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Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

vendredi 24 juin 2011

Santé mentale : trente personnes manifestent à La Roche-sur-Yon
15 juin 2011

Une trentaine de professionnels de la santé mentale a manifesté, ce matin, devant la préfecture. Dans toute la France, médecins psychiatres, cadres supérieurs de santé et infirmiers se sont mobilisés pour protester contre la loi, qui réforme la psychiatrie. Examinée hier et aujourd’hui au Sénat, les manifestants parlent de «régression». Un diagnostic médical pourra placer une personne en observation durant 72 heures, sans possibilité de sortie. Seul un juge des libertés sera en mesure de valider la sortie d’un patient ou non. « On ne veut pas que l’hôpital soit assimilé à un lieu d’enfermement », s’indignait ce matin une militante.

Grèce : la grande dépression
22.06.11

Ce sont des voix anonymes qui appellent à l'aide au téléphone, des voix humaines qui souffrent de la crise que traverse leur pays et du poids de la récession économique. Elles ne savent plus quoi faire, alors elles décrochent leur téléphone pour appeler SOS-Dépression. Extraits de ces conversations.

Un employé de 38 ans : "Rien ne va bien, récemment. Le travail devient plutôt stressant. L'idée de le perdre me hante. Ne pensez pas que c'est juste une peur, c'est une réalité. Les gens perdent leur travail. Je n'ai plus confiance en moi, je suis tout le temps irritable, et mon sommeil est chaotique. Pour ma femme, c'est encore pire. Elle a un travail à temps partiel, et ils lui ont annoncé qu'elle devait partir à la fin du mois. A cause de la crise, comme ils disent. Quand nous sommes ensemble, j'essaye de ne pas lui montrer ce que je ressens. Je ne veux pas peser davantage sur elle. Je ne sais pas ce que je vais faire. Je suis désespéré."

Une mère, soucieuse pour son enfant : "Mon fils a 26 ans. Il est diplômé de l'université, et il essaie de trouver un emploi. Je m'inquiète pour lui. Cette recherche l'a beaucoup déçu. Il n'a pas trouvé de travail et ça a un impact négatif sur tous les aspects de sa vie. Il n'a pas de vie personnelle, et il ne sort pratiquement pas de la maison. Il m'a dit hier qu'il se considérait comme un raté. J'ai essayé de l'encourager en lui disant que beaucoup de jeunes sont confrontés aux mêmes problèmes à cause de la crise économique, mais je ne pense pas que ça l'aide. Oui, je suis vraiment inquiète pour lui."

Un retraité : "J'ai 68 ans et je ne me sens pas très bien en ce moment. J'ai peur de l'avenir. Je n'ai jamais ressenti ça auparavant. Je prendrai ma retraite en 2012, mais j'ai peur qu'à cause de la crise ce soit vraiment dur. Il y a des moments où ça me met en colère, mais le plus souvent je me sens sans espoir et sans secours. Je n'ai pas l'énergie que j'avais dans le passé. Un de mes amis me dit de demander de l'aide. Il pense que je suis déprimé."

SOS-Dépression a été mis en place en mai 2008 par l'Institut universitaire de recherche sur la santé mentale. La mise en place d'un programme baptisé Anti-stigma était destiné à encourager à parler des troubles mentaux, dans une société méditerranéenne, fortement marquée par l'emprise de l'Eglise orthodoxe, où il est mal vu d'aller chez le psy.

Il s'agit de consultations par téléphone, de conseils donnés à des gens qui n'osent pas franchir la porte d'un cabinet ou, de plus en plus, parce qu'ils n'ont pas les moyens de le faire. La ligne a enregistré plus de 6 000 appels. "La crise économique a augmenté le nombre de personnes qui appellent pour résoudre leurs problèmes dus au chômage et à l'incertitude du futur. 27 % des appels sont directement liés aux conséquences de la récession", explique Marina Economou, responsable de SOS-Dépression.

Les psychiatres évaluent entre 25 % à 30 % la hausse des consultations provoquées par la crise. "Il y a un afflux de demandes pour des cas de psychiatrie légère : angoisse aiguë, crise de panique, dépression, explique Dimitris Ploumidis, responsable d'un centre universitaire de santé mentale, dans le quartier de Kaisariani, à l'est d'Athènes, et aussi vice-président de l'Association des psychiatres de Grèce. En septembre 2010, il fallait deux semaines d'attente pour une consultation, aujourd'hui il faut deux mois et demi."

Dans une étude intitulée "Dépression et détresse économique en Grèce", publiée dans la revue Social Psychiatry and Psychiatric Epidemiology, de juillet 2010, Marina Economou et trois autres collègues constataient que "les personnes exposées à des conditions économiques défavorables ont plus de chances de développer des dépressions sérieuses". L'étude comparait 2 008 et 2009, alors que la récession s'est fortement aggravée en 2010.

"La crise, les difficultés économiques ravivent les peurs et les angoisses personnelles",
explique Dimitris Ploumidis. Son collègue Stelios Stylianidis, professeur à l'université d'Athènes, qui consulte dans le public et le privé, fait le même constat : "Quand on ne peut pas investir dans son avenir, ce non-investissement psychique crée un état de détresse. La porte reste ouverte à l'émergence de troubles psychiatriques." Il a deux exemples précis des effets de la crise sur le psychisme, à chacun des bouts de l'échelle sociale.

C'est un peu la wonder woman et le clochard. Une femme de 47 ans était sous-directrice d'une société. Elle a été licenciée, au début de l'automne 2010, au moment où elle se sentait à l'apogée de sa carrière. "Tous ses liens sociaux ont été construits autour de son travail. Elle ne perd pas seulement son salaire, mais tout repère symbolique. C'est la destruction de son image et de son monde interne. Elle s'effondre", explique le docteur Stylianidis.

A l'autre bout de l'échelle, un clochard de 51 ans a élu domicile en plein centre d'Athènes. Il a son banc sur la place Korai, près de l'université. Il travaillait dans une usine au sud d'Athènes. Il dévale la pente très vite : alcool, violences conjugales, divorce. "Il a un sentiment de honte, de désarroi, mais il conserve sa fierté. Il refuse d'aller dans les foyers d'hébergement de la ville", explique le psychiatre qui l'a rencontré dans le cadre d'une mission sur les SDF du centre-ville. "Ils m'ont traité comme un chien, je serai un chien", lui a-t-il dit. Il a adopté un chien sans collier, sa seule compagnie.

Alors que les psys sont confrontés à cet afflux de clients, les budgets sont coupés, pour cause d'économies. Des psychologues ne sont pas payés depuis trois ou quatre mois. L'argent n'est plus débloqué pour les médicaments, qui sont en principe donnés à des patients nécessiteux.

