blogspot counter

Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

dimanche 23 octobre 2011


Une psychiatrie ou la liberté est thérapeutique

UNE PSYCHIATRIE OU LA LIBERTE EST THERAPEUTIQUE
Parler de psychiatrie, c’est parler de liberté, car, qu’on le veuille ou non,    quels que soient les débats qui peuvent et doivent se dérouler, à partir de cette proposition fondamentale : la psychiatrie n’existe que du fait que des hommes sont en difficulté sur une problématique de liberté.
Lucien Bonnafé,  Dans cette nuit peuplée, 18 textes politiques, Paris, Ed. Sociales, 1977
La déclaration d’entrée en résistance à la loi sécuritaire du 5 juillet 2011 relative « aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et à leurs modalités de prise en charge » et ses décrets d’application, ouvre le débat et l’action, sur quelles modalités de défense  d’un soin psychique psychiatrique et d’une « politique de santé mentale » qui refusent l’imposition de la contrainte et le contrôle social comme organisation du soin en psychiatrie, de l’hôpital au domicile, sous la nouvelle appellation aberrante de soins sans consentement. Par là même, elle met en avant une position  soignante dans sa qualité relationnelle qui ne soit pas dégradée en « expertise de dangerosité », en contrôle social contraint en ambulatoire, mais aussi le refus de la situation actuelle faite de souffrance psychique, d’errements dans le sens des pratiques et de désillusions dans de nombreuses équipes.


Lire la suite ici

Il n’y a pas d’incompatibilité entre psychanalyse et Islam

FOUZIA LIGET
freud_islam









Le combat pour la libération de Rafah, première psychanalyste à exercer en Syrie, résonne en moi en tant que femme de culture arabo-musulmane, engagée dans une analyse – engagée aussi pour la cause de la psychanalyse.
La religion, la culture, la tradition – tout cela ne dit rien de ce que c’est que d’être une femme. Elles répondent : être une femme, c’est être une épouse, fidèle à son mari, et une mère, dévouée à ses enfants – soit ce que Freud avait lui-même mis en avant, tout en ajoutant que cette réponse restait insatisfaisante. Impasse donc. Si les traditions étouffent la féminité, l’écrasent sous la loi phallique, la femme ne se laisse pas si aisément ranger sous un signifiant. Une femme, une jeune fille rangée, étouffe… Le prix à payer pour se conformer à une tradition phallique, c’est de céder sur son désir, son désir de femme. Mais c’est aussi par le biais du symptôme et de la souffrance qu’il y a chance pour la femme de se libérer du carcan traditionnel, en ayant recours à la psychanalyse, afin que puisse émerger pour elle un « devenir-femme » au-delà du regard de l’Autre.
Lire la suite ici

Au Maroc, un seul psychiatre pour 100.000 habitants ! : Santé mentale moyens indigents et espérances trahies


En 1970, ils n’étaient que deux. Aujourd’hui, ils sont quelque 320 psychiatres à exercer au Maroc. Soit un praticien pour 100.000 habitants. Un chiffre tout à fait dérisoire. On reste donc bien loin derrière nos voisins maghrébins. Quant aux pays européens, aucune comparaison n’est possible, bien entendu. En Suisse, la ville de Genève dispose à elle seule de 750 psychiatres, pour 120.000 habitants. Au Maroc, nous ne pouvons, pour l’heure, prétendre à une telle prouesse. Mais notre pays pourra-t-il  au moins atteindre le seuil minimal nécessaire qui, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), est 2,5 psychiatres pour 100.000 habitants ? 
Une question d’autant plus lancinante qu’une enquête nationale, réalisée par le ministère de la Santé, en partenariat avec l’OMS, en a démontré l’urgence et l’acuité. 48,9 % des personnes interrogées dans ce cadre, y présentaient au moins un signe relevant de tel ou tel trouble mental, allant du simple trouble obsessionnel ou de l’insomnie passagère à des manifestations plus graves comme les psychoses. Par ailleurs, 25,6% des personnes visées par cette enquête présentaient une dépression. 
Malgré le nombre important de personnes qui souffrent de troubles mentaux dans notre pays, on ne dispose que de 1900 lits psychiatriques pour une population  de 32 millions d’habitants. Trois fois moins de lits que nos voisins algériens et tunisiens. 

