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dimanche 14 décembre 2014

Psychiatrie : une expérience encourageante de téléconsultation tord le cou aux idées reçues

16/12/2014


Le recours à la téléconsultation en psychiatrie suscite de fortes craintes : perte du rapport humain et du contact physique, moindre interaction relationnelle... Une expérimentation menée dans le pôle de psychiatrie adulte « Vallée du Lot » (au nord-est du Lot-et-Garonne), avec l’agrément de l’agence régionale de santé (ARS) et le soutien technique de TéléSanté Aquitaine, se révèle au contraire prometteuse.
Depuis octobre 2013, des téléconsultations ont lieu entre un psychiatre de l’hôpital départemental et un patient suivi au centre médico-psychologique (CMP). Une cinquantaine de kilomètres séparent les deux sites.

Patients connus

En un an, 36 actes de téléconsultations psychiatriques ont concerné 16 patients différents souffrant de pathologies psychiatriques chroniques (trouble psychotique, de l’humeur et de la personnalité) ainsi que trois psychiatres, rapporte dans un article de synthèse la responsable de pôle, le Dr Inès Guetat. Les patients présentant un « délire actif centré sur la technologie, les caméras ou autres moyens de surveillance à distance » ont été considérés comme contre-indiqués.
L’expérimentation a d’abord inclus des patients connus, récemment hospitalisés pour un état aigu, pour des consultations de suivi et de réévaluation du traitement. Elle s’est ensuite élargie à des personnes ayant besoin d’un suivi médical plus rapproché que celui proposé par le CMP, et à des situations de semi-urgence, comme alternative à une consultation au centre hospitalier, pour éviter deux heures de route. Les patients ont bénéficié de 2,25 consultations en télémédecine en moyenne et de 3,9 consultations classiques durant cette année.

Des patients satisfaits à 90 %

Premier élément encourageant : une fois le consentement obtenu, aucune téléconsultation n’a été annulée le jour du rendez-vous, se félicite le Dr Guetat.
Surtout, le taux de satisfaction après la consultation (mesuré par questionnaire) atteint 87,5 % sur cet échantillon de 16 patients. Il est de 100 % pour les soignants. Seuls deux patients ont exprimé une insatisfaction (l’un s’est dit angoissé par l’écran).
Les principales craintes à l’égard de la téléconsultation en psychiatrie n’ont pas lieu d’être, estime l’auteur.
D’abord, les patients ne semblent pas souffrir d’une éventuelle perte d’humanité ou de repères : ils sont souvent eux-mêmes utilisateurs de réseaux sociaux et autres jeux en ligne, « moyens par lesquels ils pallient parfois des difficultés relationnelles ». Certes, l’écran ne permet pas l’appréhension d’éléments de sémiologie indirects (poignée de main, haleine, odeurs de tabac, etc.) mais, explique le Dr Guetat, « ils peuvent être rapportés dans un second temps par l’infirmier du CMP assurant l’accueil physique du patient ».

Le contenu l’emporte sur la technique

Selon cette expérimentation, les attitudes des patients et des médecins varient peu par rapport à une consultation classique. Les patients« rapportent leurs préoccupations nouvelles, leurs ressentis, leurs souffrances sans différence notable par rapport à leur capacité à exprimer ces éléments lors d’un entretien en face à face », lit-on dans le compte rendu du Dr Guetat. « En pratique, souligne encore le médecin,le contenu de l’échange (...) prend d’emblée le pas sur ces considérations techniques et n’entrave en rien la poursuite de la relation qui se noue autour des mots échangés. Le truchement des écrans a même permis à deux patientes qui ont subi des sévices sexuels dans le passé de parler pour la première fois de faits longtemps tus ou juste signifiés lors des entretiens en tête à tête ».
Tout en insistant sur l’importance d’un solide encadrement infirmier, le Dr Guetat considère que la téléconsultation en psychiatrie « peut être complémentaire à des entretiens classiques » et faciliter un suivi rapproché malgré l’éloignement géographique. Elle peut permettre d’optimiser le temps médical et contribuer à désenclaver une petite équipe éloignée du centre hospitalier.
Coline Garré

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