2011 à 17h35
0 commentaire(s)
Hagai Levi
Hagai Levi est le créateur et scénariste de Be Tipul, une série israëlienne qui a fait beaucoup parler d'elle entre 2005 et 2008. Tant et si bien que HBO s'est emparé du concept (un psychothérapeute reçoit chaque jour un patient avant de se faire analyser lui-même en fin de semaine) pour accoucher de In Treatment (En analyse). Si les audiences de la série aux Etats-Unis ne sont guère flamboyantes, son succès d'estime et les critiques dythirambiques en ont fait un évènement télévisuel majeur. La saison 3 débute sur Orange Ciné Max.
 

Il semble que Be Tipul soit né de votre propre expérience de la thérapie. A quel point la série parle t'elle de vous ?
Hagai Levi) Il est toujours difficlie de dire d'où vient une idée. Il n'y a pas de personnages qui me représentent. Je suis un juif orthodoxe très religieux donc j'ai essayé de créer un personnage qui était comme moi. Je n'y suis pas arrivé. Je crois que tous les protagonistes ont quelque chose de moi. Il m'est difficile de dire ce qu'ils ont de moi à chaque épisode. la série est écrite par des scénaristes différents qui mettent chacun quelque chose de personnel dans les personnages pour qui ils écrivent.

Pourquoi avoir choisi de raconter cette histoire sur cinq jours ?
HL) Premièrement, j'ai pensé que cela imitait la vie. Chaque jour, c'est un nouveau patient, un nouveau jour. Je sentais que cette narration était proches de la réalité. J'aime aussi cette idée d'une série quotidienne, le fait que vous ayez la même horaire chaque jour. C'est très addictif. Cela fait partie de votre vie, de votre planning. C'est le but de la télévision.

Il a fallu convaincre les chaînes qu'une telle série puisse exister...
HL) J'ai réalisé deux pilotes avec un petit budget. C'était la seule manière de leur montrer que cela pouvait être sophistiqué et pas ennuyeux. Ils en ont voulu plus. je n'aurai jamais pu vendre une série comme Be Tipul juste avec un scénario. Cela m'a pris presque deux ans pour vendre le concept.

Quel fut le plus gros challenge lors de la réalisation de ces pilotes ?
HL) Je crois qu'il fallait rester modeste. C'est très facile de faire bouger sa caméra, de multiplier les plans... Il fallait faire entièrement confiance aux acteurs et que la caméra ne soit pas trop présente. Le texte est le plus important. Il n'y avait pas d'improvisation. Chaque mot a son importance. Chaque phrase du thérapiste peut changer la donne. C'est pour cela que le casting doit être parfait. Il faut les bons acteurs...

Comment la profession a-t-elle réagit à la série ?
HL) D'une très belle manière et ce, partout dans le monde. Nous avons présenté le métier de la manière la plus approprié. J'ai été à beaucoup de conventions et les réactions des professionnels m'ont fait chaud au coeur. En plus, cela a rendu la thérapie plus populaire, donc les gens se sont déplacés chez eux...

Comment s'est déroulé le casting de l'adaptation américaine par HBO ?
HL) Nous avons immédiatemment pensé à Gabriel Byrne dans le rôle principal même si nous avions aussi une autre option dont je tairai le nom. Il a vu un épisode Be Tipul mais ne voulait pas être plus influencé. Une fois qu'il a fait partie du projet, il a été évidemment plus simple d'avoir d'autres bons acteurs. Je pense à Mia Wasikowska qui n'avait que 17 ans à l'époque. Je me suis dit qu'une star était née. Il y a eu Dianne Wiest. Nous avons été chanceux qu'elle accepte. Dans la version Israêlienne, son personnage était très froid alors que l'actrice est quelqu'un de très chaleureux. Laura a été le dernier personnage a être casté. Nous avons eu des difficultés à la trouver.

Il y avait de très belles séquences de thérapie dans Les Soprano...
HL) Je me rappelle que je voulais en voir plus ! Ce fut une de mes inspirations. Ce sont les scènes les plus intéressantes de la série pour moi. C'était un signe pour moi que le monde était prêt pour ce genre de show.

Etre interviewé par un inconnu comme moi, est-ce une forme de thérapie pour vous ?
HL) (Rires) Oui. Pour moi, la thérapie est un dialogue. Je ne grandis que par le dialoguie et je suis addictif au dialogue. J'essaye d'avoir des angles différents et en vous parlant je me connais plus moi-même. Chaque conversation telle que celle là est donc très importante pour moi.