Le décret fixant les restrictions à l’AME publié au « Journal officiel »

19/10/2011
    
Inscrites dans la loi de finances 2011 promulguée le 30 décembre dernier, les restrictions à la prise en charge des frais de santé par l’aide médicale d’État sont désormais précisées par un décret , publié ce mercredi au « Journal officiel ».
L’accès à l’AME est déjà conditionné, depuis le 1er mars, à un droit d’entrée annuel de 30 euros par bénéficiaire majeur. Sont maintenant exclus de la prise en charge les frais relatifs aux cures thermales et aux actes techniques, examens de biologie médicale, médicaments et produits nécessaires à l’assistance médicale à la procréation. Le législateur estime qu’ils font partie des « catégories d’actes, produits et prestations dont le service médical rendu n’a pas été qualifié de "moyen" ou d’"important" ou qui ne sont pas destinés, directement au traitement ou à la prévention d’une maladie ».

15 000 euros.

Le décret précise également les cas dans lesquels la prise en charge de« certains soins hospitaliers programmés particulièrement coûteux sera soumise à un agrément préalable des caisses d’assurance-maladie ». La procédure « est applicable aux soins hospitaliers programmés dont le coût estimé au moment de la demande d’agrément est supérieur à 15 000 euros » et dont la réalisation « peut attendre un délai de quinze jours suivant la date de leur prescription ».
Dans ce cas, le bénéficiaire doit en faire la demande sur un formulaire spécifique qui devra être transmis à l’Assurance-maladie par l’établissement hospitalier. Une absence de réponse dans les 15 jours suivant la réception de la demande d’agrément vaudra accord.
Ces mesures concernent les étrangers majeurs en situation irrégulière résidant en France de manière ininterrompue depuis plus de trois mois et qui disposent de moins de 647,58 euros par mois (pour une personne seule). Elles entrent en vigueur dès demain.
La remise en cause de l’AME a soulevé, dès les premières propositions gouvernementales, une vague de protestations, notamment de l’Observatoire du droit à la santé des étrangers (ODSE), qui regroupe une vingtaine d’associations comme Act up, AIDES, Sida Info Service, la Cimade ou le Comité médical pour les exilés (COMEDE). En juillet dernier, après le rapport des députés Claude Goasguen et Christophe Sirugue, le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE) demandait que « les mesures d’application de toutes les restrictions issues de la loi de finances 2011 concernant l’AME (soient) retirées immédiatement ».
› Dr LYDIA ARCHIMÈDE

Interview. Connaissez-vous vos ados ? Un débat, à Caen

« L’adolescence troublée : un comportement qui rassemble ». C’est le thème d’une conférence-débat, ce jeudi 20 octobre, à 19h, à l’amphi Oeuf (bâtiment sud), du CHU de Caen. Comment gérer l’adolescence ? Côté Caen a questionné Pierre-Jean Egler, psychiatre au CHU de Caen.
Pierre-Jean Egler est psychiatre au CHU de Caen.
Pierre-Jean Egler est psychiatre au CHU de Caen.
• Pourquoi l’adolescence est-elle une étape particulière ? 
Les enjeux de l’adolescence sont multiples : l’individu voit son corps changer, ses aptitudes physiques deviennent celles d’un adulte, et, dans un même mouvement, il s’enrichit de nouvelles capacités relationnelles qui vont lui permettre de trouver de nouvelles places familiales et sociales. Alors qu’il était un(e) fils (fille), il (elle) devient un(e) homme (femme) voire père (mère) en puissance. Cet enrichissement va le conduire à trouver d’autres groupes d’appartenances que sa famille, ou son groupe d’enfance. Cette confrontation au monde extérieur va ainsi contraindre l’ado à remettre en question les connaissances qu’il a précédemment acquises. La contrainte s’applique de même aux « anciens » partenaires relationnels de l’adolescent, comme les membres de sa famille, qui vont devoir prendre en compte cette ouverture au monde, et modifier leurs interactions avec le jeune adulte.

Lire le suite ici




MARDI 11 OCTOBRE 2011


Le malentendu des sexes. Freud, Lacan et l'amour

Juan-Pablo Lucchelli
malentendu
Septembre 2011 –
Presses Universitaires de Rennes 

La théorie freudienne qui postule le rôle étiologique de la sexualité dans les névroses a rencontré, par le passé, les plus vives objections. On pourrait penser à un phénomène d’époque, mais il n’en est rien. Et aujourd’hui pas moins qu’il y a un siècle, la pratique analytique est souvent considérée comme obsolète en raison, précisément, de l’importance accordée à la sexualité inconsciente. À l’époque où l’on choisit ses organes sexuels grâce à la chirurgie, il paraîtrait naïf d’interpréter une phobie infantile par les liens inconscients avec la mère. Pourtant, si l’on prétend démontrer la cause génétique des maladies mentales, on rencontrera plus de diffi cultés à faire de même quant au destin sexuel : rien ne semble moins programmé, et donc plus ouvert à la contingence, que la sexualité. Pour la simple raison que le seul organe sexuel qui vaille est la libido, à savoir tout sauf un organe de la reproduction.