Le jour de la manifestation du 15 juin, qui a fait trembler le gouvernement, Stelios Stylianidis a revêtu une camisole de force pour protester avec des patients et leurs parents, regroupés au sein de l'association Apapsy, contre les coupes dans le budget de la santé mentale. "Des patients, même des psychotiques, me disent qu'ils ont besoin de moi, mais qu'ils ne peuvent pas me payer, explique-t-il. Certains abandonnent leur traitement ou ont recours à l'automédication. Les pharmaciens constatent une augmentation de la consommation des antidépresseurs. Malheureusement pas toujours sur ordonnance."

Dimitris Ploumidis ne constate pas d'évolution vers des pathologies plus importantes. "Mais on risque d'être confrontés à de la psychiatrie lourde si le système de soutien familial est totalement ébranlé." La solidarité intergénérationnelle, même si elle est rudement mise à l'épreuve, sert encore d'amortisseur à la crise.

On peut parfois être fier d'être à la dernière place de l'Europe : la Grèce est le pays de l'Union européenne où il y a le moins de suicides, avec un taux de 2,8 pour 100 000 habitants. Mais faut-il dire"était" ? "C'est en train de changer", explique Aris Violatzis, psychologue dans l'organisation non gouvernementale Klimaka, qui gère un autre centre d'aide, SOS-Suicide. En 2009, leur nombre a augmenté de 18 % par rapport à 2007. Les spécialistes attendent une hausse plus importante en 2010. "Nous estimons que le nombre a doublé en 2010", explique M. Violatzis. Le directeur du département psychiatrique de l'hôpital Sismanoglio à Athènes, Kostas Lolis, réévalue, lui, ce taux à 5,7 pour 100 000 habitants. Un résultat qui placerait la Grèce devant Chypre et l'Italie, mais en dessous de la moyenne européenne (12 suicides pour 100 000 habitants).

L'étude "Dépression et détresse économique en Grèce" constate que le nombre de personnes souffrant d'épisodes dépressifs majeurs ayant des envies suicidaires est passé de 2,4 % à 5,2 %, entre 2008 et 2009. Ces taux sont respectivement de 35 % et 48,6 % pour les personnes en difficulté économique.

"Nous avions une quinzaine d'appels par jour, aujourd'hui, cela peut aller jusqu'à quatre-vingts
, explique Aris Violatzis. Parfois, nous écoutons longtemps ces personnes. Je suis resté pendant des heures avec une mère de 40 ans qui appelait de son balcon au 5e étage, prête à se jeter dans le vide. J'ai parlé avec elle jusqu'à ce qu'une équipe d'urgence arrive sur place. Parfois, nous allons chez les gens pour retirer les lacets, les armes, pour les protéger."

Les suicides ont eu lieu principalement à Athènes et en Crète, où plusieurs hommes d'affaires sont passés à l'acte après des problèmes financiers. "Le suicide n'a jamais une seule cause, mais nous avons de plus en plus d'appels de gens qui gagnaient bien leur vie et qui n'y arrivent plus financièrement", poursuit M. Violatzis. Le suicide est encore tabou dans la société grecque. Des popes ont refusé d'enterrer religieusement des personnes suicidées.

Ce nouveau désespoir grec ne se résume pas à des problèmes de crise économique. Il a des causes plus profondes. "La grosse angoisse des gens, c'est où en est l'avenir de la Grèce", explique Dimitris Ploumidis. La Grèce n'est redevenue un pays qu'en 1821, après quatre siècles de joug ottoman. De guerres civiles en dictatures, son histoire moderne est très douloureuse, et il y a une énorme fierté d'être grec dans l'ensemble de la population. "Les Grecs sont atteint dans leur identité, relève Aris Violatzis. Ils ont honte. Le monde entier les considère aujourd'hui comme des tricheurs, les moutons noirs de l'Europe. C'est très difficile à accepter."

"Je suis universitaire, je vais souvent à Bruxelles pour des réunions, j'ai conscience que nous avons gaspillé de l'argent, mais aujourd'hui je ne supporte plus ces sourires ironiques que je vois quand je dis que je suis grec"
, explique Dimitris Ploumidis. Il pourrait reprendre le poème célèbre du Prix Nobel de littérature, Georges Séféris, qui chantait : "Où que me porte mon voyage, j'ai mal à la Grèce."
Alain Salles




1 juin 2011

Rock'n philo
Francis Métivier

1
Mai 2011 – Bréal

Le rock et la philosophie s'accordent-ils bien ensemble ? Évidemment ! La première Méditation de Descartes et le Where is my mind des Pixies posent les mêmes problématiques : le réel est-il ce que je vois ? Le message des Pensées de Pascal et celui de Smells like teen spirit de Nirvana est le même : « Le moi est haïssable ». Cet ouvrage, associant l'analyse de textes de philosophie et de textes de rock'n'roll, propose de (re)découvrir les auteurs classiques de philosophie tout en (ré)écoutant ses groupes et morceaux préférés autrement... Il passe en revue tous les thèmes majeurs de philosophie à travers des chanteurs aussi variés que les Beatles, The Doors, The Who, Noir Désir, Bob Dylan, Bashung, Led Zeppelin, Patti Smith, BB brunes, Radiohead, Springsteen, Marylin Manson, Pink Floyd, Hendrix, Téléphone, Nina Hagen, Elvis, The Rolling Stones, ... et d'autres, qui réconcilient toutes les générations.

dimanche 5 juin 2011

Combattre la loi en discussion sur la psychiatrie pour préserver la politique de secteur ?

Mensonges et jusqu’au-boutisme

Par Pierre Paresys, vice-président de l’Union syndicale de la psychiatrie.

La politique de secteur en psychiatrie sur quelques dizaines d’années a permis à un grand nombre d’équipes d’organiser, notamment dans les centres médico-psychologiques, ou dans d’autres structures, un accueil, une disponibilité, une écoute dans des lieux ouverts et hospitaliers, dans la cité, au plus près de la population ; ces lieux sont pour le moment souvent accessibles, sans excès de formalité, sans fichage excessif, sans paiement à l’acte et donc hors parcours de soins, à tous ceux qui le souhaitent. Cet accès direct, sans jugement, sans procédure ou protocole pré-applicable, dans le respect de la différence, de la singularité, après quelques années de fonctionnement sur ce mode, autorisera sans doute celui qui souffre, qui parfois se sent étrange, sur la base du bouche-à-oreille, avec ou sans le soutien de proches, à franchir les portes de la structure. Ce n’est qu’un commencement, cette alliance, cette confiance, il faudra constamment la retravailler. C’est ce travail de toute une équipe qui permettra de limiter autant que possible la crise, l’urgence, la contrainte.