Propos recueillis et traduits par Nicolas SCHIAVI au Festival Séries Mania 2010.

SDF : la Cour des comptes critique les lacunes de la politique d'hébergement

LEMONDE.FR avec AFP | 15.12.11

La Cour des comptes dénonce les insuffisances et incohérences de la nouvelle politique lancée en 2009 pour l'hébergement des sans-abri, dont la population a explosé en dix ans, dans un rapport publié jeudi 15 décembre. "En dix ans la population des sans-abri s'est considérablement accrue", passant de 85 000 à 150 000 personnes, note la cour, avec une population désormais composée de familles, d'étrangers, de jeunes, voire de personnes qui travaillent.

Certes, "les pouvoirs publics ont pris la mesure de ces évolutions" en engageant des réformes à partir de 2007, comme l'introduction du droit inconditionnel à l'hébergement, l'adoption du principe du "logement d'abord" privilégiant la recherche d'une solution pérenne, ou la hausse des capacités d'hébergement, souligne le rapport. Toutefois, "les résultats escomptés ne sont pas encore au rendez-vous", a commenté jeudi le président de la Cour des comptes Didier Migaud, devant un comité de l'Assemblée nationale, en formulant cinq critiques principales.
COORDINATION ET PRÉVENTION INSUFFISANTES
"L'accueil des personnes sans domicile souffre encore d'une insuffisante organisation et coordination", et "l'accès au logement, un des axes stratégiques de la politique du 'logement d'abord', souffre d'une offre insuffisante dans les zones où les besoins sont les plus massifs", a affirmé M. Migaud.
La cour estime en outre que "de nombreuses mises à la rue pourraient êtreévitées par une politique de prévention plus efficace". Par ailleurs, "la politique de l'hébergement des personnes sans domicile a été élaborée par l'Etat sans que celui-ci se soit donné les moyens d'une meilleure connaissance des personnes concernées", a déploré M. Migaud. Enfin "les acteurs demeurent trop nombreux et insuffisamment coordonnés, et les relations entre l'Etat et ses partenaires associatifs restent encore très largement perfectibles", a-t-il regretté.
"L'enjeu des prochains mois", a-t-il conclu, sera d'"optimiser l'allocation des moyens pour permettre au secteur de l'hébergement de répondre à l'obligation d'accueil inconditionnel des personnes sans domicile que lui impose la loi et à la mise en place d'un véritable service public de l'hébergement".
PAS D'AUGMENTATION DE L'HÉBERGEMENT D'URGENCE
Les crédits publics consacrés à l'hébergement sont d'environ 1,5 milliard d'euros, selon la Cour des comptes. Dans un communiqué, le secrétaire d'Etat au logement Benoist Apparu et sa ministre de tutelle Nathalie Kosciusko-Morizet disent "partager" certains constats de la cour, tout en rejetant la suggestion d'augmenter les capacités d'hébergement d'urgence dans les zones urbaines à forte demande.
"Le gouvernement s'appuiera sur les recommandations de la cour qui l'encouragent à aller plus vite et plus loin sur des chantiers déjà lancés", notamment "le développement de l'intermédiation locative" ou "la participation des usagers à la définition des mesures qui les concernent".
En revanche, M. Apparu et Mme Kosciusko-Morizet "ne partagent pas la recommandation formulée par la cour d'augmenter encore les capacités d'hébergement en zones tendues", soulignent-ils, en arguant qu'"il est possible de limiter la demande par la prévention et de mieux y répondre par l'accélération des sorties vers le logement""La réponse à l'augmentation de la demande ne peut pas résider dans une croissance continue de l'offre", concluent les deux membres du gouvernement.

L'hébergement d'urgence dans une crise de moyens

LEMONDE | 15.12.11

La recommandation est suffisamment inhabituelle pour être soulignée. Dans un rapport d'évaluation sur "la politique publique de l'hébergement des personnes sans domicile", rendu public jeudi 15 décembre, la Cour des comptes, garante de la bonne utilisation des deniers publics, préconise, à mots feutrés, de mettre plus d'argent en faveur de l'hébergement d'urgence : "Il n'apparaît pas déraisonnable de se donner les moyens de créer des places (d'hébergement) supplémentaires en zones tendues. En effet, la situation traditionnelle et inconfortable dans laquelle l'offre d'hébergement court en permanence après la demande d'hébergement n'a pas été encore interrompue, malgré des résultats importants en termes de sorties vers le logement."