Lire la suite ici


Doubles virtuels: quand la psychiatrie s’inspire des Sims



Soigner grâce au virtuel, une chimère ? Plus tellement. Au Pôle Aquitain de l’Adolescent de Bordeaux, un pédopsychiatre a en effet élaboré une thérapie très efficace à destination d’adolescents souffrant de troubles comportementaux et alimentaires : la création de doubles numériques.
Le Dr Pommereau déplorait l’efficacité limitée des entretiens psychologiques traditionnels, souvent ressentis comme longs et inconfortables par les jeunes patients, la plupart du temps incapables de verbaliser leur mal-être. « Que peuvent-ils dire de plus que Ma vie est pourrie, y’en a marre? » affirme le médecin. « Cette génération a tout à montrer mais rien à dire tant qu’il n’y a pas d’image pour support ». Le Dr Pommereaucommence par tâtonner, propose aux adolescents de se dessiner, de se sculpter, de se peindre. Puis, inspiré par une de ses patientes adepte des Sims, l’idée d’une autre technique d’auto-représentation commence à germer dans son esprit: celle de l’avatar numérique.
Lors des sessions de soin, on demande en fait aux patients de se construire un avatarsur un ordinateur: ils choisissent la forme de leur visage, de leur nez et leurs sourcils, ainsi que la couleur de leurs cheveux, de leurs yeux et de leur peau. Ils peuvent même ajouter des tâches de rousseur, du maquillage, voire des tatouages et des piercings. Ce double virtuel sert de miroir, moins cruel que celui du monde réel, car les patients y construisent leur reflet et se modèlent à leur guise. Un rapport au corps différent finit par s’installer, la parole se libère. « L’effet de distance leur permet d’observer ce qu’ils donnent à voir d’eux-mêmes », affirme le Dr Pommereau.
arton1786 Doubles virtuels: quand la psychiatrie sinspire des Sims
Une méthode comparable aux techniques projectives utilisées en marketing, dans le but de dépasser les blocages liés à la verbalisation directe de certains concepts (affects, valeurs, mort, sexe, famille…) lors d’entretiens avec des consommateurs. Concrètement, l’enquêteur demande aux participants de s’exprimer par l’intermédiaire d’un support de projection, ce qui les force à contourner un certain nombre d’écrans psychologiques, et à révéler des pensées latentes, cachées: une matière d’étude plus riche pour l’enquêteur. Plus riche également, donc, pour le psychiatre. Emilie, une patiente, l’a très bien compris :« En entretien, on sent bien qu’on est étudié, alors on reste évasif. On n’ose plus bouger ! Là c’est ludique, on sent moins le regard du psy ».
Lire la suite ici








Colloque Médecine et Psychanalyse

Du Vendredi 13 Janvier 2012 au Dimanche 15 Janvier 2012 à PARIS
A partir du :18:00 

SOCIÉTÉ MÉDECINE ET PSYCHANALYSE
13e COLLOQUE

Médecine et psychanalyse entre autorité et incertitude : moments critiques
Sous la direction de Danièle Brun
Professeur émérite à l’Université Paris 7 – Denis Diderot
Présidente de la société « Médecine et Psychanalyse » (SMP)


Vendredi 13 janvier 
18 h 30 à 22 h 00


Samedi 14 janvier 
8 h 45 à 19 h15

Dimanche 15 janvier 20129 h 00 à 13h 30

Cité Universitaire Internationale de Paris
17, Boulevard Jourdan
Paris – 75014

Avec le soutien de
L’Université Paris-Diderot (GIS et CRPMS)

