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mercredi 2 novembre 2011


Champignons hallucinogènes : les nouveaux explorateurs du sentiment mystique

Reportage | LEMONDE | 28.10.11
Un manifestant proteste contre un projet d'interdiction de la vente de champignons hallucinogènes à Amsterdam, le 27 octobre 2007.
Un manifestant proteste contre un projet d'interdiction de la vente de champignons hallucinogènes à Amsterdam, le 27 octobre 2007.REUTERS/© STR New / Reuters

BALTIMORE, ENVOYÉE SPÉCIALE - Le professeur Griffiths reçoit dans le salon qui sert aux expériences. C'est une petite pièce capitonnée, au coeur de l'unité des sciences comportementales de la faculté de médecine Johns Hopkins, à Baltimore. Un divan et un tableau psychédélique invitent à l'introspection. Sur une table, l'urne mazatèque dans laquelle les gélules de psilocybine (substance hallucinogène) sont présentées au sujet. L'expérience est "de l'ordre du sacré",prévient Roland Griffiths. Elle s'inscrit dans un rituel millénaire que l'on retrouve dans plusieurs civilisations d'Amérique latine.

Le professeur a lui-même une allure d'ascète. Long, osseux, parfois étrangement joyeux, il a fait sa carrière à Johns Hopkins, où il étudie depuis quarante ans la pharmacologie des drogues et la manière dont elles modifient le comportement."Il y a quinze ans, j'ai commencé la méditation, explique-t-il. Cela m'a ouvert une fenêtre de spiritualité. C'est une façon très intéressante d'explorer la nature de l'esprit." Cette pratique l'a conduit à se replonger dans la littérature des années 1950 et 1960 sur les hallucinogènes classiques (mescaline, psilocybine, LSD). Puis à essayer de découvrir par quels mécanismes l'état de conscience est altéré dans le cerveau.
En 2006, Roland Griffiths a été le premier à relancer les expériences à la psilocybine, l'ingrédient actif présent dans les champignons hallucinogènes et isolé en 1958 par le chimiste suisse Albert Hofmann. Les études avaient été interdites de facto depuis les années 1960 et les expériences de Timothy Leary, neuropsychologue et gourou de la contre-culture qui a été expulsé de Harvard en 1963. "Tout le monde était nerveux. C'était la première fois en trente ans qu'on donnait de la psilocybine. L'idée s'était développée que c'était trop dangereux pour les humains", se souvient-il. Il a fallu convaincre les agences nationales chargées des médicaments et de la lutte antidrogue (FDA, DEA) du sérieux de l'expérience. Et surtout combattre les réticences du comité d'éthique de l'université.
Après avoir créé un protocole de sécurité rigoureux (publié en 2008 dans leJournal of Psychopharmacology et adopté depuis par d'autres laboratoires), l'équipe a passé une annonce dans la presse locale : "Recherchons des personnes intéressées par le développement spirituel pour une étude sur l'état de conscience." Pour la première expérience, le professeur recherchait plutôt des non-malades, des gens attirés par le mysticisme ou la spiritualité, des religieux, des adeptes de la méditation. Les sujets de ce type lui paraissaient mieux armés pour interpréter l'expérience mystique dans laquelle ils allaient embarquer.