Ce travail, en quelques mois, sera balayé par la mise en œuvre de cette loi qui renforce les représentations stigmatisantes et coercitives de la psychiatrie. Pour les centaines de milliers de nouveaux usagers annuels, évitement et défiance viendront remplacer confiance et hospitalité. Les lieux d'accueil et de soins seront inexorablement marqués par les rapports de forces inhérents à la mise en place de soins contraints en ambulatoire alors qu'ils ont vocation à être des espaces d'écoute, d'accueil et de prévention.


L’enfermement au dehors, avec kit de vie et traitement imposé et normalisé par des protocoles, revient à l’externalisation de l’asile, ou plutôt de son organisation, avec effacement de l’individu. Présenter la contrainte en ambulatoire comme une nouveauté, voire une avancée, est une escroquerie visant à manipuler à la fois les élus et la population, alors même qu’il s’agit d’une proposition de légalisation de pratiques décrites comme abusives et dénoncées comme telles dans un rapport de l’Igas en mai 2005.


Mais plutôt que de durcir les contrôles pour imposer une meilleure application, et limiter la contrainte à l’exception, la commission se proposera d'assouplir ces mêmes mesures ! Elle choisira de faire de l'exception la règle, pour que tout rentre dans l'ordre. Cette commission ne fera que constater sans les analyser ou en évaluer les conséquences des écarts entre les départements pouvant aller de 1 à 5 pour les HDT (hospitalisation à la demande d'un tiers) et de 1 à 9 pour les HO (hospitalisation sans le consentement, antérieurement appelé internement). Il est pourtant peu probable que ces écarts soient liés au nombre de patients, à leur état de santé ou leur situation, mais plutôt à des pratiques différentes des équipes de psychiatrie et des préfets. La création, par exemple, d’un observatoire national de la contrainte n’a pas été envisagée.


Le risque zéro n’existe pas, et surtout les violences sont médiatisées de manière très inégale, essentiellement en fonction du marché qu’elles représentent et de l’instrumentalisation permise par un pouvoir qui s’en nourrit. L’obstination politicienne, la fascination pour l’omniscience supposée du leader, le mensonge et la manipulation, confirmée s’il le fallait par le réajustement récent de l’une des associations d’usagers présentée comme favorable à la loi qui est proposée au vote lundi à l’Assemblée, vont donc provoquer une régression sans précédent dans l’accès et l’organisation des soins en psychiatrie.


L’urgence résidait pourtant dans le renforcement de la capacité à accueillir, à soutenir la politique de secteur là ou elle est en place et à la rétablir là ou elle n’est plus ou pas encore. La différence avec les scandales ou catastrophes sanitaires précédentes, c’est que les coupables en se manifestant par leur vote dans les deux assemblées engageront ainsi leur responsabilité.

Pierre Paresys

J’ai honte des inspecteurs IGAS, j’ai honte de leur patron l’Etat français, accusant de crimes passés et à venir les malades mentaux.

Psychiatre des Hôpitaux
04 Juin 2011 
                                                                        

J’ai honte                                                                            

J’ai honte des inspecteurs IGAS, j’ai honte de leur patron l’Etat français, accusant de crimes passés et à venir les malades mentaux.


J’ai honte
de cet Etat qui oblige ses Inspecteurs à publier un rapport
[1] s’acharnant à démontrer que les malades mentaux sont dangereux et que les soignants de la psychiatrie sont des incapables.
Le but de cet éclat médiatique de lundi dernier est simple : devant la montée de plus en plus forte de la révolte des Usagers, de beaucoup de familles, des professionnels de la psychiatrie, contre une loi inhumaine sur la psychiatrie, il fallait que l’Etat assène un grand coup sur cette opposition mesquine !
Ce rapport a été demandé pour tenter de justifier la vérité scientifique du discours meurtrier du Président de la république du 2-12-2008 qui condamnait sans preuves devant le pays entier une catégorie de malades mentaux comme futurs criminels, à enfermer.
Pour ce faire l’Etat n’a pas convoqué une commission scientifique, ni un comité de sages qui auraient analysé ces assertions d’une violence inouïe. Non ! Les conseillers du Président à la veille du vote définitif de la loi consacrant cette accusation envoient deux « émissaires », Inspecteurs IGAS, missi dominici, « fonctionnaires obligés d’obéir, à la lettre, aux ordres de l’Etat »  pour apporter des « preuves » définitives du bien fondé de son réquisitoire, ceci publiquement et avec grand fracas médiatique.
La gravité de ce rapport est de venir à ce moment précis avant le dernier vote, pour aveugler les élus hésitants. La gravité c’est de le présenter comme un rapport solide (200 pages, fatiguant) pseudo scientifique (avec auditions et bibliographie). La gravité c’est de le faire au milieu d’un grand fracas médiatique. Cette machination compte sur « l’effet d’annonce ».
J’ai honte de ces inspecteurs qui affirment que les malades mentaux constituent une catégorie ‘à part’ du reste de l’humanité potentiellement dangereuse, qui prétendent brusquement en avoir les preuves, d’abord en étudiant les « accidents » qu’ils provoquent, des « crimes ».

La supercherie !



Une petite phrase dévoile leur supercherie tout en mettant en place l’argumentation trouvée pour laver les inspecteurs de tout soupçon de faussaire, au cas où quelqu’un mettrait en doute leur démonstration.
Ils expliquent que leurs données chiffrées sont très limitées puisqu’elles portent seulement sur quelques enquêtes faites pendant 5 ans sur des « accidents » signalés. Ils précisent donc qu’il n’est pas possible d’en tirer la vérité d’une enquête statistique (page 23).