ARGUMENT
La multiplicité des instances qui, aujourd’hui, prétendent réguler la pratique médicale et, à plus d’un titre, la pratique psychanalytique, fait contraste avec l’incertitude inhérente à l’exercice clinique. Au-delà des progrès du savoir et d’un consensus idéalisé, les acteurs de la santé sont confrontés à la complexité des situations, côté soignants et côté soignés. Les conférences de consensus, les recommandations de bonnes pratiques, les démarches d’évaluation se présentent comme des entraves à la pensée et à la prise en compte de la singularité. Aussi, le temps indispensable à la relation devient-il dévalorisé et délaissé. Si l’incertitude côtoie souvent la technicité et la scientificité de la médecine, n’est-elle pas la contrepartie inattendue des demandes de performance et des preuves d’efficience adressées à la psychanalyse et à la médecine? Un champ de réflexions balisé par l’autorité et l’incertitude nourrira ce 13e colloque pluridisciplinaire de la SMP.Comment chacun parvient-il à loger sa pratique personnelle au sein des carcans normatifs dans lesquels elle est supposée s’inscrire ? Comment et où situer la part individuelle des décisions face aux savoirs en vigueur ? La personnalisation du soin revient en urgence sur la scène de la consultation.

Dans les nombreuses branches de la médecine, imagerie comprise, qui jalonnent l’existence depuis la naissance jusqu’à la mort, les formations laissent de moins en moins de place à l’interrogation sur les modes de prise en charge. Les intervenants débattront de ces thématiques dans le champ de la médecine, de la psychanalyse, de la neurobiologie, de la philosophie et de l’anthropologie. 

Programme et suite ici

La consommation d'antidépresseurs a explosé en vingt ans aux Etats-Unis

LEMONDE.FR avec AFP | 19.10.11

Selon un rapport révélé mercredi 19 octobre, la consommation d'antidépresseurs a augmenté de 400 % en vingt ans aux Etats-Unis. Pis, un Américain sur dix en prend dès l'âge de douze ans.


Les antidépresseurs sont le troisième médicament le plus prescrit aux Américains de tous âges et le premier chez ceux âgés de 18 à 44 ans, précisent les auteurs du rapport publié par les Centres fédéraux de contrôle et de prévention des maladies (CDC). Cependant, les deux tiers des Américains souffrant de dépression grave ne sont apparemment pas traités, soulignent-ils, relevant aussi que plus de 8 % de ceux qui prennent des antidépresseurs n'ont pas de symptôme dépressif.
Ce dernier groupe "pourrait comprendre des sujets prenant des antidépresseurs pour d'autres raisons ou dont les symptômes dépressifs ont disparu", note le rapport, qui s'appuie sur des statistiques allant de 2005 à 2008 et les comparant à la période 1988-1994.
RICHES OU PAUVRES, MÊME COMBAT
Un tiers environ des Américains âgés de 12 ans et plus et ayant des "symptômes dépressifs graves" étaient traités avec des antidépresseurs, indiquent les auteurs du rapport. Ces derniers ont également constaté que les femmes sont deux fois et demie plus nombreuses que les hommes à prendre des antidépresseurs, quel que soit le degré de sévérité de la maladie dont elles souffrent.
Environ 14 % des Américains souffrant d'un état dépressif prennent leur médicament pendant dix ans ou davantage, et moins d'un tiers des personnes traitées avec un seul antidépresseur n'avaient pas vu un médecin au cours des douze derniers mois. Les Blancs aux Etats-Unis recourent plus aux antidépresseurs que les autres groupes ethniques et les plus de 40 ans en prennent plus que les 12-39 ans, indiquent ces statistiques, qui confirment des tendances déjà révélées dans d'autres études. Riches ou pauvres, il n'y a aucune différence dans la prise d'antidépresseurs, souligne le rapport.
Savoir lire, écrire, compter et prendre la parole
Point de vue | LEMONDE.FR | 20.10.11 

Souvent, à longueur de colonnes, les débats sur l'éducation opposent les "pédagogistes" et les "partisans des savoirs", schématisant des querelles qui fontoublier la réalité de la classe, le concret de ce qui est enseigné et de ce qui ne l'est pas. Ainsi en est-il de la prise de parole en public, grande absente des débats sur le contenu des enseignements.