Ce constat intervient à l'issue de près de 250 pages d'analyse de la "stratégie de refondation" du secteur annoncée en novembre 2009 par Benoist Apparu, secrétaire d'Etat au logement. Cette réforme a pour ambition de sortir d'une logique saisonnière de gestion de crise et de favoriser la sortie vers un logement durable. Elle s'appuie sur deux piliers : la mise en place d'un service public de l'hébergement et de l'accès au logement, et le développement d'une offre de logement accessible aux personnes modestes. Entre 2004 et 2010, le nombre de places est passé de 51 103 à 82 890 (+ 62,2 %). Mais le constat de la Cour est clair : "Les résultats escomptés ne sont pas encore atteints."
Demandé par le président de l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer, sur proposition du Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques du Parlement, le travail de la Cour pointe en filigrane les lacunes et blocages d'une politique dont l'objectif premier est le "logement d'abord". Première faiblesse : la "stratégie de refondation" a été définie et mise en oeuvre à partir de données statistiques obsolètes et d'études fragmentaires sur la population des sans-abri. Or cette population a non seulement beaucoup augmenté en dix ans - elle avoisinerait aujourd'hui les 150 000 personnes -, mais elle s'est aussi profondément transformée. Selon un rapport à paraître de la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (Fnars), basé sur les statistiques annuelles du 115, le numéro d'urgence d'aide aux sans-abri, les demandes d'hébergement émanent désormais pour moitié de familles avec enfants. A Paris et en région parisienne, celles-ci peuvent représenter jusqu'à 80 % du public du 115. Quant aux jeunes, au niveau national, leur proportion est passée entre les hivers 2009-2010 et 2010-2011 de 8 % à 11 %.
La réforme n'a pas non plus permis d'améliorer l'orientation des personnes sans abri, jugée encore "très imparfaite" par la Cour des comptes. Les services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO), qui devaient permettre dans chaque département de mieux coordonner l'offre et la demande et de suivre les personnes dans leur parcours d'insertion dans le logement, fonctionnent peu ou mal. "Sur beaucoup de territoires, les SIAO ont bien été mis en place mais les anciennes habitudes de travail ont perduré, confirme Matthieu Angotti, directeur général de la Fnars. Dans le pire des cas, ce sont même des coquilles vides."
Autre problème non résolu, celui de la saturation du 115. Toujours selon l'étude de la Fnars, plus de la moitié des demandes d'hébergement faites le jour même ne donnent pas lieu à l'attribution d'une place. Dans certains départements, les non-attributions peuvent même atteindre de 60 % à 65 %. L'absence de places disponibles est le principal motif de refus. Le recours aux nuitées d'hôtel ne cesse d'augmenter. Leur nombre a doublé depuis 2004. Or, souligne la Cour des comptes, cette solution "n'est pas conforme aux objectifs de la politique menée depuis 2007. Par ailleurs, leur coût pour le budget de l'Etat est particulièrement élevé (93 millions d'euros en 2010)." Le gouvernement a tablé un peu trop vite sur les résultats de sa réforme et sur les économies qu'elle pourrait engendrer."Les mesures prises pour accélérer les sorties vers le logement sont longues àmettre en place et ne peuvent pas alléger à court terme la pression sur le dispositif d'hébergement", avertissent les experts de la rue Cambon.
La mise en oeuvre de la "stratégie nationale" laisse aussi apparaître des lacunes en termes d'organisation et de pilotage. " Le délégué interministériel pour l'hébergement et l'accès au logement (Dihal) chargé du pilotage administratif central ne dispose pas des moyens de sa mission", souligne la Cour. A la décharge de l'Etat, la Cour note que le déploiement de la réforme est intervenu dans une période difficile. La crise, qui a mécaniquement entraîné une augmentation forte des demandeurs d'hébergement (ménages précaires et demandeurs d'asile) a saturé un dispositif pourtant en forte augmentation. Enfin, au niveau local, le projet gouvernemental a souffert de la réforme concomitante de l'administration territoriale, qui a modifié l'organisation des services départementaux, principaux rouages de la mise en oeuvre du plan gouvernemental.
Catherine Rollot

"Aux enfants, j'explique que l'on n'a pas de maison"

REPORTAGE | LEMONDE | 15.12.11

C'est une "chambre avec vue". Au loin, la silhouette massive du "Palacio d'Abraxas", un ensemble de logements sociaux d'inspiration néo-grecque de l'architecte catalan Ricardo Bofill. Au premier plan, les coursives du RER A, avec leur mobilier urbain en mosaïques multicolores défraîchies. A deux pas de la station Noisy-le Grand - Mont d'Est (Seine-Saint-Denis), se dresse l'imposante barre de Noisy Résidence, un ancien deux-étoiles sans caractère.