La malignité des auteurs, c’est, une fois cette phrase posée, de présenter l’ensemble du rapport comme la vraie représentation de la réalité. Sur la foi de chiffres partiels ils affirment une réalité qui n’est pas. Nous dénonçons cette mascarade comme un abus total et grave de confiance de la population, cela doit réveiller la communauté professionnelle.
Pourtant la bêtise de l’argumentation qu’ils avancent suffit à les confondre !
Ils font comme si ces accidents choisis résumaient la vérité sur ce qui se passe en France. Ils évoquent et détaillent 20 homicides ‘et tentatives’ ( !), ainsi que 10 agressions sexuelles, commis par des malades ; et par de grossiers tours de passe-passe ils font croire que le nombre de crimes commis par eux est plus grand que celui commis par le reste de la population. Ils n’apportent aucune preuve, mais disent s’appuyer sur de récentes enquêtes internationales partielles, et affirment tranquillement que les malades mentaux sont plus souvent criminels et surtout certains d’entre eux (début d’une ségrégation qui ne cesse de s’amplifier ensuite).
J’ai honte qu’ils osent faire une telle présentation fausse, leur permettant de glisser à une autre affirmation : le trouble central de ces personnes pour eux est la « violence ». Qui est criminel pour eux a été violent ! Donc « Là où il y a violence, il y a crime possible ! », et comme la violence est pour eux de façon indiscutable (c’est eux qui en décident, ils n’évoquent aucun autre trouble) le trouble essentiel des malades mentaux, vous mesurez la portée de la démonstration !
Le reste du rapport leur permet de suivre ce fil qui consiste à donner des preuves de cette violence, à la débusquer, puis à édicter comment la contrôler.
On est abasourdi, confondus de tant de bêtise, mais surtout de tant de méchanceté à l’égard des usagers, et aussi des soignants. Le second volet de la démonstration prouve que les soignants ne savent pas prévenir ces violences, et qu’ils sont eux-mêmes facteurs de violence.
Les deux preuves majeures seraient les fugues des malades et l’incohérence des soignants. Pour les fugues (on croirait voir un ancien film comique avec cette assertion simpliste : « Là où il y a fugue, il y a crime !! » renversant !) le chiffre qu’ils avancent est beaucoup plus que vague : « Il y a environ 8.000 fugues et comme beaucoup ne sont pas déclarées, disent-ils, on est en droit de penser qu’il y en a 14.000 ! » ce qui montre la façon dont les inspecteurs se servent des chiffres !  Et comme pendant certaines de ces fugues il y a eu 5 crimes et 7 suicides, cela veut dire que les fugues facilitent l’expression de la violence. Ces faits sont suffisants aux yeux des IGAS pour affirmer que les malades mentaux sont plus dangereux que la population générale. Pourtant ils ajoutent que, certes, la grande majorité des fugues durent quelques heures et que dans une majorité de cas ils fuguent chez eux, enfin qu’elles sont le plus souvent sans conséquences ! Il suffit pourtant que lors de quelques fugues un crime ait été commis pour affirmer que les fugues sont dangereuses, que les soignants en sont gravement responsables, alors que la solution est simple il suffit de surveiller les entrées des hôpitaux et d’imposer des badges électroniques (pour les soignants au moins !)!
Un second argument majeur est de montrer que les soignants sont incohérents ; en effet les soignants devant trois toxiques ont trois attitudes différentes, ils sont interdictifs pour l’alcool, permissifs pour le tabac, et n’ont pas de meilleur résultat que la société pour le cannabis ! à leurs yeux cette triple attitude est la preuve de l’incohérence des soignants, et comme des violences se produisent sous l’effet des toxiques cette incohérence des soignants facilite les violences ; on croit rêver ! (Au passage ils critiqueront plus loin les soignants puisque ceux-ci osent intégrer leurs trop fréquentes pauses - tabac comme temps de travail : double faute ! Rien n’échappe aux inspecteurs !)
Il faut vraiment lire ce rapport dans le détail pour voir à quel point ces arguments sont tirés par les cheveux et faux (200 pages) (En annexe quelques perles qui montrent les outils des Inspecteurs pour construire un rapport qui a été écrit pour faire monter le niveau de peur !)
Les IGAS passent en revue ensuite toute une suite de faits démontrant que les soignants sont incompétents, incohérents, et sont eux mêmes auteurs de violence.
Ils vont en conclure que tout cela confirme que le fait grave est la violence des malades mentaux, violence que les soignants ne savent pas diminuer, au contraire ils la favorisent, alors qu’il serait simple de tout faire pour la prévenir, l’anticiper. La démarche sécuritaire pour prévenir ces violences est donc essentielle : surveiller, surveiller, surveiller et former d’abord les soignants aux combats de défense contre la violence.

Devant de tels propos il est temps d’affirmer qu’il est clair que la violence est bien du côté de l’Etat pour oser, par inspecteurs interposés, faire de pareilles affirmations si péjoratives et erronées. La violence n’est pas du côté des malades ! Le rapport s’inverse !
Il suffit de constater déjà la violence de toute hospitalisation dite sous contrainte, et d’anticiper ce qu’elle va être quand elle sera associée aux soins sans consentement, il est temps de dénoncer le caractère d’oppression et de violence de notre société sur les malades. Ne masquons pas la réalité : ces hospitalisations sont des « internements », une atteinte à la liberté, une privation, en l’absence pourtant de tout délit, dans des espaces où les soignants « devraient avoir l’obsession d’une surveillance constate », disent les IGAS. Les malades sont « parqués » dans des espaces où ils se trouvent dans une promiscuité sans intimité avec des personnes qu’ils ne connaissent pas et qui ont des troubles insupportables pour leur entourage ; eux doivent les supporter ; dans des architectures datant du 19ème siècle. Nous savons tous qu’un séjour dans de tels espaces est vécu comme une flétrissure, car tout le monde sait que pour y entrer il faut avoir été violent, ce qui veut dire, selon les auteurs, que l’on devient, à chaque violence supplémentaire, un criminel en puissance !
L’Etat ne veut pas comprendre que c’est sa propre violence contre les malades, déjà avec la loi de 1990, qui se déploie dans les espaces d’enfermement tant sur le plan symbolique que dans le détail de la vie quotidienne : il faut des autorisations précises pour téléphoner, pour écrire, pour avoir des visites, pour sortir, et les règles ne sont jamais claires puisque les soignants ont toujours peur (comme l’a expliqué JM Delarue dans son rapport) qu’à la suite d’un manque de surveillance un incident ne survienne. Cette violence de l’enfermement est génératrice d’un climat de violence ! Ceci pour certains est pire qu’en prison où la durée et les formes d’enfermement sont précisées, à l’hôpital tout est flou, sans limite.
Devant une telle succession de violences commises au nom de l’Etat, ne serait-il pas juste de décider la fermeture définitive de tous les grands hôpitaux psychiatriques et leur remplacement par des espaces de soin humains en pleine ville s’appuyant sur le tissu relationnel de la ville ?
Contre ce rapport, nous affirmons que fuguer de ces espaces de violence ne saurait être une faute : en fuguer est un signe d’amélioration, c’est un signe de bonne santé. C’est évident. Nous savons en effet que toute hospitalisation sous contrainte de plus de quelques jours nous sépare brutalement de tous ceux que nous aimons, nous coupe de tout ce dont nous avons besoin quotidiennement. Une fugue de quelques heures nous permet de revoir notre famille.