L'objectif de savoir lireécrirecompter a eu ses vertus au XIXe siècle et a utilement accompagné l'apprentissage scolaire des 5 millions d'enfants de l'école primaire. Au début du XXIe, siècle se contenter de ce triptyque est devenu réactionnaire. Il faut bien sûr continuer à savoir lireécrire et compter ; mais, dans les études et la vie professionnelle, c'est la maîtrise de l'oral qui fera la différence. Or, la prise de parole en public n'est enseignée en tant que telle à aucun moment scolaire, de la maternelle jusqu'au bac.
Parfois, des discours de façade, à droite comme à gauche, laissent croire que cette maîtrise de l'oral par chaque élève est une préoccupation d'ordre public. On se félicitera que tel enseignant ait inauguré un atelier théâtre dans le collège ou le lycée, le mercredi après-midi ou le vendredi soir… On proclamera à qui veut l'entendre que l'enseignement des langues est une priorité nationale, que l'élève français doit pratiquer l'anglais à l'oral, dès les plus petites classes.
Le professeur passionné avec son atelier théâtre pour dix ou vingt élèves est le parfait alibi qui permet au système éducatif de ne pas avoir de politique en la matière pour les 1 000 autres de l'établissement. L'apprentissage des langues vivantes se fait bien souvent dans des classes surchargées ; de la sixième à la terminale, on a pu calculer le temps durant lequel l'élève a, chaque année, la possibilité de s'exprimer en anglais : il se compte en minutes ! Pour ceux qui voudraient encore s'illusionner sur la reconnaissance de l'oral par l'éducation nationale, il faut considérer les épreuves finales censées couronnerl'aboutissement des apprentissages : foin ! Les derniers masques tombent : l'évaluation des langues vivantes en terminale se fait… à l'écrit, moins complexe et coûteux à organiser que l'oral.
Au début du XXIe siècle, le triptyque pédagogique, à la rhétorique rassurante, dulireécrirecompter, sonne une sainte-trinité de la reproduction sociale, de la docilité, et d'un certain immobilisme intellectuel.
Reproduction sociale : à partir du moment où l'enseignement de la parole en public ne s'opère pas sur les bancs de l'école, c'est hors du temps scolaire qu'il peut – ou non – se faire. Avantage aux enfants bien nés, dont les parents maîtrisent le verbe, ont une place dans la société, un usage développé et subtil de la parole sociale. L'apprentissage par l'écoute et le mimétisme peutfonctionner à plein. Aux autres dont les parents n'ont pas de livres à la maison, dont le vocabulaire se limite à quelques centaines de mots, il leur faudraramasser quelques miettes de cet apprentissage si particulier, au détour de milliers d'heures de classe portant sur d'autres sujets, le plus souvent malgré soi, dans la timidité et le manque de confiance en soi. Pour parvenir finalement au même niveau de maîtrise ou de non-maîtrise que celui des parents.
Docilité : on continue de préférer l'élève écoutant servilement la parole du maître et absorbant les savoirs plutôt que celui qui débat et affronte l'écoute et le regard des autres.
Immobilisme intellectuel. On pourrait penser que ne pas enseigner les fondamentaux de la prise de parole résulte d'une politique délibérée visant àgarantir les privilèges intellectuels et culturels de ceux qui dominent socialement. C'est une hypothèse envisageable. Il est possible aussi que la réalité soit plus pathétique encore et que la prise de parole en public ne soit pas enseignée en tant que telle, non seulement parce qu'on craindrait qu'elle représente un trop grand pouvoir aux mains de tous, mais aussi parce qu'on ne sait pas l'enseigner.
Les maths, le français, la physique, etc., toutes matières disciplinaires de l'université et sur lesquelles on a calqué les programmes de l'enseignement secondaire, on sait faire – ou à peu près. L'enseignement de la prise de parole, non. Il serait pourtant simple. Il se fonde sur un art qui pourrait être très ouvert socialement et, en demandant peu de pré-requis culturels, serait aisément partageable par le plus grand nombre.
Il s'agit, par des exercices précis, d'approfondir la conscience et la maîtrise de son corps qui est l'instrument oratoire, comme le stylo et les règles d'écriture, le clavier et les logiciels informatiques sont les outils de l'écrit. Il suppose detravailler la gestion de son stress, la capacité à dire et à être en relation avec son auditoire, à la croisée des arts de la scène, du savoir-être et des savoirs.Apprendre le plaisir de parler. Au fil du temps, nouer avec le cercle vertueux de la confiance en soi et de l'apprentissage de l'altérité qui écoute, conteste ou contribue. Le débat, l'exposé, la prise de risque d'être soi devant les autres, on persiste à ne pas vouloir les enseigner. A qui profite la béance ?

Cyril Delhay a auparavant enseigné en Zone d'éducation prioritaire puis a été pendant dix ans responsable des programmes "égalité des chances" à Sciences Po. Il, avec Hervé Biju-Duval, Cyril Delhay et Michel Hulinest (illustration), coauteur de Tous Orateurs (Eyrolles, 2011).