L'étude s'est ensuite orientée vers les patients atteints de cancer ou de dépression. L'expérience actuelle, un projet pilote, porte sur quatre fumeurs qui n'arrivent pas à briser leur dépendance au tabac. Là aussi, le professeur Griffiths essaie de développer scientifiquement les observations inachevées des années 1960 sur la manière dont l'expansion de la conscience, sous l'effet de l'agent actif des "champignons magiques", aide à traiter les addictions à l'alcool ou à l'héroïne.
En cinq ans, de 2006 à 2011, 120 volontaires ont participé à l'expérience au cours de 250 séances. Le professeur, qui s'intéresse à ce qui est devenu la "neurothéologie", a eu très vite la confirmation qu'il cherchait : l'agent actif des champignons magiques peut induire des expériences mystiques identiques à celles que les religieux ou les adeptes de la méditation ont décrites : "Une sensation d'unité, de connexion avec toutes choses, d'amour infini", décrit-il. C'était "la première démonstration scientifique en quarante ans que des états de mysticisme profond peuvent être produits en toute sécurité en laboratoire".
Les "cobayes" ont admis la présence d'effets positifs de longue durée. A 80 %, ils ont rapporté que l'expérience avait été l'une des "cinq plus importantes de leur vie". Quatorze mois plus tard, quand l'équipe a publié ses conclusions dans leJournal of Psychopharmacology, 60 % des participants continuaient à faire état d'une amélioration significative de leur existence et de leurs relations avec autrui, élément corroboré par des entretiens avec leurs proches. "Cela fait quarante ans que je suis ici. Je travaille le week-end. Aucune de mes grandes expériences ne s'est déroulée ici. Le fait que les gens parlent de celle-ci en termes positifs nous a fait penser que c'était une piste à poursuivre", raconte le médecin, assis sur le divan surplombé d'une sculpture de champignon magique.
L'expérience dure plus de cinq heures. Le sujet est invité à apporter des éléments de son univers familier, photos de proches, objets préférés, dont il vadiscuter en attendant que la drogue fasse effet. L'équipe partage quelques moments solennels avec lui avant qu'il n'absorbe la dose avec un verre d'eau (30 milligrammes de psilocybine de synthèse produite par le laboratoire du professeur David Nichols, à l'université Purdue, située dans l'Indiana). Seuls deux "guides" restent dans la pièce, assis par terre sur le tapis oriental. Ils sont là pour accompagner le voyage, rassurer le sujet si nécessaire et l'encourager àaller aussi loin que possible. Il ne s'agit pas d'une partie de plaisir. Le cobaye a un cache sur les yeux. Il n'est pas censé bouger. Il doit intérioriser. "Nous encourageons les gens à se tourner vers l'intérieur, à entrer en eux-mêmes et à se concentrer sur leur propre expérience", explique le professeur.
Tout est fait, jusqu'à l'aspect non médicalisé du salon, pour limiter les réactions négatives (dans une expérience où le décor était celui d'un laboratoire, les sujets ont eu la désagréable impression que des extraterrestres leur faisaient passerdes examens médicaux). Les guides sont de sexes opposés, pour éviter ce qui pourrait biaiser la réaction. Dans leur casque, les volontaires ont droit à des morceaux de musique surtout classiques (et ils peuvent garder le CD pourméditer chez eux).