J’ai honte
de constater que ce volumineux rapport ne dit mot de la souffrance des malades.
Rien non plus de la souffrance des familles. Celle des professionnels est inexistante.
J’ai honte de constater que, comme dans la loi sur l’obligation des soins, comme dans le triste plan psychique de l’UNAFAM, rien n’est dit de la psychiatrie de secteur qui a permis à la psychiatrie une évolution formidable grâce à la notion de continuité des soins, ni des compensations sociales apportées par la loi 2005 sur le handicap psychique, en complément.
J’ai honte de constater que le rapport n’évoque pas la réalité des troubles psychiques, mais seulement un symptôme, la violence, qu’il n’évoque pas les liens relationnels dans lesquels les troubles naissent et évoluent, rien n’est dit sur la souffrance de l’environnement humain et sur l’appui qu’ils constituent tout au long travail du soin.
J’ai honte de voir leur projet de « bonnes pratiques » résumé dans deux données centrales autour une fois encore de la violence : Il suffit pour eux de savoir bien évaluer et bien faire connaitre la violence des malades. Les IGAS ont constaté que la façon dont les soignants appréciaient la violence des malades était insuffisante : donc « il faut former les soignants à l’évaluation par des tests américains sur la violence ». Ils ont constaté aussi que les informations étaient insuffisantes sur le passé des malades : quand on est informé que tel patient a montré plusieurs manifestations de violences, « on sait » qu’il va récidiver, mais ils ont observé que tous les soignants n’étaient pas informés de cela (ainsi les faits autour de la seule violence résument à leurs yeux tout ce qu’il faut savoir de la pathologie des patients : même JM Delarue n’a pas entendu cela) ! Evidence fondamentale pour les IGAS. Ainsi l’avenir est tout tracé, il est dans la multiplication des fichiers et leur coordination nationale. La stigmatisation est en route et sera de plus en plus serrée.
Les IGAS ont magistralement fait le tour du problème.
Il suffit d’ajouter la formation physique au close-combat pour affronter la violence et d’enseigner « la gestion des situations d’agressivité ».
La définition simple pour le soin est donnée : le soin est « sécuritaire », il faut avoir des « stratégies sécuritaires », qui apporteront des « gains de sécurité » !
A côté certes, il y a certains mots, certaines notions qui sont absentes de ces 200 pages, la liste est longue, quelques uns pourtant :
Absents les mots psychothérapie, le mot groupe, la vigilance, l’état de conscience, le délire, la détresse, la dépression, …. Les entretiens autour des médicaments ? Peu importe on aura vite des dosages permettant de savoir s’ils ont bien été pris. Je vous laisse continuer la lecture …
Tous écartés, sans intérêt.


N’avez-vous pas honte comme moi ? N’avez-vous pas le cœur serré de voir quelle conception de l’homme ont les conseillers du Président qui ont ainsi « forcés » leurs Inspecteurs à tant d’affirmations ? Que pensent-ils de l’homme ? Ont-ils le droit de penser ?
Je vous laisse un instant y réfléchir vous-même. Mon ventre se noue. Je n’ose y croire.


Le soin psychiatrique, c’est pourtant simple, la parole, l’écoute, la patience, la compétence, le temps, encore le temps, et surtout d’emblée le lien avec la famille, avec les proches, puis la continuité de la relation, la confiance, l’amour, le don de soi, des irritations, des émotions, le sourire, l’amitié, des médicaments bien sûr donnés dans la confiance et le respect et en expliquant leurs effets et leurs inconvénients, tout cela sans tambour, sans loi, ni trompette faisant croire que l’on est le meilleur, mais la certitude que le meilleur n’existe pas, seul le lien de confiance importe, il est à reconstruire et nourrir sans cesse, comme l’équipe de soin à renouveler chaque jour selon la personne qu’on rencontre et pourquoi et dont la réflexion collective nous permet de réajuster sans cesse nos petits glissements, nos petites incompréhensions, nos colères, différentes avec chaque patient, tout cela avec la patience qu’une mère et son entourage mettent à tisser des liens qui attirent le bébé un peu plus haut, un peu plus loin, jusqu’à ce que lui à son tour …

En fait ce qui a vraiment déstabilisé le Président, ses conseillers, c’est le rapport tranquille, serein, incontestable du Contrôleur des espaces de privation de liberté, sans passion, sans critique, mais terrible pour l’Etat.


JM Delarue a eu cette très grande élégance de n’accuser personne, de ne demander aucune révolte, de ne demander aucune réponse : il fait ce simple constat et nous le donne : il y a des logiques qui ne permettent pas aux hommes d’agir et de penser selon leur désir.
Quand on entre dans un espace fermé ayant pour objectif affiché les soins et que l’on veut comprendre ce qui s’y passe, sans aucune intention préalable, il est essentiel d’observer les données qui mobilisent les actions des acteurs en constatant simplement ce qu’ils font. Les hommes qui sont tenus par un certain nombre de règles, associées à des sanctions éventuelles obéissent à celles qui sont les plus fortes. Si l’objectif de soigner (qui est exercé de façon personnalisée pour chaque malade en fonction de sa personnalité, de ses troubles, ses liens, son histoire, cet objectif est heureusement « flou », car il se doit d’évoluer à tout moment en fonction de l’évolution de la personne, et de l’évolution de son entourage) est associé à l’objectif sécuritaire dont le but est d’écarter tout danger de violence, d’agression, de crime, de suicides, de fugues, il est évident que l’objectif sécuritaire sera constamment servi en premier car il parait simple à appliquer et surtout pourvoyeur de sanctions. Le sécuritaire pourtant n’est jamais certain, il faudra donc le vérifier, le renforcer sans cesse. Et au bout du compte on constatera qu’il n’y a plus d’espace pour le soin, mort au champ d’honneur du sécuritaire. Si en plus on montre que, contrairement à ce que la loi avait préparé pour éviter les excès, que le patient se saisisse des recours et puisse se plaindre, et que l’on montre que les patients ne les utilisent pas. On comprend que la logique de l’enfermement des patients empêche le soin !
La loi de 1990 toilettée est descendue en flammes par le rapport de JM Delarue. Il est aussitôt clair pour tout le monde que celle de 2011 est beaucoup plus grave puisqu’elle ajoute l’utilisation incontrôlable non scientifique des médicaments envahissant la personnalité des malades sans les guérir, et qu’elle multiplie par trois l’échelle de la contention et des obligations.
Le projet 2011 en ce moment au Parlement a explosé en vol ! Le rapport des IGAS voulait protéger le Président et ses conseillers. Au contraire il les expose par sa bêtise, sa lâcheté.