Depuis un mois, Mme D. (qui a réclamé l'anonymat) et ses deux enfants vivent dans une chambre, avec coin cuisine et salle d'eau. Un hébergement trouvé via le 115, le numéro d'urgence des sans-abri. Avant Noisy Résidence, la petite famille a connu d'autres hôtels à Paris ou en région parisienne, huit en tout en dix mois. Et une fois de plus, elle est arrivée ici "sans savoir combien de temps, elle allait rester".
Originaire du Cameroun, Mme D. est en France depuis fin 2010. Comme tant d'autres, elle croyait à la vie meilleure que lui avait fait miroiter un Congolais, rencontré en Espagne où elle vivait alors. La maison, le travail promis... n'étaient que des miroirs aux alouettes. La vie parisienne se résume à une minuscule chambre où elle doit s'entasser avec son fils de 2 ans né d'une première union, son compagnon et trois autres personnes. Très vite, le couple bat de l'aile. Les disputes et les menaces pleuvent. "Un jour, j'ai pris mon fils et je me suis enfuie", raconte Mme D. Sans papiers et sans aucune ressource, la mère de famille se réfugie dans un jardin public. "Un couple de Français m'a mis en contact avec une de leurs amies qui m'a logée pendant quelque temps."
Enceinte d'un deuxième enfant, elle se retrouve ensuite dans un premier hôtel, à Alfortville (Val-de-Marne). "C'était un peu négligé, explique la jeune femme. J'y allais juste pour dormir." Le séjour est renouvelé au gré des places disponibles. Trois jours ici, deux jours ailleurs. "Les bagages étaient vite faits. Je n'avais rien."Après son accouchement, il faut trouver un autre hôtel, toujours par le 115. Cette fois-ci, elle est logée "tout au bout du RER A""Il y avait plein de familles qui vivaient là. Les gens étaient solidaires mais je déprimais", raconte-t-elle.
MAIGRE PAQUETAGE
Après un mois sur Paris, elle se retrouve cette fois à La Plaine Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Une semaine. Son bébé est hospitalisé pour une allergie. A son retour, il lui faut trouver une autre chambre. Ce sera dans le quartier de Belleville à Paris, puis Noisy-le-Grand.
A cette vie de nomade, elle dit s'être presque habituée : "Je me prépare à l'idée que c'est encore du provisoire, dit-elle. Aux enfants, j'explique que l'on n'a pas de maison."
Aujourd'hui, sa fille a 8 mois, son fils âgé de tout juste 3 ans n'est pas encore scolarisé. Entre les quatre murs de la chambre, le petit bonhomme tourne en rond. "Il veut aller à l'école, ça lui manque de ne pas être avec d'autres enfants", poursuit la jeune femme.
Ne disposant d'aucun moyen financier, Mme D. ne peut compter que sur les Restos du coeur pour subvenir à ses besoins. "Ici, rien ne m'appartient", raconte-elle, en jetant un regard dans toute la chambre. Seuls quelques jouets et des vêtements, eux aussi donnés par des associations caritatives, constituent son maigre paquetage. "Les journées sont si longues", soupire Mme D.
Ici, comme elle, derrière les portes vertes des chambres, d'autres personnes s'installent, patientent, espèrent une réponse positive, un papier officiel, un titrede séjour régulier... attendent.
Noisy Résidence n'est pas un mauvais garni. L'ensemble est bien entretenu. Le Samu social a réservé les 159 chambres de l'hôtel pour héberger des familles qui ne trouvent pas d'autres solutions, faute de place ou de structure adaptée. L'Etat, qui finance à plus de 90 % le Samu social, règle la facture. Entre 15 et 18 euros par personne et par nuit.
Dans le hall d'entrée de Noisy Résidence, la décoration de Noël a été installée. Un sapin trône au milieu des canapés en skaï rouge. Sur les murs, trois horloges indiquent l'heure de Paris, New York et Moscou. Une petite touche internationale comme pour rappeler que l'hôtel, d'habitude, c'est synonyme de vacances, ou de voyage.
Catherine Rollot