Richard Boothby a participé aux séances de 2007, quand l'équipe de Johns Hopkins essayait de mesurer les perceptions en fonction des doses. Doyen du département de philosophie à l'université Loyola de Baltimore, il s'était toujours intéressé aux drogues psychédéliques, ayant étudié Les Portes de la perception,d'Aldous Huxley, écrit en 1954 sous l'effet de la mescaline. Malgré tout, il ne repense pas à ses cinq séances de psilocybine (quatre, en fait, et un placebo) sans une sorte de crainte mystique. "J'ai beaucoup aimé", avoue-il. Avant d'ajouter : "C'était quand même terrifiant par moments." La première dose était la plus forte, pense-t-il. "C'était comme les étapes du doute de Descartes. J'ai eu l'impression que j'avais perdu la tête. Pendant un moment, j'ai cru que j'étais mort." Il se souvient d'une musique somptueuse qui l'a rendu "accro" à ce nocturne dans lequel il était maintenu. Et, depuis, il collectionne les masques qui obscurcissent la vue. "J'ai eu des pensées sur la nature de Dieu. Une sorte de révélation, dit-il. Je suis désormais plus enclin qu'avant à dire que je crois en Dieu."
Selon le professeur, entre 30 % et 40 % des sujets ont des crises d'anxiété."Cela peut être visuel, comme des monstres, ou se traduire par l'impression qu'ils vont mourir. Ou se situer à des niveaux prosaïques, comme le fait de ne passupporter la musique." Les accompagnateurs les encouragent à "approcher le monstre". Il s'agit de leur faire comprendre qu'il n'existe que parce qu'ils lui donnent ce pouvoir. "La psilocybine permet aux gens d'affronter les monstres, mais aussi ces pensées dans leur vie qui ont pris le pas sur eux, comme "je ne peux pas arrêter de fumer"".
L'équipe de Johns Hopkins n'est pas la seule à utiliser la psilocybine aux Etats-Unis. "Il y a eu un changement profond dans l'approche des expériences sur les hallucinogènes ", se félicite Roland Griffiths. D'autres expériences ont été approuvées, à Harvard, à l'université d'Arizona et à l'université de Californie de Los Angeles (UCLA). Mais les maigres financements publics témoignent des réticences qui continuent. Il y a quelques mois, le professeur Griffiths a perdu la bourse accordée par les National Institutes of Health (NIH), institutions s'occupant de la recherche médicale. Les recherches sont désormais financées par des associations privées.
De telles expériences ne risquent-elles pas d'encourager la consommation de stupéfiants ? Les scientifiques de Johns Hopkins citent le Dr Herbert Kleber, professeur de psychiatrie à l'université Columbia à New York, l'une des sommités de la lutte contre la dépendance. "Avec Internet, les jeunes sont inondés de comptes rendus glorieux sur les effets de ces drogues, souligne-t-il. Cela ne risque pas de changer grand-chose." Mais il serait "irréfléchi scientifiquement" de ne pas poursuivre les recherches sur des substances qui peuvent aider les malades en phase terminale.
Le professeur Griffiths insiste, lui, sur la dimension ontologique. "Nos recherches montrent que, dans des conditions adéquates, tout le monde peut avoir ce genre d'expérience mystique. Cela veut dire que nous sommes formatés pour la générosité ou la compassion envers les autres, qui sont fondamentales dans les religions. Cette vérité première semble être inscrite dans nos gènes. C'est réjouissant. En tant qu'espèce, il faut que nous réussissions à comprendre la nature de ces sensibilités si nous voulons survivre. Si nous ne dépassons pas nos instincts agressifs et d'autodéfense, nous allons nous détruire, et la planète avec."
Corine Lesnes