J’ai honte


annexe

Pour mieux apprécier le caractère savant, informé et scientifique du rapport je vous livre ces quelques perles (mais vous en trouverez d’autres) - en italique mes commentaires impertinents-


p 9 (une larme pour nos pauvres directeurs) : « Aucune incitation financière ne vient saluer les efforts vertueux d’un directeur d’établissement ou d’un chef de pôle » (l’avenir de la psychiatrie est assuré si chaque infraction à la surveillance et aux règles sécuritaires permet aux directeurs de toucher une prime, il suffisait d’y penser ! ceci dans le résumé)


p 55 (une preuve par l’absurde) « Le taux des meurtriers malades mentaux dépend aussi du taux de criminalité ambiant : plus la société est violente, moins la place des malades mentaux dans les homicides est importante. Inversement lorsque la société est pacifique, seuls subsistent les meurtres commis par les malades mentaux » (on se dit qu’il ne manque plus que la phrase eugéniste : supprimons les malades mentaux, il y aura moins de crimes)


p 65 « le désœuvrement des malades produit un ennui néfaste » (on ne met surtout pas en cause l’enfermement qui les coupe de tout ce qu’ils aiment, et pendant lequel on est constamment épié, surveillé)


p 115 -« L’apparente rareté des conséquences graves des fautes de surveillance a tenu lieu d’excuse face aux dysfonctionnements » (ils viennent d’affirmer page après page la gravité des crimes, la multiplicité des fautes ! et voilà on apprend que c’est peu de chose ! on a du mal à en croire nos yeux)


-« Le danger des fugues c’est la rupture de traitement » (ils ont pourtant affirmé qu’elles sont le plus souvent de quelques heures et à domicile)


-« Le dispositif de soin ne doit pas être désinvolte, car « les malades ont été placés là pour les protéger et les empêcher de nuire et de se nuire » (l’intention est claire)

p 117 -Quelques conseils savants pour l’architecture : « il faut éviter les angles morts, et les couloirs sinueux qui ne facilitent pas la surveillance et la fluidité dans les parties communes »

-«Après avoir décidé que des unités de soins organisées sur la base de regroupements de malades homogènes, de nombreuses bonnes pratiques restent à élaborer pour la sexualité, la contention et la sortie de l’hôpital » (voilà le programme : ségrégation, fichiers informatiques, contrôle sexuel)


-« Enfin il suffira de mieux informer chaque patient de ses droits et obligations, des risques de sa conduite, en essayant de tenir compte de ses choix … » (enfin ! première allusion, dans le dernier paragraphe du rapport, à la dimension humaine de la personne ! mais avec quelque précaution)



[1] Analyse d’accidents en psychiatrie et propositions pour les éviter. Mai 2011. Inspection Générale des Affaires Sociales. Ministère de la Santé. 200 pages, biblio, auditions.


Revue de presse sur le rapport de l'IGAS

Psychiatrie : Un rapport dresse un état des lieux très sévère
31/05/2011

SANTE - L'Inspection générale des affaires sociales fait état de 19 homicides commis en cinq ans par des patients hospitalisés de force...

Alors que le projet de loi réformant l’hospitalisation et les soins psychiatriques doit être définitivement adopté ce mardi, un rapport d  l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) dresse un état des lieux très sévère de la psychiatrie en France.
Ce document, révélé ce mardi par Le Parisien et mis en ligne sur le site de l’Igas, met  au jour 19 homicides commis en cinq ans par des patients et un nombre de fugues d'environ 10.000 par an.

Près de 2.000 membres du personnel agressés en 2009

Selon cette enquête menée à Paris, Lille, Amiens, Nice et Poitiers, les 19 meurtres recensés ont tous été commis par des malades de sexe masculin, hospitalisés de force et ayant des antécédents de violence.
Les victimes sont majoritairement des femmes, soit des proches de malades, soit d'autres malades, soit des personnels soignants. Service psychiatrie du Centre hospitalier Belair à Charleville-Mezieres (Ardennes), en juin 2005. «Ce premier constat factuel prouve l’existence d’actes violents particulièrement graves, sans qu’il soit toutefois possible d’en tirer des enseignements statistiques», peut-on lire dans le rapport, qui fait également état de 1.870 agressions du personnel en 2009.

L’organisation et la surveillance mises en cause

Les auteurs du rapport mettent en cause l'organisation du système psychiatrique français, et notamment la réunion dans un même établissement de malades atteints de pathologies de gravités différentes.
Les enfants sont parfois admis avec les adultes et ainsi, un autiste de onze ans a dû être placé dans une cage grillagée en Guyane en 2007 pour le protéger, dans un cas jugé particulièrement choquant par le rapport.

Le ministère travaille sur un plan global des maladies mentales

Est aussi mise en cause aussi la surveillance des établissements dont il est, selon les inspecteurs, trop facile de sortir. Le chiffre de 10.000 fugues annuelles représente 12% du total des patients internés.

Interrogé sur ce rapport, le ministre de la Santé
Xavier Bertrand a réagi ce mardi sur France 2 en indiquant qu’il jugeait nécessaire d'adopter un nouveau plan global pour le traitement des maladies mentales. Un plan sur lequel, a-t-il précisé, son ministère travaille actuellement.
C. F. avec Reuters

PSYCHIATRIE : L’échec. A réformer d’urgence ……

Voici un extrait du rapport de l’IGAS paru hier qui laisse rêveur. N’importe quelle science se remettrait en cause au vu de telles lacunes, et encore le mot est faible. Comme d’habitude, rien ne va changer mais pourtant, il serait grand temps qu’il y ait une vraie science pour s’occuper de ceux qui souffre mentalement.
Je vous laisse juge au vu des extraits de ce rapport. A quand une refonte totale de la psychiatrie ?
1. LES ACCIDENTS EN PSYCHIATRIE QUI METTENT EN JEU LA SECURITE DES PERSONNES REVELENT DES DEFAILLANCES REPETEES DU DISPOSITIF HOSPITALIER DE SANTE MENTALE

1.1. Le système de santé mentale est confronté à des violences qu’il sait mal prévenir ou gérer
1.1.1. L’IGAS et les services (ARS, ONVH) ont enquêté sur près d’une vingtaine d’homicides ou de tentatives d’homicide en cinq ans.
1.1.2. Les agressions de malades envers d’autres malades mentaux ou envers les personnels soignants sont fréquentes et pèsent sur le climat général
1.1.3. Les viols et les agressions sexuelles à l’intérieur des établissements ne sont pas des phénomènes exceptionnels
1.1.4. La maltraitance physique, dans des unités isolées, reste souvent cachée pendant plusieurs années

1.2. Les fugues et les évasions de malades hospitalisés sans consentement qui entraînent une rupture thérapeutique, sont faciles et fréquentes
1.2.1. La fréquence et le taux réel de fugues sont sous-évalués à tous les niveaux
1.2.2. Les modes opératoires ne demandent le plus souvent aucun effort particulier
1.2.3. L’évasion des détenus s’avère parfois plus difficile, mais l’hôpital psychiatrique reste pour un détenu le moyen le plus simple de s’échapper, en l’absence de garde pénitentiaire
1.2.4. La fugue d’un patient potentiellement dangereux n’est pas toujours signalée à temps aux forces de sécurité
1.2.5. Dans la majorité des cas, les fugues n’ont pour conséquence qu’une rupture thérapeutique, mais plusieurs décès se produisent chaque année au cours de ces fugues