Meurtre de Valentin : trente ans de réclusion requis contre Moitoiret

Trente ans de réclusion criminelle ont été requis mercredi à l'encontre de Stéphane Moitoiret, jugé devant les assises de l'Ain pour l'assassinat du petit Valentin en 2008 à Lagnieu, après que le débat s'est focalisé pendant tout le procès sur sa responsabilité pénale.
Ce marginal "encourt la réclusion à perpétuité mais, compte tenu de l'altération de sa responsabilité pénale, je fais un effort et c'est un déchirement", a dit l'avocat général, Jean-Paul Gandolière, à l'adresse des parents de Valentin, à l'issue d'un réquisitoire de deux heures trente.
Il a par ailleurs requis de "seize à dix-huit ans" pour Noëlla Hégo, la compagne de Moitoiret. Pour l'avocat général, "Noëlla Hégo a été la rampe de lancement et Moitoiret le missile téléguidé qu'elle envoie dans la nature", car le soir du meurtre "elle sait qu'il part avec un couteau pour tuer".

«Un kaléidoscope de maladies mentales»

"Ce procès, ce n'est pas une thérapie, c'est un calvaire" pour les parents, a lancé le magistrat, évoquant les débats des experts qui se sont déchirés sur la responsabilité pénale de Moitoiret. "L'irresponsabilité pénale n'est pas établie... On a assisté à un kaléidoscope de maladies mentales", a raillé le magistrat, dénonçant également "l'outrance" et le "mépris du débat" de certains experts. "On voulait enfumer la cour d'assises", a-t-il dit.
"Je sens poindre l'intolérance qui conduit aux plus graves erreurs surtout quand l'accusé nie les faits", a-t-il dit, soulignant que "les psychotiques reconnaissent les faits", tandis que l'accusé nie.
L'avocat général a ensuite déroulé comment, le soir du 29 juillet 2008, Moitoiret avait quitté la salle paroissiale où le couple était hébergé, "armé d'un couteau pour 'créer un incident', 'faire un retour en arrière' et tuer quelqu'un", comme l'avait incité à faire Noëlla Hégo.

"Vous avez immolé un enfant de 44 coups de couteau", a-t-il lancé à l'accusé, soulignant que "c'est le premier coup qui compte, volontaire, déterminé, conscient, après c'est un déchaînement".
"Cet enfant, il s'est vu mourir pendant dix minutes (...) et tout de suite (Moitoiret) ne pense qu'à son impunité", a poursuivi le magistrat, évoquant comment le "comportement logique et lucide" de l'accusé, qui, en rentrant, se lave et avoue à sa compagne avoir "tué un petit garçon".

Un hôpital-prison pour Moitoiret ?

"Son empressement le lendemain à partir, c'est le comportement de quelqu'un de conscient", qui en outre "se débarrasse" de ses vêtements souillés et du couteau, a-t-il dit ajoutant : "Ce n'est pas l'acte d'un dément".
M. Gandolière a mis en garde la cour contre les "conséquences" de son éventuelle reconnaissance d'une abolition de la responsabilité de Moitoiret et de son placement d'office en hôpital psychiatrique, une option "qui ne présente aucune garantie" car il "ne sera plus un meurtrier mais un malade"et il pourra sortir en fonction de son traitement.

"L'autre option (l'altération du discernement) permettra à Moitoiret d'intégrer" un hôpital-prison, "avec une garantie", et "dans un tel crime la société se doit d'avoir des garanties", a-t-il dit.
Estimant que la "piste de la complicité" pour Noëlla Hégo était de la"foutaise", l'avocat de cette dernière, Me Jean Renevier, a plaidé l'acquittement. Dans la matinée, les avocats de la famille de Valentin ont mis en garde la cour contre le risque de déclarer Moitoiret irresponsable pénalement car, selon eux, ce "n'est pas le crime d'un fou".

"Ni l'un, ni l'autre ne l'est" et Moitoiret a gardé "un degré de discernement",a lancé Me Jacques Frémion. "La réclusion criminelle, on sait le jour où on entre et on peut savoir quand on est susceptible de sortir," mais "en psychiatrie, (en cas d'irresponsabilité pénale et d'hospitalisation d'office) on ne sait jamais le jour où on sort", a-t-il mis en garde, ajoutant : "Ce sera trop facile après de sortir le discours sur la récidive."