Lauri Reamer : "J'ai moins peur de mourir"

Témoignage | LEMONDE | 28.10.11

Lauri Reamer, une Américaine de 48 ans aujourd'hui, a appris il y a cinq ans qu'elle était atteinte d'une grave leucémie. En septembre 2010, elle décide departiciper à l'expérience avec la psilocybine proposée par le professeur Roland Griffiths, à l'université Johns Hopkins de Baltimore. Elle témoigne des changements profonds et positifs qui ont découlé des deux séances qu'elle a suivies.

"J'ai su que j'avais une leucémie en mars 2006. Le même jour, j'ai été hospitalisée et j'ai commencé la chimiothérapie. J'étais âgée de 43 ans. J'avais des jumelles de 10 ans et une petite fille de 1 an. J'étais médecin anesthésiste aux urgences, je contrôlais la salle d'opération. Et tout à coup, je me suis retrouvée de l'autre côté. Patiente, dans l'hôpital où je travaillais, deux étages en dessous. J'ai eu une transfusion de la moelle épinière. J'ai été hospitalisée vingt fois. C'est une leucémie aiguë lymphoblastique. Je n'ai pas beaucoup de forces. Mes chances de m'en sortir ne sont pas très élevées.
Quand vous tombez malade et que vous faites face à la mort, vous subissez un traumatisme comme à la guerre. Vous devenez un soldat, qui ne pleure pas, qui ne rit pas. Vous ne sentez plus la peine des autres, vous êtes trop occupé àrester en vie. Vous avez l'impression que, si vous baissez la garde, vous allezmourir.
Quand j'ai vu l'annonce pour l'expérience avec la psilocybine, ça m'a paru miraculeux. J'ai participé à l'expérience en septembre 2010, lors de deux séances. Avec une dose forte et une moins forte. Je ne sais pas laquelle j'ai eu en premier, mais les deux fois ça a été assez intense. Pendant toute l'expérience, j'ai eu ce sentiment d'amour et de compassion pour tous, l'impression de ne faire qu'un avec tout le monde. J'ai eu de nouveau de l'empathie pour mes filles, pour tout ce qu'elles traversaient. Et pour moi-même. J'ai commencé à faire le deuil de ce que j'avais perdu ; le deuil de ma carrière, de mon corps. Il y a eu un moment où j'ai pleuré intensément. Je ne pouvais plusrespirer tellement je pleurais. Cela faisait tellement de bien. J'avais retenu mes larmes depuis si longtemps !
Je n'ai pas eu d'hallucinations mais les couleurs étaient plus vives. Ce n'était pas des rêves, mais des messages. Je savais que mon père avait eu des problèmes avec moi. Il m'a eue quand il était très jeune. J'ai eu l'impression d'être dans son esprit, de voir à travers ses yeux. J'ai compris ce que c'était pour lui d'avoir une fille qui se meurt. J'ai vu du point de vue de mes filles ce qu'elles pouvaientressentir quand elles venaient me voir à l'hôpital et qu'on leur disait qu'il fallaitporter un masque et des gants.
Quand je suis revenue, je leur ai parlé. Cela nous a rapprochées. J'ai eu une vision de mon mari. Un petit garçon perdu dans les bois, et je devais le laisser là. Mais je me disais : "Je ne peux pas l'abandonner." Après la seconde expérience, j'ai réussi à le quitter. C'est comme trois ans de psychanalyse en une journée.
La seconde fois, je me suis davantage laissée aller. Le monstre est venu avec le morceau d'opéra. C'était un monstre énorme qui me disait : "Ecoute, écoute."Mon esprit me disait : "Va-t'en, pars, échappe-toi. Va aux toilettes." Il faut arriverà résister, à dire : Non je reste là et je vais écouter tous les messages.
Je suis plus heureuse que je ne l'ai été depuis longtemps. Je ne veux pas mourir, mais j'ai beaucoup moins peur. L'expérience n'a pas guéri que ce traumatisme, mais tous les traumatismes précédents. Les gens demandent si ça va durer. Mais l'expérience vous change pour toujours. On ne revient pas en arrière."
Propos recueillis par C. Ls


LUNDI 31 OCTOBRE 2011
2. Impact de la mondialisation sur la santé mentale
(CC)Jonathan Ernst/Banque mondiale
Par Claire Hédon
A l’occasion du Congrès international des 5 continents qui s’est tenu du 19 au 22 octobre 2011 à Lyon, nous faisons le point sur la thématique qui a guidé cette rencontre : « Les effets psychosociaux de la mondialisation sur la santé mentale » : comment les acteurs et notamment les plus faibles composent-ils avec la mondialisation ? Quel est l’impact sur leur santé mentale ?

Pour nous en parler :
  • Pr Jean Furtos, chef du service de psychiatrie à l'Hôpital du Vinatier à Lyon. Directeur Scientifique de l’ONSMP, l’Observatoire National des pratiques en Santé Mentale et Précarité organisateur du congrès avec l’Université Claude Bernard Lyon 1, et en collaboration avec des Institutions des cinq continents et des agences internationales.
  • Guillaume Pégon, référent technique Santé Mentale chez Handicap International.
  • Pr Driss Moussaoui, directeur du Centre psychiatrique universitaire Ibn Rochd, Président de l’Association Mondiale de Psychiatrie Sociale (W.A.S.P.), Maroc.
En fin d’émission, à l’occasion de la clôture ce dimanche, à Lille, de la 42ème Conférence mondiale de l’Union sur la santé respiratoire qui est la plus grande conférence annuelle traitant de la tuberculose, du VIH, de la lutte antitabac et des maladies respiratoires nous faisons le point  sur la lutte contre la Tuberculose, maladie dont les cas sont en recrudescence en France, notamment chez les enfants. Pour en parler : Dr Arnaud Trebuch, responsable de la division assistance technique à l’Union internationale contre la tuberculose et les maladies respiratoires, organisatrice de la conférence.