1.3. Ces accidents engagent la responsabilité juridique des établissements pour défaut de surveillance ou d’organisation du service

2. LES FACTEURS INFLUENÇANT LA DANGEROSITE DES MALADES SE REVELENT MULTIPLES ET COMPLEXES


2.1. La violence subie ou provoquée par les malades mentaux est revue à la hausse dans la littérature scientifique internationale
2.1.1. Les données récentes de la littérature montrent que certaines catégories de malades ont un risque accru de commettre un homicide, même si la majorité n’est pas dangereuse
2.1.2. La faiblesse des données nationales n’est pas un argument pour penser que, dans notre pays, les choses puissent être différentes
2.2. Le confinement, la promiscuité et le désoeuvrement des malades créent les conditions favorables au passage à l’acte2.2.1. Le non-respect des droits des malades suscite des frustrations inutiles et dangereuses
2.2.2. L’utilisation abusive des chambres d’isolement contribue à accroître la tension dans les services
2.2.3. Le désoeuvrement des malades suscite un ennui néfaste
2.3. La conduite des hôpitaux vis-à-vis des addictions de leurs patients est marquée par l’incohérence2.3.1. L’alcool est partout prohibé
2.3.2. Fortement consommé par les malades, le tabac est revendiqué à leur égard par les personnels, souvent eux même fumeurs, comme « le seul plaisir qu’il leur reste » et les dommages qu’il cause sont ignorés
2.3.3. Les hôpitaux psychiatriques assistent impuissants aux trafics quotidiens de cannabis, alors que le cannabis est un facteur de psychose
2.3.4. Les autres drogues sont plus marginales
2.4. L’évaluation des critères de dangerosité individuelle pourrait progresser, mais a de toute façon des limites 2.4.1. Les outils d’évaluation clinique ne sont pas expérimentés en France
2.4.2. Les médecins ne peuvent pas à coup sûr pronostiquer la dangerosité d’un malade
2.5. L’éparpillement des informations entre les acteurs rend difficile l’appréciation de la dangerosité d’un patient2.5.1. Le médecin dispose uniquement des éléments cliniques et des informations que le patient a bien voulu lui communiquer
2.5.2. La communication avec les proches du patient n’est pas toujours suffisante
2.5.3. Les maires ne sont pas systématiquement associés au suivi ambulatoire des patients
2.5.4. Dans certains territoires, le préfet ne disposait pas, jusqu’à récemment, des éléments nécessaires pour éclairer ses décisions
3. LES FACTEURS SYSTEMIQUES ONT ETE JUSQU’ICI PEU DECRITS DANS L’ORIGINE DES DEFAILLANCES, ALORS QU’ILS JOUENT UN ROLE PRIMORDIAL

3.1. Les installations ne tiennent pas toujours assez compte des besoins
3.1.1. Les accès sont généralement mal aménagés et peu surveillés
3.1.2. Les allées et venues dans les unités de soins sont souvent mal gérées
3.1.3. La conception des unités pose souvent problème

3.2. L’organisation interne des établissements n’a pas suffisamment évolué pour prendre en compte les changements intervenus
3.2.1. Les réductions capacitaires hospitalières publiques sont parfois insuffisamment compensées par le développement des alternatives
3.2.2. L’organisation médicale intra hospitalière favorise souvent le contact entre des sujets fragiles et des sujets dangereux et n’aide pas à l’élaboration de projets d’ensemble novateurs
3.3. Le suivi des malades mentaux est déterminant pour éviter les ruptures thérapeutiques et limiter les complications somatiques3.3.1. Les traitements comportent de nombreux effets secondaires qu’il convient de surveiller attentivement
3.3.2. Les modalités d’organisation de la continuité des soins ne permettent pas toujours d’éviter la rupture thérapeutique ou la reprise d’addictions
3.3.3. La coopération avec les forces de sécurité a globalement progressé
3.4. La gestion des ressources humaines joue un rôle décisif dans la politique de prévention des accidents3.4.1. Malgré une croissance régulière des effectifs rapportés aux lits, certains établissements peuvent connaître des déficits localisés
3.4.2. En revanche le temps de présence des personnels est presque partout réduit
3.4.3. L’expérience et la formation du personnel sont déterminantes pour garantir la sécurité des patients
3.5. Les autorités de tutelle ne contribuent pas suffisamment à l’évolution du dispositif hospitalier de santé mentale3.5.1. La sécurisation des hôpitaux ne fait pas partie des priorités stratégiques des établissements et des autorités de tutelle
3.5.2. Des efforts d’investissement sont nécessaires pour restructurer et construire des bâtiments adaptés aux évolutions thérapeutiques

4. LES PROPOSITIONS


4.1. Un état d’esprit à changer de part et d’autre pour arriver à un équilibre


4.2. Rappel des recommandations
4.2.1. Equiper, bâtir, rénover, adapter
4.2.2. Organiser, restructurer, formaliser, gérer, former
4.2.3. Recenser, mesurer, évaluer, rechercher, expérimenter, valider, diffuser
4.2.4. Informer, communiquer, coordonner
4.2.5. Légiférer, règlementer


Romandie News

Sécurité/hôpitaux psychiatriques : l'IGAS pointe des dysfonctionnements

PARIS - Le rapport que l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) rend public mardi pointe de vrais dysfonctionnements en matière de sécurité au sein des hôpitaux où sont soignés les internés d'office assure le Parisien/Aujourd'hui en France.

Très critique envers l'institution, le rapport, publié le jour même du vote solennel des députés sur une réforme controversée de l'hospitalisation d'office, évalue à environ 10.000 fugues par an parmi les patients pourtant hospitalisés sous contrainte.

Les auteurs du rapport qui sera remis aux ministres de la Santé, de la Justice et de l'Intérieur ont enquêté sur une vingtaine d'homicides survenus dans les hôpitaux psychiatriques au cours des cinq dernières années, et sur de nombreuses agression dont ont été victimes des malades et des soignants.

Ils estiment que derrière les drames individuels, se répètent des dysfonctionnements systématiques.

L'inspection a travaillé dans cinq établissements et a analysé les accidents en psychiatrie survenus dans la population des 80.000 malades internés d'office. Ce sont ces patients que la loi oblige à rester dans les hôpitaux pour prévenir tout problème pour eux-mêmes et les autres.

Cette population représente environ 50% de tous les patients suivis en psychiatrie.