Hospitalisation des détenus : les UHSI doivent gagner en attractivité



Un rapport des inspections générales des affaires sociales (IGAS) et des services judiciaires (IGSJ) émet plusieurs recommandations pour améliorer l’efficience des nouvelles unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI) qui prennent en charge les soins aigus dispensés aux personnes détenues.
Si l’activité des UHSI est en progression constante depuis leur ouverture (+141 % entre 2007 et 2010), « ces unités restent un dispositif dans lequel les détenus ont des réticences à être hospitalisés », constate la mission IGAS-IGSJ qui pointe dans un rapport des conditions de détention « jugées par les personnes incarcérées plus mauvaises qu’en établissement pour peine d’où viennent majoritairement les détenus hospitalisés ». Transferts annoncés au dernier moment, absence de contact avec les autres détenus, d’activité, de cour de promenade, impossibilité de fumer, diminution des parloirs liée à l’éloignement géographique de la structure sont autant de freins à l’attractivité de ces unités, indique le rapport. Ainsi, malgré l’augmentation du nombre de séjours, le taux d’occupation global en UHSI ne dépasse pas les 56 %. À ce jour, la majorité des hospitalisations de personnes détenues (55 %) est réalisée au sein des chambres sécurisées des établissements de rattachement aux centres de détention, devant les UHSI (32 %). Afin d’améliorer l’attractivité des UHSI, la mission préconise d’en assouplir l’organisation interne tout en renforçant les liens avec les Unités de consultations et de soins ambulatoires (UCSA) installées au sein des établissements pénitentiaires.

Soins de suite à développer.

La mission recommande également de « diversifier les activités des UHSI en développant une activité reconnue de soins de suite et de réadaptation essentiellement polyvalente ». À ce jour, le schéma national d’hospitalisation des personnes détenues organise la prise en charge des soins de suite et de réadaptation (SSR) uniquement sur deux pôles, en Île-de-France et à Marseille. De fait, « l’attractivité de ces deux pôles en dehors de leur inter région est inexistante en SSR et très faible en rééducation fonctionnelle », note le rapport.
D’ici à la fin de l’année 2012 les 8 UHSI fixées par l’arrêté ministériel du 24 août 2000 (Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Nancy, Rennes, Toulouse et Fresnes) doivent être toutes opérationnelles. L’ensemble de ces unités permettra de disposer de 170 lits de soins aigus et de 52 lits de soins de suite et de réadaptation. D’après le rapport IGAS-IGSJ, le taux de réalisation des hospitalisations sollicitées s’élevait en 2009 à 95,4 %, soit 8 727 hospitalisations réalisées pour 9 149 demandées.« Cette situation que l’on peut qualifier de correcte est toutefois fragile car elle dépend de l’organisation des escortes qui incombe depuis 2006 à l’administration pénitentiaire pour les transferts et extractions médicales et aux forces de l’ordre pour les gardes statiques dans les chambres sécurisées et les plateaux techniques relevant des UHSI », souligne la mission.
› DAVID BILHAUT





SDF : La situation est alarmante

Une enquête révèle qu’un tiers des sans-domicile présente des troubles psychiatriques sévères. Un constat préoccupant qui va à l’encontre des idées reçues.
Les troubles psychotiques, de type schizophrénie, concernent 13 % des SDF
Les troubles psychotiques, de type schizophrénie, concernent 13 % des SDF SIPA
On les croise sans les voir. Pire, on détourne les yeux. Ivres, puants, laids, en un mot, dérangeants. Les sans-abri nous renvoient à nos pires angoisses d’isolement, d’abandon, de précarité. Et surtout de perte de la raison. En effet, dans le métro ou le long d’un trottoir, nous butons contre ce type qui invective un interlocuteur invisible, ou cet autre déclamant de grandes tirades sur la société, le complot des puissants ou toute autre obsession connue de lui seul, sans susciter le moindre écho des passants. Ils nous font rire… jaune. Ils nous effraient un peu, aussi.
Est-ce la rue qui conduit à la folie, ou la folie qui conduit à la rue ? La question se trouve au cœur de l’étude Samenta (santé mentale et addictions chez les personnes sans logement d’Ile-de-France), menée par l’Observatoire du Samu social et l’Inserm. Une première parmi les recherches effectuées régulièrement auprès des sans-abri.
Les épidémiologistes ont travaillé en remettant volontairement en cause l’assimilation habituelle entre folie et exclusion. Or, malgré cette démarche, ils ont observé une surreprésentation des troubles psychiatriques sévères par rapport à la population générale. « Un tiers environ des SDF présentent des pathologies mentales. Mais le plus impressionnant, ce sont les troubles psychotiques, de type schizophrénie, qui concernent 13 % d’entre eux, c’est-à-dire dix fois plus que dans la population générale ! », constate Anne Laporte, épidémiologiste au pôle prévention et promotion de la santé de l’ARS (agence régionale de santé) d’Ile-de-France. Les psychiatres de l’enquête ont également diagnostiqué 21 % de troubles de la personnalité, contre 4,4 % de moyenne nationale.

Les troubles graves entraînent l’exclusion

« La plupart des sans-abris qui ont des problèmes psychiatriques présentaient déjà ces symptômes avant de se retrouver à la rue, affirme Anne Laporte. On peut même considérer que c’est ce qui les a mis en situation d’exclusion sociale. » De fait, les personnes présentant des pathologies mentales graves, s’ils ne sont pas soutenus par leur famille, ont des difficultés à conserver un emploi, un logement, une vie sociale. Or, si on constate généralement dans la population SDF un grand nombre d’enfances difficiles, constellées de ruptures, de maltraitance ou de placements en foyer, ce que l’enquête Samenta révèle, c’est que ces caractéristiques s’appliquent essentiellement à ceux en souffrance psychiatrique, « ce qui confirme un risque important de désocialisation chez les personnes atteintes de troubles psychiatriques actuellement insérées », s’inquiète l’épidémiologiste. Lors du colloque international « Santé mentale des sans-domicile : un état des lieux préoccupant », qui s’est déroulé mardi et mercredi à Paris, des solutions ont été envisagées. « Les deux tiers des malades ont eu recours aux soins à une période de leur vie, mais 18 % seulement sont encore suivis, note Anne Laporte. Il est urgent de repérer la souffrance psychiatrique. L’ARS donne la priorité à la prévention de l’exclusion sociale en aidant ceux qui ont encore un travail et un logement à le conserver. » L’ARS projette également de financer la formation des travailleurs sociaux des associations qui prennent en charge les SDF afin de repérer les personnes atteintes et de les confier aux équipes mobiles de Psychiatrie et précarité.

Sans parler du risque suicidaire trois plus élevé

Par ailleurs, les sans-abri qui ne sont pas concernés par ces pathologies, montrent des profils qui se rapprochent beaucoup plus des populations résidant dans les quartiers ouvriers ou dans les zones urbaines sensibles. « Si l’on compare les caractéristiques des SDF et des précaires, on retrouve la même proportion d’événements de vie difficiles, explique Anne Laporte, ce qui confirme qu’il existe une continuité entre du logement à la rue chez les plus fragiles. »
Hélas, une bonne santé mentale ne signifie pas « zéro trouble ». Dépression (12 pour cent), alcoolisme (21 pour cent), drogue (16 pour cent) sont tous observés dans des proportions plus importantes que dans la population générale. Sans parler du risque suicidaire trois plus élevé.
Des chiffres rébarbatifs, impersonnels, qui masquent la détresse majeure de dizaines de milliers d’êtres humains réduits à un acronyme : SDF. « Ceux-là, déplore Anne Laporte, ont développé leur pathologie dans la rue, à force de solitude. »

Un homme se suicide devant sa webcam

Il était alors en consultation avec un psychologue, sur un site internet spécialisé.