Le projet de loi examiné lundi en deuxième lecture à l'Assemblée nationale, instaure notamment la possibilité de soins ambulatoires (à domicile) sans consentement. Très fortement constesté par les syndicats de psychiatres, il avait été initié fin 2008 par Nicolas Sarkozy après le meurtre d'un étudiant à Grenoble par un malade mental enfui de l'hôpital.

Une pétition d'opposants à ce projet de loi, à l'appel du collectif des 39 contre la nuit sécuritaire, a recueilli plus de 30.000 signatures.
(©AFP / 31 mai 2011

Romandie News

Violence, fugues, maltraitance: un rapport tance les hôpitaux psychiatriques

PARIS - En plein débat sur l'hospitalisation d'office, les hôpitaux psychiatriques sont taxés de négligence en matière de sécurité, dans un rapport officiel sévère publié mardi.

Ce document rédigé par l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) souligne les violences et les fugues recensées dans ces établissements, mais aussi la maltraitance dont sont parfois victimes les patients.

Il se base sur l'analyse les accidents en psychiatrie des cinq dernières années, dont certains très médiatisés, comme le meurtre en 2008 à Grenoble d'un étudiant par un malade mental enfui de l'hôpital.

Conclusion: l'Igas a constaté que, derrière les drames individuels, se répétaient des dysfonctionnements systémiques.

Alors que les hôpitaux accueillent toujours plus de personnes hospitalisées sans leur consentement (quelque 80.000 par an), ils peinent selon l'Igas à faire face aux situations de violences.

La mission a dénombré une vingtaine de meurtres en cinq ans (dont sept à l'intérieur d'un établissement et trois au cours de fugues) et une dizaine d'agressions sexuelles dans l'enceinte hospitalière.

Ces drames sont rares, mais les agressions contre le personnel et les malades paraissent en revanche plus nombreuses que ne le laissent percevoir les 1.870 signalements recensés en 2009, estime l'Igas.

Le rapport relève aussi les fugues, évaluées entre 8.000 et 14.000 parmi les personnes hospitalisées sans leur consentement. La plupart le font à pied, en plein jour, par le portail central, relève l'Igas, qui déplore une trop faible surveillance.

Si les directions des hôpitaux sont critiquées pour leur faible réaction, c'est toute l'organisation des soins psychiatriques qui est remise en cause. L'Igas évoque la maltraitance physique des patients et plus largement les mauvais usages hospitaliers.

Le fait notamment de confiner dans des espaces étroits des personnes aux pathologies très différentes, certaines délirantes et en crise aiguë et d'autres proches de la sortie favoriseraient les fugues ou les violences.

Contrairement à une idée répandue, ce ne sont pas les effectifs de personnels qui font défaut, estiment les auteurs, qui critique la gestion des ressources humaines par les hôpitaux.

Les pouvoirs publics ne sont pas épargnés: la sécurisation et l'amélioration des soins psychiatriques ne font pas partie des priorités stratégiques déjà nombreuses des autorités de tutelle.

Il faudrait être naïf pour penser que ce rapport est publié aujourd'hui par hasard, a dit à l'AFP Norbert Skurnik, du syndicat des psychiatres de secteur, en référence au projet de loi de réforme de l'hospitalisation d'office voté mardi par les députés et rejeté par la profession qui le juge trop sécuritaire.

Le rapport de l'Igas vient à nouveau enfoncer le clou de cette orientation qui entretien un climat de peur et de stigmatisation des malades, a jugé le psychiatre Paul Machto, responsable d'un centre de jour à Montfermeil, sur France Inter.

Selon les deux psychiatres, le rapport de l'Igas constitue surtout une charge contre la psychiatrie de secteur. Ce mode d'organisation fait qu'en principe un malade est soigné par l'établissement psychiatrique du lieu de sa résidence, et non en fonction de sa pathologie.

Il y a une loi qui est votée aujourd'hui au Parlement, qui est importante, mais il nous faut aussi un nouveau plan de santé mentale, qui est demandé par tous les acteurs du dossier, a dit mardi le ministre de la Santé Xavier Bertrand, interrogé sur France 2 sur le rapport de l'Igas.
(©AFP / 31 mai 2011

Politiques sur le divan et vide démocratique

Par ROLAND GORI Psychanalyste et universitaire, FABRICE LEROY Psychanalyste et universitaire

Coucher les politiques sur le divan : une psychanalyse sous contrainte ? Un soin sans consentement ! Peu de temps après une réforme désastreuse de la psychiatrie pour les praticiens du soin psychique et pour les patients, instaurant - entre autres - les soins sans consentement jusqu’au domicile, on voit se répandre dans différents médias des «experts» de la psychanalyse déverser des interprétations sauvages d’un fait divers aussi tragique que spectaculaire.

Voilà le type de propos d’allure «savante» qui, de notre point de vue, font grand tort à la psychanalyse en la transformant en homme à tout faire de la morale et de l’idéologie. L’affaire Dominique Strauss-Kahn, douloureuse, tragique, sidérante, aurait mérité mieux de la part de nos amis psys que cette «lecture directe» des faits et comportements broyés par les médias et par un savoir «expert» devenu pièce à charge d’un dispositif d’humiliation politique.

L’éthique et la méthodologie de la psychanalyse proscrivent l’interprétation sauvage et directe des propos et des actes d’une «personne» transformée en «patient», sans ses propres associations dans une situation particulière de soin. Bref, l’un de nous s’est déjà exprimé sur ce sujet (1), vouloir faire l’analyse d’un personnage politique est un leurre et dans ce cas particulier un leurre dangereux pour la démocratie.

Ces psychanalyses sauvages des hommes politiques participent au divertissement et aux jeux de cirque que chérissent nos démocraties d’opinion, démocraties recomposées par les logiques symboliques et matérielles de la société du spectacle et de la marchandise. Au moment où le pouvoir fait son choix parmi les savoirs transformés en magasins en libre-service pour se doter d’une légitimité que la seule autorité politique ne parvient pas à lui conférer (2), il nous paraît dangereux que les psys de tous ordres fassent entendre leurs voix pour couvrir un désastre. Le désastre du vide démocratique d’un espace de la cité dans lequel la promotion d’un «homme providentiel» fabriqué par les sondages vient se substituer aux véritables débats politiques et démocratiques.

La politique se réduit alors aux mouvements en yo-yo que produit la logique de la Bourse, fluctuant au gré des informations diverses et variées des parts du marché de l’opinion publique. «Une psychanalyse sous contrainte» des hommes politiques, en même temps qu’elle révèle la pauvreté de sa démarche et la disette de ses résultats, témoigne de l’état politique de notre démocratie, un degré zéro de la politique.

(1) «Vouloir faire l’analyse de Sarkozy est un leurre», www.lepoint.fr (2) Roland Gori, «De quoi la psychanalyse est-elle le nom ? Démocratie et subjectivité», Denoël, 2010.