Un jeune homme de 22 ans s’est suicidé alors qu’il était en consultation, via internet, avec un psychologue sur un site médical spécialisé.
Le corps du jeune homme, qui était en vacances à Marseille, a été retrouvé samedi dans un appartement du XIIe arrondissement par des policiers de la direction départementale de la Sécurité publique (DDSP), rapporte le quotidien régional La Provence.
Les résultats de l’autopsie, pratiquée lundi, ont confirmé la mort par suicide, d’un tir de carabine de chasse, de la victime, originaire de Castres.
Les faits se sont déroulés dans la nuit, à 2 heures du matin. Le jeune homme, qui avait déjà fait quatre tentatives de suicide et était militaire de carrière, s’est tiré une balle dans la bouche face à sa webcam alors qu’il se trouvait en pleine conversation avec un psychologue sur internet, selon cette source.
L’enquête doit à présent déterminer si le jeune homme, au cours de sa consultation, a seulement manifesté son intention de se suicider ou s’il a vraiment effectué son geste en direct, le psychologue concerné n’ayant pas encore pu être auditionné.
C’est grâce à l’alerte donnée par le psychologue que l’hébergeur du site médical, basé au Canada, a réussi à localiser le jeune homme grâce à son adresse IP.
C’est ensuite, via Interpol, puis la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ), que les policiers ont été avisés à Castres – où les parents du jeune homme ont précisé que leur fils se trouvait en vacances – puis à Marseille, le tout «en très peu de temps», soit quelques heures, selon la source proche de l’enquête.
Mais, une fois parvenus au domicile marseillais du jeune homme, samedi aux alentours de midi, les fonctionnaires n’ont pu que constater son décès.
(Source AFP)

Le meurtrier présumé de la joggeuse de Milly-la-Forêt devant les assises
Le meurtrier présumé de Marie-Christine Hodeau comparaît mercredi 2 novembre devant la cour d’assises d’Évry (Essonne) pour viol et assassinat.
Ce drame a débouché, en 2010, sur l’adoption d’une loi contestée sur le suivi des criminels sexuels dont l’application se heurte à l’hostilité d’une partie du corps médical
Au départ, il s’agit d’une sordide affaire. Marie-Christine Hodeau, une assistante maternelle de 42 ans, est kidnappée le 28 septembre 2009 durant son jogging. Jetée dans un coffre de voiture, emmenée au milieu des bois, elle est violée, ligotée à un arbre, puis étranglée. Son meurtrier présumé, Manuel Ribeiro Alves Da Cruz (49 ans), a avoué les faits après avoir été confondu par son ADN.
Son profil n’a pas manqué d’interpeller. Et pour cause : violeur récidiviste, il avait déjà été condamné en 2002 à 11 ans de prison pour viol et séquestration d’une adolescente. Il était sorti de prison en 2007, après avoir bénéficié d’une libération conditionnelle. Il n’en fallait pas plus pour relancer le débat sur la récidive des délinquants sexuels.
Sommée par l’Élysée de renforcer le suivi de ces criminels, la Chancellerie a présenté quelques semaines après le drame une loi encadrant plus strictement les injonctions de soins prononcées à leur encontre. Adopté le 11 mars 2010, ce texte prévoit que les condamnés refusant ou interrompant le traitement prescrit par leur médecin dans le cadre d’une injonction de soins (notamment la castration chimique) puissent être sanctionnés par un retour en prison.

UNE PARTIE DES MÉDECINS SE REFUSE À RECOURIR À LA CASTRATION CHIMIQUE

Lors des débats parlementaires, cette disposition du texte avait fait l’objet d’une vive controverse. Certains députés y voyaient la fin du secret médical. Finalement, le texte prévoit qu’il revient aux médecins traitants, et à eux seuls, de décider du soin. Par ailleurs, des « médecins coordonnateurs » sont appelés à faire le lien entre les praticiens, d’un côté, et le juge d’application des peines, de l’autre. Et ce afin de préserver au maximum le secret médical.
La communauté médicale semble toutefois rétive à appliquer la nouvelle loi. Toute une partie se refuse à recourir à la castration chimique. « Surtout, les praticiens éprouvent un vrai malaise à dénoncer leur patient, et ce même via un médecin coordonnateur, explique Gérard Rossinelli, vice-président du syndicat des Psychiatres des Hôpitaux chargé de la psychiatrie légale. Comment voulez-vous créer un minimum de confiance avec les patients quand ils vous soupçonnent de rendre des comptes sur leur évolution ? »
Difficile, pour l’heure, de dire si les réincarcérations pour « interruption de soins » ont été nombreuses depuis la loi de 2010. Et pour cause, elles ne figurent pas au casier judiciaire. « Jusqu’à présent en tout cas, je n’ai jamais entendu parler de réincarcération pour ce motif-là », note Ludovic Fossey, le secrétaire général de l’Association nationale des juges d’application des peines (ANJAP).
MARIE BOËTON

Schizophrénie : l’approche de la biologie moléculaire
Publié le 28/10/2011

Selon l’éditorialiste de The American Journal of Psychiatry, les recherches actuelles sur l’origine de la schizophrénie confirment « la convergence au niveau neuronal des approches en génétique et en biologie moléculaire » et soulignent « la grande complexité de cette maladie et l’échec d’une vision étiologique, calquée simplement sur son expression clinique. » Des travaux récents mettent ainsi en évidence un dysfonctionnement de la balance physiologique entre deux neuromédiateurs (l’acide γ-aminobutyrique –ou GABA [1]– et le glutamate[2]) qui présente à son tour « des effets variés sur l’activité du cortex préfrontal dorsolatéral et sur la modulation de neurocircuits impliqués dans la schizophrénie. » Même si maints phénomènes complexes concernant les fonctions corticales demeurent encore inconnus, et même si nous devons considérer cette région cérébrale comme une « boîte noire »[3], rappelle l’auteur, il est de toute façon établi que « les neurones glutaminergiques pyramidaux y détiennent un rôle-clef. » Et dans le cadre d’un programme d’investigations sur la schizophrénie (Consortium on the Genetics of Schizophrenia)[4], les chercheurs ont remarqué des « associations entre 96 gènes et 12 traits neurocognitifs » observés dans cette psychose, traits dont plusieurs sont « fortement influencés par les fonctions frontales. »

En tenant compte de « 16 620 essais liés à l’analyse de 1 385 polymorphismes nucléotidiques simples [5] (single-nucleotide polymorphisms, SNP) parmi ces 12 endophénotypes, une trentaine de SNP sont considérés comme significatifs (p < 0,001). » Et parmi la centaine de gènes « candidats » à un substratum génétique de la schizophrénie, 23 semblent effectivement impliqués, « beaucoup plus que sous le seul effet du hasard. » La plupart de ces gènes seraient engagés dans le fonctionnement des neurotransmetteurs GABA et glutamate. Cette approche des processus neurocognitifs par la biologie moléculaire est probablement « critique pour des maladies comme la schizophrénie », marquées par une « importante hétérogénéité génétique » et où « les allèles à risque peuvent résider sur différents gènes. » En attirant l’attention sur la neuromédiation glutaminergique, ce type de recherches lève le voile sur une part du « mystère de la schizophrénie » et suggère l’éventualité de nouvelles pistes thérapeutiques (qui cibleraient ces « voies frontales GABA/glutaminergiques »). En outre, ce changement de paradigme (où les données de la biologie moléculaire concurrencent l’approche clinique de la psychose) offre peut-être « une meilleure description de la schizophrénie » et semble représenter certains aspects de cette maladie « demeurant les plus réfractaires aux traitements » actuels.